Notre mémoire n'est pas seulement un reflet personnel des expériences vécues, mais aussi une marque partagée par toute une population, qui peut façonner l’identité d’un peuple ou d’une communauté. "Cette mémoire collective est une représentation sélective du passé qui participe à la construction identitaire du groupe", définit Denis Peschanski, historien et directeur de recherche au CNRS. C’est un élément vivant de notre culture qui continue à influencer comment nous nous voyons et agissons dans le présent.
Un communiqué de l'Observatoire B2V des mémoires précise que la mémoire collective ne se réduit pas à la somme des mémoires individuelles. Toutefois, chacun gardera en mémoire des éléments de la mémoire collective en les liant d’une manière personnelle, et les habillera selon un point de vue unique. "Il faut qu’un évènement soit retenu par la mémoire collective, comme le débarquement de Normandie du 6 juin 1944, puis impacter la personne individuelle même si elle n’a pas mémorisé l’épisode", ajoute l’historien.
Pour qu’un évènement entre dans la mémoire collective, il faut qu’il présente une utilité sociale. De plus, la mémoire collective n’est pas figée définitivement, elle est "plastique" (comme le cerveau) et évolue avec le temps.
Etude sur la mémoire collective
Une recherche française parue en 2019 dans Nature Human Behaviour nous apprend comment la mémoire collective façonne l’organisation des souvenirs individuels et dans quelle région du cerveau. Denis Peschanski et Francis Eustache, neuropsychologue spécialisé dans l’étude de la mémoire et de ses troubles, ont participé à cette étude pilotée par Pierre Gagnepain.
Pour rechercher un schéma collectif, les chercheurs ont analysé le contenu de 30 ans de couverture médiatique de la Seconde Guerre mondiale par la télévision nationale française (INA) à l’aide d’algorithmes. Ils en ont retiré une "mémoire sémantique" de la Seconde Guerre mondiale qu’ils ont inclus dans une salle au Musée Mémorial de Caen spécialement dédiée à l’étude. Les participants ont pu y visiter des photos avec des légendes plus ou moins teintées des représentations de mémoire collective de cette guerre, sans savoir lesquelles.
Une zone particulière du cerveau impliquée
Le surlendemain, les scientifiques ont enregistré l'activité cérébrale humaine à l'aide de l'imagerie cérébrale (par résonance magnétique fonctionnelle) pendant que les participants se souvenaient de l’exposition visitée. "Ensuite, on leur a présenté des images du Mémorial et autres, pour savoir desquelles ils se rappelaient. Pour celles du Mémorial, on a observé que les participants avaient bien moins oublié les images fortement teintées de mémoire collective que les autres", relate Francis Eustache.
Fait intéressant, le rappel de ces images-là activait une région particulière du cerveau, spécialisée dans les représentations de la mémoire collective : le cortex préfrontal médian. Cette zone est impliquée dans les interactions sociales et les schémas de mémoire.
Mémoires : les temporalités s’imbriquent
Cela montre l’impact de la mémoire collective sur la mémoire individuelle, qu’on le veuille ou non.
"La mémoire collective du Débarquement n'est pas seulement un hommage aux sacrifices passés, c'est un élément vivant de notre culture qui continue à influencer comment nous nous voyons et agissons dans le présent", conclut le document de l'Observatoire B2V des mémoires. "Les questions que nous nous posons aujourd'hui sur l’impact de nos souvenirs collectifs déterminent les récits que nous laisserons aux générations futures. Ainsi s’imbriquent les temporalités : le passé de l’événement remémoré, le présent de la mémorisation et le futur de l’horizon d’attente."
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