Ces épidémies qui pourraient émerger d'ici 2050Istock
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Les maladies liées au vieillissement de la population, à nos modes de vie, à la pollution et au changement climatique sont en constante augmentation depuis de nombreuses années : maladies respiratoires (asthme), diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies neuro-dégénératives, cancers... Ces maladies chroniques, non-transmissibles, sont décrites par l'OMS comme des maladies de longue durée, d'évolution lente.

"Les maladies non transmissibles, ou MNT, sont de loin la principale cause de décès dans le monde, représentant plus de 63 % de la totalité des décès annuels", soit 36 millions de décès chaque année, précise l'OMS. Les maladies chroniques ont explosé ces dernières décennies et devraient continuer à progresser. Elles ont pris le pas depuis longtemps maintenant sur les maladies infectieuses, depuis les découvertes des antibiotiques et des vaccins. Toutefois, alors que le monde entier subit depuis plus d'un an la pandémie de la Covid-19, les maladies infectieuses pourraient regagner du terrain ces prochaines années. Ces maladies infectieuses qui nous menacent, qu'elles sont-elles ? Medisite a posé la question à Harold Noël, épidémiologiste à Santé Publique France.

La résistance aux antibiotiques

C'est ce qu'on appelle l'antibiorésistance, soit le fait qu'un traitement antibiotique ne soit plus efficace contre une infection bactérienne. La résistance aux antibiotiques "résulte de l'administration répétée d'antibiotiques chez l'homme ou l'animal qui crée des conditions, appelées 'une pression de sélection' favorisant l’acquisition et la dissémination de souches résistantes aux antibiotiques", explique le site de Santé Publique France.

"On a déjà identifié un certain nombre de bactéries résistantes aux antibiotiques et cela fait près de 25 ans qu'on n'a pas découvert de nouvelles familles d'antibiotiques qui pourrait nous aider contre ces bactéries", explique Harold Noël. "Les virus sont plus volontiers responsables de pandémies, mais il ne faut pas oublier les bactéries qui, si elles se transmettent par voie respiratoire notamment, peuvent faire des ravages, comme la peste au 14e siècle qui avait décimé un tiers de la population européenne".

Selon le rapport 2019 du groupe spécial de coordination inter-institutions sur la résistance aux antimicrobiens (IAGC), "les infections résistantes sont d'ores et déjà la cause d'au moins 700 000 décès chaque année, dont 230 000 sont imputables à une tuberculose multipharmacorésistante. Selon un scénario des plus pessimistes de la Banque mondiale, si rien n'était fait, ce chiffre pourrait même atteindre 10 millions de décès par an d'ici 2050", est-il écrit dans ce rapport.

Infections des voies respiratoires (pneumonies), méningites, IST, infections urinaires... pourraient ainsi être à l'origine de 10 millions de morts par an dans le monde. "Depuis la découverte de la pénicilline, le premier antibiotique, la médecine a fait des progrès considérables en matière de chirurgie complexe, de greffes d’organes, de néonatalogie ou de réanimation. Toutes ces interventions deviendraient impossibles si l’antibiorésistance se développait davantage, car le risque infectieux provoqué par chaque geste médical serait trop élevé", ajoute de son côté le ministère de la Santé.

Les maladies dues au recul de la vaccination

Ces maladies sont aujourd'hui contrôlées par la vaccination, mais elles pourraient de nouveau faire des ravages au vu du recul de la vaccination dans le monde.

La rougeole réapparaît dans certaines zones du monde

"Certaines maladies totalement contrôlées pourraient ainsi redevenir des maladies émergentes si on ne se vaccine plus. Ainsi la rougeole réapparaît dans certaines zones du monde où elle avait été pourtant éradiquée. La diphtérie par exemple réunit ces deux menaces, recul de la vaccination et la résistance aux antibiotiques", observe Harold Noël. Pour rappel, la diphtérie est une maladie hautement contagieuse due à la bactérie Corynebacteriumdiphtheriae qui se transmet notamment par les sécrétions rhinopharyngés.

Des pathogènes connus dont on redoute l'émergence

Il s'agit de pathogènes connus, mais dont on ne sait pas comment ni quand ils émergeront : "ce sont des coronavirus et des virus de la grippe, notamment les virus influenza de type A dont fait partie la grippe aviaire. On est un peu passé à côté de la Covid-19 alors qu'il y avait eu avant la pandémie plusieurs signes d'alerte, notamment le Sras en 2003", observe notre expert.

