Maladie chronique, ma meilleure ennemie : “Les amis sont dans le déni” - Épisode 4Adobe Stock
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Martine a 64 ans. Il y a presque 7 ans, alors qu’elle exerce encore en tant que professeure de sciences médico-sociales dans un lycée professionnel, elle apprend qu’elle souffre d’une myélofibrose. “La myélofibrose est une pathologie dans laquelle du tissu fibreux remplace progressivement les cellules souches sanguines dans la moelle osseuse, ce qui provoque la formation de globules rouges de forme anormale, une anémie et une augmentation du volume de la rate”, indique le manuel MSD.

La myélofibrose primitive, une maladie incurable

Cette maladie, génétique chez Martine, lui est diagnostiquée parfaitement par hasard. "J’ai découvert que j’étais atteinte de myélofibrose en voyant les résultats d’un test sanguin. Je ne présentais aucun signe avant-coureur. J'avais juste mal à l’orteil. Je pensais que ce n’était rien, mais c’était en fait une crise de goutte." La goutte est une maladie générée par un excès d'acide urique dans le sang. Souvent, des microcristaux d'acide urique se déposent dans les articulations et dans leurs tissus, ce qui entraîne une inflammation.

Ce diagnostic est un véritable coup de massue pour Martine. “Au début, j’étais effondrée. On ne veut pas y croire. Et puis, c’est une maladie difficile à comprendre, il y a beaucoup de notions complexes à saisir.” Et pour cause : on estime que la myélofibrose primitive, la forme dont souffre Martine, touchait seulement 520 Français en 2018.Cette maladie due à une mutation génétique se développe spontanémen, survient le plus souvent entre 50 et 70 ans et touche davantage les hommes.

Quand la maladie provoque de la jalousie

D’après Santé publique France, pour la myélofibrose primitive, la “survie nette standardisée” (en d’autres termes, les taux de survie que l'on observerait si la seule cause de décès possible était cette pathologie) est de 86 % 1 an après le diagnostic et de 46 % 5 ans après. Martine comprend que ses jours sont comptés et qu’elle ne peut bénéficier que de traitements de confort.

Dès lors, sa vie change radicalement. À l’époque, elle a 58 ans et doit encore travailler. Sa pathologie lui vaut des horaires aménagés, qui lui valent à leur tour la jalousie de certains de ses collègues. Comme si une maladie incurable était un cadeau. Martine s’en doute : certains d’entre eux parlent de sa myélofibrose dans son dos.

Myélofibrose primitive : le temps passe et les amis s’en vont

“Un jour, une de mes élèves a levé la main et m’a demandé combien de temps il me restait à vivre. J’ai compris qu’un ou plusieurs de mes collègues en avaient parlé aux étudiants.” Aucune sanction ne sera jamais prise.

En parallèle, elle perd ses amis. Plus le temps passe, moins ils la contactent. On ne répond plus au téléphone, on ne vient plus lui rendre visite. Comment expliquer cet isolement ? Pour Martine, ce qu’on ne connaît pas peut faire peur. Certaines personnes peuvent également se complaire dans une sorte de déni, voire de mépris. D’autant que la myélofibrose est difficile à expliquer, à vulgariser. Martine n’a jamais cherché à confronter ses amis à ce sujet. À quoi bon ? La conversation serait fastidieuse, longue, énergivore. Et douloureuse.

Ses deux seuls amis ont eux aussi une maladie lourde

Depuis la retraite, Martine a rejoint l’équipe de bénévoles de sa bibliothèque locale. Beaucoup sont retraités, certains sont malades. Elle estime aujourd’hui avoir deux amis proches : l’un, ancien collègue, est là depuis plus de 30 ans, l’autre fait partie de son équipe de bénévoles. Leur point commun ? Ils sont tous les deux atteints d'une maladie grave. Comme si seules les personnes malades pouvaient comprendre - et supporter - la souffrance des autres.

Peu de temps après le diagnostic, c’est au tour du mari de Martine de la quitter. Celui-ci, qui a rencontré une femme de 17 ans de moins que lui, propose tout de même de rester vivre avec elle. “D’après lui, “il ne pourrait plus se regarder dans le miroir” s'il faisait autrement. J’aurais en plus dû accepter sa liaison. C’était du pur égoïsme de sa part.” Si deux de ses enfants et sa sœur se montrent particulièrement présents et compréhensifs, l’un de ses fils s’éloigne lui aussi. “J’ai la sensation qu’il est dans une espèce de déni. Commme s'il pensait que c'était dans ma tête. Son attitude inndifférente m'interroge beaucoup.”

La maladie incurable, c’est dans la tête

Un problème psychologique, sa myélofibrose primitive ? C’est aussi ce que semblent penser plusieurs amis qui ont quitté ses radars au fil des années. “Je ne corresponds pas au cliché parfait de la malade, car il n’y a pas de signes extérieurs.” Résultats : certains pensent qu’elle en fait trop. Ou qu’elle traverse juste une période de dépression. D’autant que la maladie l’épuise.

Mais ces clichés et ces remarques blessantes ne la mettent pas forcément en colère. Martine est plutôt fataliste, résignée. Elle sait par ailleurs que sa maladie peut potentiellement renvoyer des personnes ayant passé la soixantaine à leurs propres soucis de santé et à leur vieillissement. D’où une volonté, peut-être, de s’éloigner d’elle. Qu’importe. Dorénavant - elle le dit elle-même avec beaucoup de philosophie - elle vivra au jour le jour.

Sources

"Myélofibrose", une fiche du manuel MSD.

https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-du-sang/syndromes-my%C3%A9loprolif%C3%A9ratifs/my%C3%A9lofibrose#:~:text=La%20my%C3%A9lofibrose%20est%20une%20pathologie,du%20volume%20de%20la%20rate.

"Les symptômes, le diagnostic et l’évolution de la goutte", une fiche d'Ameli.

https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/goutte/symptomes-diagnostic-evolution#:~:text=La%20goutte%20se%20manifeste%20par,et%20engendrer%20des%20complications%20r%C3%A9nales.

mots-clés : goutte, maladie rare
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