Médecines douces : dérives thérapeutiques, sectaires... L'Ordre des médecins alerte dans un nouveau rapportAdobe Stock
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"On les appelle 'médecine traditionnelle', 'médecines alternatives', 'médecines complémentaires', 'médecines naturelles' ou encore 'médecines douces' alors qu’elles ne sont pas reconnues sur le plan scientifique, par la médecine conventionnelle et n’appartiennent pas à la formation initiale des médecins", dénonce l’Ordre des médecins dans un rapport publié le 27 juin 2023, sur les Pratiques de Soins Non Conventionnelles (PSCN).

"Il est urgent que l’encadrement et le contrôle de ces pratiques se mettent en place afin de limiter les dangers que les patients, souvent ignorants et bien trop souvent abusés, peuvent rencontrer", précise le document.

En effet, depuis quelques années, les PSNC se sont développées, surtout la Covid-19. "L’Ordre des médecins est très sollicité sur ce sujet depuis des années, mais ça s’est vraiment accru depuis le Covid", expliquait à l’AFP le Dr Claire Siret, chargée du dossier au sein de l’Ordre.

Médecines douces : quelles sont les pratiques mises en cause ?

Pour rappel, ces méthodes de soins "ne sont ni reconnues, au plan scientifique, par la médecine conventionnelle, ni enseignées au cours de la formation initiale des professionnels de santé", insiste dans son rapport l’Ordre des médecins.

Parmi les Pratiques de Soins Non Conventionnelle listés par l’institut, on peut citer :

  • L’apithérapie : la thérapie par les piqûres d’abeilles ;
  • L’aromathérapie : la thérapie par les huiles essentielles ;
  • L’auriculothérapie : l’acupuncture des oreilles ;
  • La kinésiologie : la technique de rééquilibrage psychocorporel ;
  • L’haptonomie : la communication intra-utérine avec le futur bébé ;
  • La lithothérapie : la thérapie par les pierres ;
  • La sylvothérapie : la thérapie par les arbres.

Dans leur rapport, l’Ordre des médecins révèle que près de 400 PSNC ont été recensées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Par ailleurs, selon le Quotidien du Médecin.fr, 71 % des Français auraient déjà eu recours à une de ces pratiques.

Un sondage réalisé par Odoxa, pour l’Union nationale des Associations de défense des Familles et de l’Individu (Unadfien) en mai dernier, indiquait même que presque la moitié des Français (51 %) ont recours aux PSNC. Une pratique en plein essor qui alarme l’organisation.

Comment expliquer l’expansion des Pratiques de Soins Non Conventionnelles ?

D’après ce rapport publié par l’Ordre des médecins, plusieurs raisons pourraient expliquer la raison pour laquelle de plus en plus de personnes ont recours aux PSNC. "Cela peut s’expliquer par le fait que les traitements conventionnels nécessitent, pour être efficaces et sûrs, l’application de protocoles de soins rigoureux, ce qui peut donner au patient le sentiment de recevoir des soins standardisés, non personnalisés", rapporte-t-il. "Les traitements dispensés dans le cadre des PSNC apparaissent plus personnalisés (...)."

D’autre part, leur essor pourrait également être une conséquence des déserts médicaux qui touchent une grande partie de l'Hexagone. Pour rappel, la France connaît d’importantes inégalités quant à la répartition des médecins sur le territoire. "72,2 % de la population vit dans une zone déficitaire en médecins généralistes. Cette difficulté est d’autant plus prégnante que les besoins de santé de la population ont tendance à augmenter", informait le Sénat lors de la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous, déposée le 30 novembre 2022.

Cette progression peut trouver son origine (...) dans l’influence de la crise sanitaire et du contexte actuel, la mouvance 'bio' et l’offre des formations bien-être et développement personnel, déclare l’Ordre des médecins dans son rapport publié le 27 juin 2023.

Autre élément avancé par l'organisation : l’emballement médiatique durant la crise sanitaire. "Les prises de paroles d’'experts autoproclamés' du Covid-19 et de scientifiques aux positions contradictoires, et l’incertitude autour de l’évolution de cette pandémie (...) a contribué à une certaine méfiance de la population pour la médecine conventionnelle, favorisant ainsi l’attrait et le détournement de certains patients vers les PSNC", explique-t-il.