"Concernant la grippe, au vu des caractéristiques des virus influenza – des virus qui ont une ingénierie génétique très puissante, capables de muter énormément et d'adapter sans cesse leur génome - on sait qu'une pandémie va arriver. On ne sait pas comment ni quand, mais on s'y prépare. C'est ce qui nous préoccupe le plus, nous, les scientifiques, parce qu'il y a avec ces virus un potentiel de diffusion très important", indique l'épidémiologiste.

Ces maladies inconnues venues des animaux

Ce sont les pathogènes - bactéries, virus, parasites - qu'on ne connaît pas, mais dont on sait par quel moyen ils vont arriver : "Il s'agit de toutes les zoonoses", précise Harold Noël.

En effet, les animaux sont des réservoirs d'agents pathogènes pour l'homme et de nombreuses maladies sont des zoonoses, ces maladies infectieuses qui ont passé la barrière de l'espèce, se transmettant de l'animal à l'homme. "Cela peut venir de la consommation de viande, comme avec le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (à l'origine de la crise de la vache folle dans les années 90, ndlr)", observe notre expert. Ainsi, le virus Ebola s'est d'abord développé en Afrique chez les grands singes, les grippes aviaires viennent des populations d'oiseau, le VIH est aussi une zoonose.

60 % des maladies infectieuses humaines existantes sont des zoonoses

"Nous sommes dans une société mondialisée, hyper-connectée, dans une écologie perturbée, fragilisée par l'activité humaine, que ce soit par le changement climatique, la déforestation, le traitement réservé aux animaux... le contexte est effectivement très propice aux pandémies et on s'attend à l'émergence de pathogènes qui viennent du monde animal. Plusieurs facteurs sont aujourd'hui réunis : la mondialisation, l'élevage industriel, l'homme qui s'immisce de plus en plus dans l'espace sauvage, les déplacements d'animaux, la mise en relation d'animaux qui ne sont pas censés être en contact..."

"Ces facteurs permettent le passage de la barrière des espèces par les agents pathogènes, ce qui multiplie leur diffusion à l'échelle épidémique puis pandémique", développe Harold Noël. Selon l'organisation mondiale de la santé animale, 60 % des maladies infectieuses humaines existantes sont des zoonoses, au moins 75 % des agents pathogènes de maladies infectieuses émergentes sont d'origine animale, trois maladies sur les cinq nouvelles maladies humaines qui apparaissent chaque année sont des zoonoses.

L'ère des épidémies ?

Zika, dengue, chikungunya... la mondialisation et le réchauffement climatique permettent également la diffusion des arboviroses, ces maladies transmises notamment par les moustiques. Certaines de ces maladies aussi, pourraient exploser d'ici 2050. Le virus Zika, notamment responsable de microcéphalies chez les nouveaux-nés et de complications neurologiques apparentées au syndrome de Guillain-Barré, est épidémique dans plusieurs régions du monde. Il a fait son apparition en France en 2019.

Enfin, il y a tous ces pathogènes qu'on ne connaît pas et dont on ne sait pas quand ni comment ils vont émerger. "Il est important qu'on développe partout dans le monde des dispositifs de détection rapide des maladies infectieuses avec les moyens de les prendre en charge rapidement. Cette organisation doit être mondiale puisque le monde est désormais globalisé", détaille Harold Noël.

"Nous sommes rentrés dans l'ère des pandémies"

Mais au-delà d'une détection en amont des pathogènes possiblement épidémiques, Harold Noël estime qu'une approche basée sur la doctrine du One Health doit s'imposer. "En quelques décennies, on a vu émerger le VIH, le chikungunya, la dengue, le zika, la grippe H1N1, le Mers, la Covid-19... Il y a de nombreux signaux qui rendent le risque d'émergence de maladies et de nouvelles pandémies très concret. Pour certains spécialistes, nous sommes rentrés dans l'ère des pandémies. Ce qui est sûr, c'est que la santé humaine ne doit pas être pensée sans la santé des animaux et sans la santé de l'environnement. Il est important de repenser notre rapport à la santé, aux animaux et à l'environnement si on veut éviter des crises comme celles que nous vivons actuellement. Les perturbations arrivent bien avant qu'elles finissent par toucher la santé humaine, d'où l'importance du 'One Health' ", conclut notre expert.

Sources

Merci à Harold Noël, épidémiologie à Santé Publique France

Organisation Mondiale de la Santé Animale

OMS

L’antibiorésistance : pourquoi est-ce si grave ?, Ministère de la Santé

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