Témoignage: “Voilà pourquoi je me suis déconventionnée et ce que cela change pour mes patients !”Istock
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Depuis quelques mois, c’est la grogne chez les médecins généralistes. En cause? Un tarif de consultation jugé trop bas, ce qui impacte leur façon de travailler. Dans ce bras de fer avec l’Assurance maladie, certains n'hésitent plus à se déconventionner. Nous avons rencontré la Dre Sina Gombert qui nous explique les raisons de sa démarche et ce que cela a changé pour ses patients.

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous déconventionner? C’est uniquement une question de tarifs?

Pas uniquement. Cela faisait plus de deux ans que je réfléchissais à me déconventionner, avant le mouvement des médecins dont on parle beaucoup. J’avais d’ailleurs déjà abordé la situation avec certains de mes patients. En réalité, j’étais face à un problème insoluble, être conventionnée ne me permettait pas d’exercer comme je le souhaite car la médecine n’est pas uniquement curative, elle est aussi préventive. J’aime mettre la prévention en avant, et notamment l’hygiene de vie et l’alimentation. Et ça change nécessairement ma pratique.

C'est-à-dire? Vos consultations sont plus longues?

Exactement. Quand un médecin est conventionné, le prix de la consultation est fixé à 26.50€, ce qui résulte en consultations de 10 à 15 minutes. Impossible pour moi dans ces conditions de questionner le malade sur des symptômes associés, son hygiène de vie, ou de faire de la prévention. Or l’un des rôles du médecin, c’est justement d’agir avant que l’on tombe malade.

Malheureusement, à mon avis la réglementation en France pousse à cette médecine d’urgence, qui, si elle est essentielle aussi, n’est pas adaptée à tous les cas. Les primes par exemple destinées aux médecins et qui récompensent la prescription des médicaments génériques mais ne soutiennent pas le temps qui peut être nécessaire avec les patients. L’idée est bonne sur le papier, mais cela encourage,encore une fois, à cette médecine de symptômes et aux solutions majoritairement médicamenteuses.

Vous dites que les médecins reçoivent des primes quand ils prescrivent des médicaments?

Pour les médicaments, analyses sanguines aussi ou autres, c'est pour aider à ne pas oublier certaines bonnes pratiques de suivi. Mais pour moi qui ai une approche différente, plus axée sur la prévention, l'hygiène de vie et le rééquilibrage alimentaire, ces primes n’étaient pas toujours accessibles. Par exemple, s’il est utile de contrôler certains taux sanguins chez les diabétiques, certains de mes patients n’ont plus besoin de surveillance, leurs taux sanguins étant dans la norme !

Pour en revenir à la consultation elle-même, pourquoi ne pas simplement allonger le temps passé avec chaque patient ?

Car alors, on ne s’en sort plus financièrement. Pour ce qui me concerne, avec ma façon de travailler (des consultations plus longues, une large part consacrée à la prévention…), je ne parvenais tout simplement plus à vivre de mon travail car je voyais beaucoup moins de patients que mes confrères. Mon chiffre d'affaires couvrait à peine les charges du cabinet, et pendant un an nous avons vécu sur le salaire de mon mari.

Le tarif de la consultation chez le médecin généraliste est un frein à une pratique comme celle que vous voulez exercer, c’est cela?

Exactement. Et ce phénomène est accentué par l’inflation. Par rapport aux tarifs conventionnés qui avaient cours dans les années 90, le prix d’une consultation a été augmenté de 13%... quand l’inflation accuse un bond de plus de 40%, visible, entre autre, sur l’évolution du taux horaire SMIC. Dans ces conditions, la seule porte de sortie est de travailler plus et de limiter le temps de consultation.

Comment ont réagi vos patients quand ils ont appris que vous n’étiez plus conventionnée ?

Ils ont été très compréhensifs, d’autant qu’ils apprécient la façon dont j’exerce. J’ai prévenu tout le monde six mois avant, par mail et j’ai placardé une affiche dans la salle d’attente. J’étais aussi présente pour répondre à leurs questions.

Quelles ont été les principales inquiétudes de vos patients quand ils ont appris que vous vous déconventionniez?

Ils étaient surtout inquiets par rapport à la prescription de médicaments. Je les ai rassurés tout de suite: les médicaments sont délivrés par le pharmacien et remboursés de la même façon. Cela ne change rien. De la même façon, je peux les adresser à un médecin spécialiste qui sera remboursé (s’il est conventionné bien sûr) et suivre leur parcours de soin.

Dans les faits, les seules choses qui changent, c’est que le montant de la consultation n’est plus remboursé, qu’il y a écrit “déconventionné” sur mes ordonnances et que je n’ai plus besoin de la carte vitale!

Vos tarifs sont restés les mêmes après le déconventionnement ?

Je n’ai pas pu, malheureusement, car les charges (en particulier URSSAF) augmentent quand on est déconventionné, il faut les multiplier par quatre! J’ai donc travaillé avec ma comptable pour établir un tarif juste : 45€ pour une visite de 20 minutes avec un seul motif de consultation et 65 € si on a besoin de plus de temps ou que le patient vient pour deux préoccupations distinctes. Forcément, c’est un coût que certains de mes anciens patients, les plus précaires, ne peuvent plus assumer, mais de nombreuses mutuelles prennent aujourd’hui le relais.

Sources

Interview de la Dre Sina Gombert

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