“Je vois 100 femmes par semaine et je n’ai honnêtement, au cours de ma carrière, pas entendu beaucoup de plaintes au sujet du clitoris”, affirme d’entrée de jeu la docteure Odile Bagot, gynécologue à Strasbourg. En tout cas pas d’un point de vue esthétique. Comme le rappelle la praticienne, les hypertrophies de cet organe sont rares, et c’est plutôt sur la vulve que se concentrent les complexes des patientes qui viennent la consulter. Et ça, n’a pas bougé en 40 ans de carrière.
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“Certaines patientes trouvent que leurs petites lèvres sont trop grandes, notamment. Il existe un souci esthétique de la vulve et une crainte de l’anomalie, surtout de l’hypertrophie des petites lèvres ou de l’asymétrie”, indique Odile Bagot. Qui ajoute, catégorique : “Le clitoris n’est pas un tabou pour autant. Dans la pratique, Madame Tout-le-monde n’est pas une influenceuse : elle parle de ce qui dépasse, point.”
Pour la gynécologue, ce sont surtout les campagnes sur les réseaux sociaux et dans la rue qui laissent à penser que le clitoris est devenu un sujet de préoccupation majeur pour les femmes cisgenres. Cependant, dans les faits, c’est loin d’être le cas. Si Odile Bagot salue les opérations de vulgarisation de comptes comme Jemenbatsleclito (près de 700 000 abonnés sur Instagram), qui aident à informer sur le rôle de cet organe essentiel au plaisir, elle l’affirme : les femmes ne parlent pas davantage de leur clitoris en 2023 qu’il y a 30, ou même 5 ans.
Les quelques fois où des patientes viennent lui parler de cet organe, c’est pour lui faire part d’une douleur, lui montrer un bouton ou une fissure. Dans ces cas de figure, il n’existe aucun tabou. “Là où il y a méprise, c’est que pour femmes, auparavant, les représentations du clitoris ne montraient que la partie externe, soit le gland, sans les terminaisons nerveuses. Mais celles-ci n’ont jamais eu de mal à dire qu’elles avaient mal à cet endroit”, assure la médecin. Odile Bagot a parfois diagnostiqué, par exemple, un encapuchonnement du clitoris lié à un lichen slcéreux vulvaire. “La partie externe se retrouve enserrée dans le tissu du gland, qui est très petit. Elle est carrément enfouie”, développe la praticienne. Les personnes qui en souffrent doivent suivre une corticothérapie locale à vie. Autre souci clitoridien souvent abordé en consultation : les problèmes liés à l’orgasme. Sur ce dernier point, la médecin l’admet : beaucoup de pédagogie reste à faire. La faute, en grande partie, à l’influence de la psychanalyse sur nos perceptions de la sexualité : “Il existe toujours ce vieux prejugé, qui vient en partie de Françoise Dolto, comme quoi l’orgasme clitoridien serait l’orgasme infantile, immature de la femme, à l’inverse de l’orgasme vaginal.” Pourtant, l’orgasme féminin est essentiellement clitoridien ! “Courir après un l’orgasme vaginal, c’est se tromper”, déplore la gynécologue, qui doit fréquemment rassurer ses patientes à ce sujet. “Certaines me disent qu’elles sont clitoridiennes et s’en plaignent comme s’il s’agissait d’une pathologie. Je suppose que dans les films pornographiques, il n’y a que des orgasmes vaginaux et que la représentation dominante est faussée”, analyse Odile Bagot. Qui constate, lasse : “Le Graal, c’est l’orgasme si possible simultané avec l’homme par voie vaginale.” Alors, pourquoi cette impression de “levée du tabou” autour du clitoris, s’il n’y en a jamais eu ? “J’ai l’impression qu’on est dans une espèce de surenchère, que certaines ont envie de dire : “Nous aussi, on en a une grosse !”” s’amuse la gynécologue. En attendant, elle n’a jamais ressenti aucun malaise en consultation quand il s’agissait de parler de cet organe, de ses propriétés et de son rôle. Reste à savoir si les hommes savent le trouver… Mais c’est encore un autre sujet.“Auparavant, les représentations du clitoris ne montraient que la partie externe”
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Clitoris : “Certaines ont envie de dire : “Nous aussi, on en a une grosse !””
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