Ce 18 mars 2024 débute la semaine de la santé mentale, organisée par la Fondation pour la recherche médicale. Tour à tour, cet événement donne la parole à des personnalités, des médecins et des chercheurs pour mieux faire comprendre les maladies psychiatriques, dont la schizophrénie, au grand public. À cette occasion, Medisite s’est entretenu avec Jean Philippe Pin, directeur de recherche au CNRS à Montpellier, pour échanger sur les dernières avancées en matière de traitement de cette pathologie.
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Actuellement, une personne atteinte de schizophrénie se soigne avec des neuroleptiques, plus précisément des antipsychotiques atypiques. “Ces traitements servent à corriger les défauts comportementaux dus à la maladie, en particulier les effets positifs comme les hallucinations, cependant ils corrigent mal les autres aspects de la maladie comme le retrait social, les aspects dépressifs-anxieux, la perte de mémoire, les problèmes de raisonnement, etc. ”, explique Jean Philippe Pin, directeur de recherche au CNRS à Montpellier.
Surtout, le traitement par antipsychotiques atypiques a un problème majeur : “Les patients schizophrènes ont souvent des phases où ils ont l'impression d'aller bien et ils ne prennent pas leur traitement correctement. Ils oublient ou n’y pensent pas. Et s'il y a quelque chose de vraiment important avec les antipsychotiques, c'est de les prendre régulièrement. Lorsqu'on arrête le traitement, on peut avoir des impressions de manque, de sevrage et une exacerbation des réactions psychotiques”, détaille Jean Philippe Pin.
Les limites des antipsychotiques actuels
Certains industriels essaient donc de développer des antipsychotiques à prendre tous les 15 jours ou tous les mois, sous injection avec une diffusion lente. Cependant, ces médicaments ne sont pas non plus optimaux, note le directeur de recherche : “Ils ne traitent qu'une partie des symptômes majeurs des psychoses.”
Comment expliquer cette action partielle ? “Les antipsychotiques ne visent qu’un seul système de neurotransmetteurs. Il faut comprendre que notre système nerveux est un réseau constitué de cellules qui communiquent entre elles. Cette communication entre les neurones se fait au niveau des synapses. Un premier neurone va libérer un médiateur juste à côté du neurone suivant, et ce médiateur va agir sur le neurone suivant. Les molécules qu'on appelle les neurotransmetteurs assurent le passage de l’information entre les cellules nerveuses. C’est ça, le système ciblé par les antipsychotiques. Ils vont agir sur la dopamine, le neurotransmetteur du plaisir, du bonheur, en le bloquant.”
Les antipsychotiques atypiques ciblent également un deuxième système de neurotransmetteurs : celui de la sérotonine. Un système aussi ciblé par les antidépresseurs. “En agissant sur le système de la dopamine et de la sérotonine, on peut réussir à atténuer les effets délirants des psychoses”, détaille Jean-Philippe Pin.
Où en est la recherche sur les antipsychotiques ?
Les antipsychotiques en cours de développement ciblent quant à eux un autre système de neurotransmetteur dérégulé en cas de psychose : celui du glutamate, “le transmetteur de huit synapses sur dix, donc la grande majorité de nos synapses”, précise Jean-Philippe Pin.
Problème avec ce fonctionnement : les chercheurs se sont aperçus qu'il y avait souvent une libération trop importante de glutamate, mais aussi une perte de fonction d'une des cibles du glutamate, celle responsable de l'apprentissage, d’où des problèmes de cognition. “Des tests ont été réalisés chez la souris avec des molécules capables de corriger l'un ou l'autre des défaut des synapses du glutamate, et cela fonctionne très bien. Il y a aussi eu des tests cliniques chez l’humain qui se sont avérés malheureusement négatifs : une fraction trop faible de patients répondaient.”
Soigner la schizophrénie avec des anticorps
Aujourd’hui, l’équipe de Jean-Philippe Pin travaille sur une nouvelle façon de soigner la schizophrénie : un traitement par anticorps. “Ils vont agir sur une cible particulière et de ce fait contrôler l'activité de cette cible. Ces traitements par anticorps ont été une vraie révolution dans le traitement du cancer. Nous, on a choisi des anticorps dix fois plus petits que les anticorps classiques, produits spécifiquement dans une lignée de mammifères : les chameaux, les dromadaires et les lamas. Ces animaux ont la particularité d'avoir les mêmes anticorps que nous, mais aussi une autre famille d'anticorps issus d'une seule chaîne protéique, beaucoup plus petits, qu’on appelle les nanocorps. On s'est aperçus que ceux-ci étaient capables de rentrer dans le cerveau.”
Pour le moment néanmoins, l’équipe du CNRS est très loin d’une commercialisation. Manque encore une étude clinique pour compléter les résultats obtenus sur les souris. “Il faut pour cela des millions d'euros, alors nous envisageons de créer une entreprise pour lever des fonds et avancer sur le développement de ces outils. Si cela fonctionne, il faudra une bonne dizaine d'années avant une potentielle commercialisation”, détaille Jean-Philippe Pin. Mais il se veut optimiste : avec cette nouvelle méthode, le traitement de la schizophrénie serait moins lourd, plus rapide et plus efficace. “Quand on fait une injection d'anticorps chez la souris, l'effet bénéfique est observé sept jours plus tard.”
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