La notoriété des produits bio serait, en outre, une des raisons pour lesquelles les Pratiques de Soins Non Conventionnelles sont devenues si populaires. "Les PSNC surfent sur la vague du bio, sur le retour à la nature, pouvant ainsi amener les personnes à un refus de la médecine allopathique au profit de techniques plus 'naturelles'", continue l’institution dans son rapport.

Quels sont les dangers de ces médecines douces ?

Si ces pratiques continuent de ne pas être encadrées, l’Ordre des médecins redoute trois grandes conséquences :

  • Un exercice illégal de la médecine ;
  • Les dérives thérapeutiques ;
  • Les dérives sectaires, dès lors que cette dérive présente les caractéristiques d’une emprise mentale.

"Si chacun est libre d’envisager la prise en charge de sa santé et de son bien-être, ce libre choix doit être éclairé et exercé en connaissance de cause", estime-t-il.

L’exercice illégal de la médecine

"Thérapeute", "praticien" ou encore "coach"... Ces certifications sont-elles utilisées à juste titre tandis que les PSNC ne sont pas reconnus par la médecine ?

"Il convient de rappeler que seules les professions de santé disposent du droit de conseil et certaines d’entre elles de prescription, que le médicament soit en vente libre ou qu’il nécessite la présentation d’une ordonnance au pharmacien", révèle l’organisation. "Par exemple, certains thérapeutes autoproclamés estiment qu’ils sont en droit de proposer des traitements homéopathiques, dans la mesure où ces médicaments ne font plus l’objet d’une prise en charge par l’Assurance Maladie", poursuit-elle.

Or, "un médicament homéopathique peut aussi contenir plusieurs principes." C’est pour cette raison que seuls les professionnels de santé peuvent prescrire et conseiller de l’homéopathie.

Autrement dit, la multiplication des PSNC "permet aux praticiens de se prémunir contre le risque de voir leurs pratiques caractérisées d’exercice illégal de la médecine", tout en promettant à leur patient d'apporter des effets thérapeutiques.

Les dérives thérapeutiques

Perte de chance, mise en danger de la personne, abus de faiblesse, escroquerie… Si vous faites face à ces caractéristiques, on parle alors de dérive thérapeutique. Mais attention : il n’est pas obligatoire de cumuler tous ces attributs pour pouvoir parler de dérive thérapeutique.

"Une Pratique de Soins Non Conventionnelle devient une dérive thérapeutique dès lors qu’elle met en danger les patients, parce qu’elle n’est pas validée scientifiquement et/ou qu’elle est proposée en remplacement de la médecine conventionnelle", indique dans son rapport l’Ordre des médecins.

À savoir que n'importe qui, professionnels de santé ou pas, peut se voir reprocher la pratique de dérives thérapeutiques. "Cela concerne toutes les personne utilisant à mauvais escient ces PSNC."

Les dérives sectaires

La dernière conséquence soulevée par l’organisation correspond aux dérives sectaires. Il s’agit d’un "dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société", rappelle la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires).

Or, le domaine de la santé et du bien-être sont connus pour être à des terrains de prédilections des mouvements sectaires. Attention tout de même : toutes les dérives thérapeutiques ne sont pas sectaires, et ce, même si elles mettent en danger les patients.

"En revanche, dès lors que ces 'thérapies' cherchent à faire adhérer le malade à un nouveau mode de pensée ou croyance, il faut se méfier, car l’endoctrinement arrive progressivement", explique l’institution dans son rapport.

Comment reconnaître une dérive sectaire ?

Selon la MIVILUDES, trois phases sont à identifier pour reconnaître un phénomène sectaire :

  1. La phase d’approche : promesse de guérison et/ou de réconfort, bouche-à-oreille positive, publicité sur Internet ou sur la voie publique… ;
  2. La phase de séduction : rencontre avec des personnes supposément guéries, invitations, mise en avant de personnalités adeptes de la méthode… ;
  3. La phase de soumission : menace d’aggravation de la maladie si le patient ne suit pas le traitement indiqué, exigences financières allant jusqu’à l’endettement, déracinement géographique…

Pour justement éviter cette menace et limiter les risques d’être entraîné dans une dérive sectaire, "il est important de sensibiliser les patients en insistant sur plusieurs points essentiels : la notion de 'procédés miraculeux', les tarifs et les prix des prestations souvent exorbitants, la désinformation des équipes médicales, avec une volonté d’isolement des patients ou encore le dénigrement des traitements conventionnels, afin d’instaurer le doute."

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