Chérophobie : pourquoi a-t-on peur d’être heureux ?Istock
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Dans l’esprit de certains, la perspective d’être heureux fait naître une sourde angoisse qui conduit à fuir toute situation propice à ressentir ces sentiments de plénitude.

En cas de chérophobie, l’idée de toucher du doigt l’idée de bonheur n’est pas perçue comme une quête personnelle et une récompense de toute une vie. Au contraire, elle fait peur et rebute, au point de conduire à rivaliser de stratagèmes pour éviter de l’effleurer.

Le bien-être émotionnel, toute expérience de joie et de satisfaction personnelle sont auto-censurés, par crainte d’en souffrir par la suite.

Une anxiété anticipatrice d’événements heureux

La chérophobie est un trouble anxieux qui désigne une "angoisse phobique en lien avec le bonheur", explique à Medisite Sébastien Garnero, psychologue clinicien, Dr en psychologie et hypnothérapeute. Cette peur d’être heureux se manifeste le plus souvent par une anxiété irrationnelle et sévère "associée à une anticipation anxieuse à l’idée du bonheur et/ou des expériences positives". Cette peur des événements heureux à venir conduit à anticiper voire à augurer la survenue d’un malheur dans un avenir proche, précise l’expert.

Dans leur volonté (vaine) de contrôler l’avenir et d’avoir prise sur ce qui arrive, les personnes sujettes à la chérophobie tendent souvent à être superstitieuses.

Dans des formes sévères, cette angoisse maladive peut revêtir les atours d’une phobie sociale et altérer grandement le quotidien, en poussant à s’isoler. "On peut observer une limitation des activités quotidiennes qui peut limiter le fonctionnement social et la vie personnelle et professionnelle, au même titre que les phobies sociales plus connues du grand public", décrypte le psychothérapeute.

Un symptôme secondaire fréquent

Ce trouble peut être difficile à dépister tant il s’enchevêtre avec d’autres symptômes ou syndromes comme la dépression, l’anxiété généralisée… "Elle est en réalité un symptôme souvent secondaire relativement fréquent", observe Sébastien Garnero. Et d’ajouter : "Des outils d’évaluation diagnostique plus spécifiques à la chérophobie permettront probablement un meilleur dépistage de ces problématiques, ainsi que des approches thérapeutiques plus efficaces".

Chérophobie : d’où vient cette peur d’être heureux ?

Les causes sous-jacentes à la chérophobie peuvent être complexes et multifactorielles : terrain familial anxieux ou dépressif, traumatismes vécus, sentiment d’insécurité, problématique de l’attachement…

Ce trouble mental peut être le fruit de modèles parentaux négatifs. "Quand les supports parentaux ont souvent eu des attitudes pessimistes et négatives, ou une propension à avoir des comportements auto-saboteurs, envers la notion de bonheur ou face aux situations positives, l’enfant finit par intégrer ce type de schémas et le reproduire dans ses attitudes, ses relations sociales ou dans sa conception de la vie", analyse le thérapeute.

Ces "schémas de pensée négatifs et de croyances irrationnelles" ont pu alors prendre racine autour des expériences de bonheur et de joie. Et c’est sur ce socle de distorsions cognitives qu’a pu se forger l’identité de la personne.

Les expériences traumatisantes peuvent également avoir favorisé ces associations négatives et péjoratives avec le bonheur et la réussite. "Les personnes ayant vécu des expériences de vie multi-traumatiques ou douloureuses à répétition peuvent craindre que le bonheur ne soit suivi immédiatement de souffrance, ce qui les amènera le plus souvent à éviter plus ou moins activement les situations où elles pourraient être heureuses ou en joie".

Que peut cacher cette crainte du bonheur ?

Cette phobie du bonheur peut révéler une "peur de l’inconnu" dans le sens où la dimension du bonheur reste nimbée d’incertitude, selon notre expert.

Conséquence, les personnes atteintes de chérophobie vont être retors à tout changement et peuvent développer une forme d’intolérance. En toile de fond, on retrouve "cette crainte de ne pas savoir gérer l’accession au bonheur qui pousse à fuir toute situation où elles pourraient être heureuses", affirme le Dr Garnero.

Cette peur du bonheur peut aussi cacher une tendance à l’"autosabotage" dixit le Dr Garnero. "Chez certaines personnes, le bonheur ou la réussite ne va pas forcément de soi et peut parfois sembler difficile à assumer car cela remet en question leur identité personnelle. Elles peuvent craindre de ne pas mériter le bonheur ou de ne pas être capables de le maintenir, ce qui peut les pousser à saboter activement les opportunités de bonheur”.

Ces croyances erronées selon lesquelles le bonheur est "éphémère, insaisissable ou associé à des conséquences inévitablement négatives", peuvent entrer en résonance avec un syndrome de l’imposteur (cette impression de ne pas être à sa place, de ne pas être légitime).

Chérophobie : comment surmonter cette peur ?

Plusieurs approches thérapeutiques peuvent être proposées pour traiter la chérophobie, parmi lesquelles :

-les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)

-l’hypnose et ses variantes : thérapeutique, médicale, Ericksoniennne, Elmanienne, intégrative, autohypnose...

-méditation de pleine conscience

-sophrologie

-EMDR

-toutes les techniques de gestion des émotions et du stress autour de la respiration profonde et de la relaxation…

"Il s’agira pour chaque personne de trouver la thérapeutique et les solutions qui sont les plus adaptées à son style de vie, à sa personnalité, à ses expériences ou à ses objectifs", note Sebastien Garnero.

Quelle que soit la méthode choisie, l’expert insiste sur l’importance de se faire accompagner par de véritables professionnels de santé mentale diplômés d’Etat (psychiatre, médecin, psychologue clinicien…) et psychothérapeutes reconnus (statut réservé et professionnels reconnus par l’agence régionale de santé).

Sources

Merci au Dr Sébastien Garnero, Dr en psychologie, psychologue clinicien et hypnothérapeute.

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