Wolbachia : une bactérie pour venir à bout de la DengueIstock
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Relâcher des moustiques infectés pour éviter qu’ils transmettent des maladies comme la Dengue paraît sorti tout droit d’un film de science-fiction et pourtant depuis une vingtaine d’année, le professeur Scott O’Neill, fondateur de l’association World Mosquito Program basé dans la ville de Pau, s’est penché sur la question avec des résultats plus que pertinents dans les zones tropicales ou la Dengue tue de nombreuses vies humaines chaque jour.

Le moustique Aèdes aegypti qui est un cousin du moustique tigre, est responsable de la transmission de la Dengue dans la zone intertropicale. C’est le vecteur principal de cette pathologie dans les Antilles, à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie. Et c’est cet insecte précisément qui attire toute l’attention du professeur Scott O’Neill et son équipe.

Les chercheurs cherchent à stopper la prolifération du virus de la Dengue grâce à une bactérie du nom de Wolbachia pipientis. " La bactérie permet de limiter la transmission de cet arbovirus. La méthode a été validée dans les zones tropicales où la maladie est difficilement contrôlable ", note le professeur Frédéric Simard, entomologiste médical et directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement à Montpellier.

" Notre mission première n'est pas d'éradiquer les moustiques, mais de les contrôler "

Mais comment cela fonctionne ? L’association World Mosquito Program élève des moustiques Aedes Aegypti, les contamine avec la bactérie Wolbachia et ensuite les relâchent pour qu’ils puissent infecter les autres moustiques en circulation. " Ce procédé permet à la bactérie d’interagir avec le virus et le système immunitaire du moustique, pour que celui-ci ne puisse plus transmettre la Dengue ", explique le professeur Frédéric Simard. Cette démarche a été entreprise dans 11 pays dans le monde ce qui aide 8,5 millions de personnes selon l’association.

A l’heure où les questions sur la biodiversité sont sur toutes les lèvres, cette technique à l’avantage de ne pas bouleverser les systèmes écologiques tout en combattant le risque sanitaire. " Notre mission première n'est pas d'éradiquer les moustiques, mais de les contrôler. Nous intégrons une bactérie dans leur système, mais nous ne voulons pas déranger l’écosystème bénéfique qui découle de la présence de ces moustiques ", souligne le professeur O’Neill à nos confrères de la presse régionale " presse Lib " du Béarn où se situe son association. Cette technique paraît miraculeuse. Mais est-elle applicable en France ?

" La législation française ne permet pas la mise en place de la bactérie "

L’hexagone observe depuis plusieurs années une remontée des cas de Dengue importées. La présence du moustique Tigre qui s’accroît, inquiète les pouvoirs publics. Mais à l’heure actuelle, cette technique créée par le World Mosquito Program n’est pas appliquée en Europe. " Au niveau réglementaire, nous sommes dans le flou en France. Ce n’est pas un moustique transgénique et ce n’est pas un insecticide. Cette imprécision complique la mise en place du dispositif ", indique le professeur Simard. " Ce n’est pas encore un problème de santé publique dans l’hexagone. Alors que dans les pays du sud des gens meurent. La balance bénéfice risque n’est plus la même. Mais vu l’augmentation des cas dans toute l’Europe, la législation va peut-être le prendre en compte ".

" On créer un système où on lâche une bactérie dans la nature. Les virus s’adaptent, et il y a des chances qu’ils trouvent un moyen de se propager "

Cette méthode élégante d’un point de vue biologique est très efficace d’un point de vue épidémiologique. Mais sur le plan écologique et évolutif les scientifiques restent prudents. Il faut comprendre que le recul n’est pas suffisant pour être certain que cette bactérie n’aura pas un impact quel qu’il soit sur la biodiversité et la santé humaine. " On joue avec le feu parce que l’on propage une maladie dans un moustique. Les interactions avec les êtres humains évoluent. On créer un système où on lâche une bactérie dans la nature. Les virus s’adaptent, et il y a des chances qu’ils trouvent un moyen de se propager. On est sur un équilibre instable mais il est intéressant de continuer de l’observer ", expose le professeur Frédéric Simard.

" Il faut continuer à développer des méthodes complémentaires. Cette bactérie est la première marche pour arriver à une solution durable. Si on arrive à couper la transmission du virus pour avoir la possibilité de diminuer la présence du moustique, c’est bien mais il ne fait pas s’arrêter là ", précise le directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement à Montpellier.

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