- 1 - Microbiote et médicaments : 29 nouvelles interactions enregistrées
- 2 - Ces médicaments s’accumulent dans les bactéries intestinales...
- 3 - … Et peuvent altérer leur métabolisme
- 4 - Mieux comprendre ces interactions pour individualiser les traitements
- 5 - L'altération du microbiote responsable de maladies ?
Prendre des médicaments est loin d’être anodin. Outre le risque d’effets indésirables qu’ils occasionnent, ils peuvent aussi s’accumuler dans notre flore intestinale et altérer la fonction de ces bactéries. In fine, cela pourrait même réduire leur efficacité, comme le révèle une étude publiée le 8 septembre 2021 dans la revue Nature.
Microbiote et médicaments : 29 nouvelles interactions enregistrées
Nous savions déjà que les antibiotiques ont tendance à déséquilibrer le microbiote. Mais ce sont loin d’être les seuls médicaments à avoir cet effet. D’autres traitements courants, comme certains antidépresseurs, des antidiabétiques ou des antiasthmatiques peuvent aussi interagir avec les bactéries intestinales.
Des chercheurs du Medical Research Council de l'Université de Cambridge et du Laboratoire européen de biologie moléculaire, situé en Allemagne, ont cultivé 25 bactéries intestinales courantes et étudié leur interaction avec 15 médicaments administrés par voie orale. Au total, ils ont analysé pas moins de 375 associations différentes. 70 d’entre elles ont occasionné des interactions, dont 29 n’avaient jamais été signalées auparavant.
Alors que des recherches antérieures ont montré que les bactéries peuvent modifier chimiquement les médicaments, les scientifiques ont découvert que pour 17 des 29 nouvelles interactions, le médicament s'accumulait dans la bactérie sans être modifié. À l’inverse, c’était les bactéries elles-mêmes qui s’en trouvaient altérées.
Ces médicaments s’accumulent dans les bactéries intestinales...
“Nous avons trouvé surprenant que la majorité des nouvelles interactions observées entre les bactéries et les médicaments correspondent à une accumulation des médicaments dans les bactéries. Car, jusqu'à présent, la biotransformation (c’est-à-dire la capacité des bactéries à modifier chimiquement certains médicaments) était considérée comme le principal moyen par lequel les bactéries affectent la disponibilité des médicaments”, souligne le Dr Kiran Patil, qui a co-dirigé l'étude.
Parmi les traitements qui se sont emmagasinés dans le microbiote, on peut citer la duloxétine (un antidépresseur) et la rosiglitazone (un antidiabétique). D’autres ont enregistré à la fois une accumulation et une modification, comme le montélukast (un médicament contre l'asthme) et le roflumilast (pour la maladie pulmonaire obstructive chronique).
… Et peuvent altérer leur métabolisme
Les chercheurs ont également découvert que la bioaccumulation de médicaments bouleverse le métabolisme des bactéries, et donc leur fonction dans l’organisme. Par exemple, l’antidépresseur duloxétine s'est lié à plusieurs enzymes métaboliques dans les bactéries et a modifié les métabolites qu’elles sécrètent et dont se nourrissent d’autres bactéries. En conséquence, ces espèces se sont sur-développées, déséquilibrant toute la flore intestinale.
Or, notre microbiote joue un rôle essentiel dans la digestion des aliments, mais aussi dans notre santé en général. Il fabrique des molécules indispensables à notre survie, comme la vitamine B12 et la vitamine K, régule l’absorption des sucres et des lipides par notre organisme et fournit à ce dernier 10 % de l’énergie dont il a besoin quotidiennement. Il est également au cœur de notre système immunitaire, en repoussant les agents pathogènes et en produisant 70 % de nos anticorps.
Mieux comprendre ces interactions pour individualiser les traitements
"Ce n'est que maintenant que les gens reconnaissent que les médicaments et notre microbiome s'influencent mutuellement, ce qui peut avoir de sérieuses conséquences pour notre santé”, pointe le Dr Athanasios Typas, co-directeur de l’étude. “Cela nous invite à traiter notre microbiome comme n’importe lequel de nos organes”, ajoute son collègue le Dr Peer Bork.
“Les prochaines étapes seront de faire avancer cette recherche moléculaire de base et d’étudier comment les bactéries intestinales d’un individu sont associées à la façon dont chacun réagit aux médicaments”, détaille le Dr Patil. Cela leur permettra de comprendre pourquoi chaque personne peut réagir différemment au traitement, pourquoi certains individus souffrent de tels effets secondaires et pas d'autres, et de mieux déterminer les doses nécessaires à chacun.
“Si nous pouvons caractériser la façon dont les gens réagissent en fonction de la composition de leur microbiome, alors les traitements médicamenteux pourraient être individualisés”, conclut l’expert.
L'altération du microbiote responsable de maladies ?
Qui plus est, une altération du microbiote intestinal peut être la cause d'apparition de certaines maladies. C'est notamment le cas de le polyarthrite rhumatoïde. Selon une nouvelle étude publiée le 13 mai dernier dans la revue scientifique Cell, le microbiote intestinal jouerait un rôle dans la gravité des symptômes de maladie. "Nous voulions savoir ce qui se passait dans l'intestin et si des modifications de la muqueuse intestinale, qui agit comme une barrière pour protéger le corps contre les bactéries, sont une caractéristique de la maladie et contribuent à son développement", explique le Pr Claudia Mauri, co-auteure de l'étude. Effectivement, au cours des tests menés sur des souris et des patients, les chercheurs ont constaté que les marqueurs sanguins des lésions intestinales étaient plus élevés chez les personnes souffrantes de polyarthrite rhumatoïde que chez les personnes en bonne santé. Ces résultats se sont vérifiés même aux premiers stades de l'arthrite et les marqueurs des lésions ont augmenté au fur et à mesure que la maladie évoluait.
"Nos résultats suggèrent que la muqueuse intestinale est une cible thérapeutique", conclut Claudia Mauri. "Plus important encore, nous avons découvert que l'utilisation de médicaments existants qui restaurent l'intégrité de la barrière intestinale, c'est-à-dire empêchent le mouvement des cellules inflammatoires dans et hors de l'intestin, peut réduire la gravité de l'arthrite dans les modèles précliniques", assure la chercheuse. Cette étude ouvre donc la voie à un nouveau traitement de la polyarthrite rhumatoïde.
Bioaccumulation of therapeutic drugs by human gut bacteria, Nature, 8 septembre 2021.
Common medications accumulate in gut bacteria, which may reduce drug effectiveness and alter the gut microbiome, MedicalXpress, 8 septembre 2021.
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