C’est une maladie très peu connue, qui n’a fait son entrée dans les manuels diagnostiques qu’en 2013 : l’ARFID (pour avoidant/restrictive food intake disorder), ou trouble de l'alimentation évitante/restrictive. Cette pathologie psychiatrique fait partie de la famille des troubles du comportement alimentaire. Les personnes concernées présentent généralement une phobie de certains aliments, d’où un évitement, voire une exclusion totale de ceux-ci de leur alimentation. Dans les cas les plus graves, l’ARFID peut entraîner de la malnutrition, voire une hospitalisation. Avant 2013, elle était appelée trouble de l’alimentation sélective, ou SED, pour selective eating disorder.
L’ARFID serait déterminée à 79% par la génétique
Très peu de recherches scientifiques ont été conduites sur le sujet. Aussi, une nouvelle étude parue le 1er février dans la revue JAMA Psychiatry vient-elle apporter des informations précieuses sur cette maladie mentale. Selon des chercheurs de l'institut Karolinska, en Suède, l’ARFID serait en partie génétique. Les scientifiques ont réuni une cohorte de 17 000 jumeaux, qu’ils ont observés entre 1992 et 2010. Parmi eux, 682 ont reçu un diagnostic d’ARFID pendant l’enfance.
Pourquoi des jumeaux ? Cette méthode permet d’étudier l’influence de la génétique sur le développement d’une maladie. “On sait que les jumeaux identiques partagent la totalité de leurs gènes et que les faux jumeaux en partagent la moitié, d’où leur différence. Quand on voit qu’une certaine caractéristique est plus répandue parmi les jumeaux identiques que chez les faux jumeaux, cela veut dire qu’il existe une influence génétique. Nous pouvons ainsi estimer dans quelle mesure cette caractéristique est influencée par des facteurs génétiques”, explique la docteure en psychiatrie Lisa Dinkler, l’une des autrices de l’étude.
Les chercheurs de l'institut Karolinska ont découvert que la composante génétique du développement de l’ARFID était de l’ordre de 79%. En d’autres termes, le risque d’être atteint d’ARFID peut être expliqué à 79% par des facteurs génétiques. “La composante génétique de cette pathologie est plus importante que pour les autres troubles du comportement alimentaire et plus proche de celle de troubles neuropsychiatriques comme l’autisme ou du trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)”, développe Lisa Dinkler.
Comme indiqué plus haut, l’ARFID n’est officiellement reconnue que depuis 2013. La maladie a ainsi fait son entrée dans le célèbre DSM, le manuel de référence en psychiatrie.Ce trouble du comportement alimentaire a par ailleurs été inclus dans la Classification Internationale des maladies (ICD) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, peu d’informations sont disponibles sur le sujet. Aussi est-il difficile d’établir un pourcentage de personnes atteintes. Depuis quelques années toutefois, le terme de “phobie alimentaire” commence à se faire connaître.
ARFID : “J’aimais le pain, mais une seule sorte”
En 2017, le magazine en ligne Vice publiait le témoignage d’une jeune femme atteinte d’ARFID, sans pour autant utiliser ce terme. “La seule nourriture “saine” que j’engloutissais volontiers, c’étaient les pommes (seulement si elles étaient pelées) et le maïs (uniquement à même l’épi). Il y avait quelques autres exceptions que je pouvais toucher du bout des lèvres, comme la pizza (s’il n’y avait pas de garniture). J’aimais le fromage, mais seulement le fromage frais que ma mère commandait spécialement du Michigan pour moi. J’aimais le pain, mais une seule sorte, qu’il fallait aussi commander et que j’avais découverte lors d’un voyage familial en Floride. Plusieurs fois par mois, mes grands-parents envoyaient donc un colis de pain de seigle jusqu’à New York” se souvient la patiente en évoquant son enfance.
“Une phobie alimentaire qui peut causer une sensation d’étouffement”
En 2020, c’est le HuffPost qui partage le témoignage d’une femme qui arrive à nommer son trouble selon la terminologie officielle. “Convaincue de ne pas figurer parmi les personnes atteintes de troubles de l’alimentation, je n’avais jamais compris pourquoi la simple perspective d’ingérer certains aliments me faisait vomir. C’était avant que je découvre que je n’étais pas seule dans ce cas. Je sais aujourd’hui que je souffre d’ARFID. En d’autres termes, il s’agit d’une phobie alimentaire qui peut causer des haut-le-cœur, des vomissements et une sensation d’étouffement au moment d’ingérer certains aliments ou à la simple perspective de les ingérer”, raconte l’autrice du papier.
L’étude du JAMA Psychiatry ouvre de nouvelles perspectives sur ce trouble, sur son développement pendant l’enfance et sur sa persistance à l’âge adulte. Une avancée majeure pour les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire, qui sont près d’un million en France.
"Etiology of the Broad Avoidant Restrictive Food Intake Disorder Phenotype in Swedish Twins Aged 6 to 12 Years", une étude parue dans JAMA Psychiatry le 1er février 2023.
"ARFID - Trouble de restriction/évitement de l’ingestion d’aliments : caractéristiques cliniques", un article la Revue médicale suisse.
https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2801119
https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2019/revue-medicale-suisse-638/arfid-trouble-de-restriction-evitement-de-l-ingestion-d-aliments-caracteristiques-cliniques
"L’enfer d’être un adulte atteint de « phobie alimentaire »", un article de Vice.
https://www.vice.com/fr/article/59yq58/lenfer-detre-un-adulte-atteint-de-phobie-alimentaire
"Je souffre d'un trouble de l'alimentation méconnu", un billet de blog du HuffPost.
https://www.huffingtonpost.fr/life/article/je-souffre-d-un-trouble-de-l-alimentation-meconnu-blog_169639.html
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