Comment l’obsession de manger sain peut-elle nuire à la santé ?Istock
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Bien que l’orthorexie ne soit pas reconnue comme un trouble du comportement alimentaire (TCA), il s’agit d’une obsession pathologique pour la nourriture dite « saine ». Cette forme de restriction peut être assez disparate d’une personne à une autre. Elle consiste en la suppression de son alimentation de certaines familles d’aliments. « Ceci est basé sur des croyances santé. On croit que cela est bénéfique pour celle-ci de supprimer tel ou tel aliment, ou de manger de telle façon. Mais cette obsession peut être dangereuse pour la santé », explique Raphaël Gruman. « Cela peut s’apparenter à une sorte d’anorexie un peu masquée. On a l’impression de faire attention à sa santé alors que l’orthorexie génère une perte de poids parfois dangereuse et qui est pourtant appréciée par les personnes orthorexiques. Elles se sentent mieux dans leur peau, en meilleure forme… », précise-t-il.

Orthorexie : une obsession pour « l’alimentation saine » évolutive et extrême dans certains cas

Les aliments caloriques sont le plus souvent bannis de l’alimentation des personnes concernées par l’orthorexie. Toutefois, l’orthorexie est évolutive. « Dans un premier temps, supprimer les aliments ultra-transformés et très gras peut sembler être une bonne idée. Or, cela va être fait de façon extrême. Cette restriction va continuer au fur et à mesure, et au bout d’un moment on se retrouve avec une classe d’aliments bien trop limitée pour avoir un équilibre alimentaire suffisant », explique Raphaël Gruman. Dans certains cas, les orthorexiques poussent à l’extrême leur obsession. « J’ai déjà eu en consultation des patients qui ne consommaient plus que des aliments blancs : du lait, de la dinde, des yaourts, des champignons… », déclare Raphaël Gruman.

Un impact sur la santé physique et psychique

Comme toute obsession alimentaire, l’orthorexie a des impacts sur la santé physique. « Cela va générer des carences en vitamines, minéraux, une fonte musculaire, des troubles cardiaques… Cela peut aller jusqu’à la mort de la personne », détaille Raphaël Gruman.

Cet impact est également psychologique, à différents niveaux. « Cela peut favoriser les TCA. Dans certains cas, cela peut même engendrer des troubles obsessionnels du comportement (TOC). La personne ne va plus pouvoir s’empêcher de regarder les étiquettes, de contrôler les aliments qu’elle va consommer… », explique Séverine Ringot. En outre, l’experte alerte sur le fait que l’orthorexie a des impacts sur la vie quotidienne de la personne. « Cela peut créer de l’anxiété, la personne peut appréhender les moments des repas, d’être invitée à un dîner… Cela va donc jouer sur la partie sociale, la personne va se replier sur elle-même. »

Une obsession qui touche majoritairement les femmes, mais pas que

L’obsession de manger sainement concerne majoritairement les femmes, à raison de 8 cas sur 10 d’après notre nutritionniste. Ces dernières sont en effet bien souvent plus exigeantes envers leur apparence, et ce, depuis des années, en raison des images de « corps parfaits » largement diffusés par les médias et sur les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, on va jouer sur les aliments les plus bruts possibles, les moins transformés… Les bienfaits de certains régimes alimentaires sont régulièrement vantés comme le régime paléolithique qui consiste en une consommation exclusive d’aliments crus. Il y a une sorte de greenwashing alimentaire», analyse l’expert de la nutrition.

Les jeunes et les personnes âgées notamment peuvent être touchés par l’orthorexie. « Autour des 50-60 ans, on souhaite souvent faire un peu plus attention à son alimentation. Cela peut devenir davantage préoccupant car tout devient malsain et dangereux pour la santé », ajoute notre experte en psychologie.

Des symptômes pas toujours connus

Les personnes orthorexiques n’ont pas toujours conscience qu’elles sont obsédées par le fait de manger sainement. Certains signes ne trompent pas et doivent pousser à consulter un professionnel de santé. « Les patients ne se rendent pas forcément compte qu’ils ont cette obsession pour l’alimentation saine. L’entourage peut s’en apercevoir car l’évolution est visible avec la perte de poids excessive. Une fatigue très importante, des ongles cassants, ou une chute de cheveux doivent alerter », explique Raphaël Gruman.

Orthorexie : une obsession qui nécessite une prise en charge par des professionnels de santé

L’origine de l’orthorexie est essentiellement psychologique. C’est pourquoi nos deux experts s’accordent à dire qu’une prise en charge à la fois nutritionnelle et psychologique est nécessaire. Sur le plan nutritionnel, un suivi régulier est important à raison d’une fois par semaine. « On essaie progressivement de réintroduire des familles d’aliments en indiquant une certaine fréquence de consommation. Mais cela prend beaucoup de temps étant donné que le processus est avant tout psychologique. Il est indispensable que la personne accepte le fait qu’il y ait un problème pour accepter de le traiter. Une démarche très pédagogique est importante pour que cela réussisse », détaille Raphaël Gruman.

Sur le plan psychologique, Séverine Ringot explique que l’orthorexie est travaillée de la même façon que les TCA. « L’objectif est de se décentrer de l’alimentation et de comprendre ce qui amène la personne à être autant dans le contrôle. L’idée est d’aller vers un lâcher-prise. Chaque prise en charge dépend de la cause, c’est donc du cas par cas. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont favorisées pour traiter les TCA car il s’agit au départ d’un schéma de pensée. On identifie avec la personne son schéma de pensée, ce qui amène son comportement, pour ensuite modifier la pensée et éviter le comportement qui est le recours systématique au contrôle. On fournit également des clés pour avoir recours à autre chose », explique-t-elle.

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