- 1 - Séniors : une population très touchée par les problèmes de santé mentale
- 2 - Secourisme en santé mentale : "On ne se substitue pas aux professionnels de santé"
- 3 - "L'idée n'est pas de poser un diagnostic"
- 4 - "Pour se rétablir d'une dépression, il faut en prendre conscience"
- 5 - Santé mentale : plus de 100 000 secouristes formés
En 2021, la France a compté 8951 décès par suicide, selon les chiffres Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès. Les classes d’âge les plus touchées sont les suivantes :
- les 45-54 ans
- les 55-64 ans
- les 65-74 ans
Séniors : une population très touchée par les problèmes de santé mentale
On le voit ici, les séniors sont particulièrement concernés par le suicide, et plus globalement par la souffrance mentale. “Environ 3500 personnes âgées se suicident chaque année”, indique par ailleurs la Fédération SOS Suicide Phénix France. Les facteurs de risque comprennent l’isolement, l’accès difficile à un système de soins, la perte d’autonomie, la précarité financière ou les maladies liées au vieillissement.
Pour mieux repérer les personnes en situation de souffrance mentale, l’association Premiers secours en santé mentale France (PSSM France) propose une formation au secourisme en santé mentale. Celle-ci est ouverte à tous à condition d’être majeur. Elle dure deux jours, pour 14 heures de modules. Comment adapter le secourisme en santé mentale aux personnes de plus de 60 ans ? Medisite s’est entretenu avec Stéphanie Rochedix, responsable communication de PSSM France.
Secourisme en santé mentale : "On ne se substitue pas aux professionnels de santé"
Medisite : Est-ce que vous pouvez m'expliquer en quelques mots ce qu’est le secourisme en santé mentale ?
Stéphanie Rochedix : On connaît tous les premiers secours. Nous, ce qu'on propose, ce sont des premiers secours pour ce qui concerne la santé mentale. On veut briser le tabou autour de la santé mentale et apprendre aux citoyens français à parler librement de ce sujet, à connaître les principaux troubles et à aider les personnes de leur entourage. C’est un outil de prévention. Attention, ça ne sert pas à soigner : on ne se substitue pas aux professionnels de santé. On est là pour encourager les personnes de notre entourage qui pourraient être en souffrance psychique à en prendre conscience et à consulter soit des ressources, soit des professionnels de santé.
Medisite : Quels sont les premiers secours en matière de santé mentale ?
Stéphanie Rochedix : La temporalité n'est pas du tout la même que pour le secourisme classique puisque là, on raisonne sur le moyen terme. On va identifier la personne, l'approcher. Puis une discussion va s'installer, qui peut prendre des jours, voire des semaines, voire des mois, puisqu'on ne va pas secourir quelqu'un atteint d'un trouble psychique comme une victime d’un accident de la route. On ne va pas le mettre en PLS, on ne va appeler les secours. Notre mission est beaucoup, beaucoup plus longue et nécessite de la persévérance. Tout ça, on l'apprend durant la formation. Cette approche ne se fait pas n'importe comment, il y a tout un cadre qui doit être mis en place, une méthode d'intervention qu'on vous explique durant la formation et qui vous permettra d'intervenir quel que soit le trouble auquel vous faites face. Les gens ont l'impression que c'est facile, mais aider, ça s'apprend. Notre programme est jeune en France, mais il est né en Australie il y a un certain temps. Elle a été élaborée par une personne concernée par un trouble psychique et par son conjoint, chercheur. Elle est maintenant déployée dans 29 pays. De nombreuses recherches scientifiques sont venues asseoir notre méthode et la confirmer.
"L'idée n'est pas de poser un diagnostic"
Medisite : Est-ce que la méthode, justement, est différente selon la pathologie ?
Stéphanie Rochedix : Pour ne pas mettre les secouristes en difficulté, on a mis en place une méthode appelée AÉRER, soit cinq étapes qu'on déroule de manière systématique, quel que soit le trouble.
- Approcher la personne.
- Écouter la personne, activement et sans jugement.
- Réconforter et informer.
- Encourager la personne à aller vers des professionnels.
- Renseigner sur les autres ressources disponibles.
Vous n'avez pas besoin d'être expert en santé mentale pour pouvoir approcher une personne. Une fois de plus, l'idée n'est pas de poser un diagnostic, c'est vraiment d'avoir une approche humaniste pour aider la personne à prendre conscience qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas et l’encourager à aller vers le soin.
Medisite : Et ça fonctionne ?
Stéphanie Rochedix : Oui, tout à fait. En Australie, pays précurseur sur le sujet, on observe qu'il y a une meilleure prise en charge. On sait aussi aujourd'hui que plus un trouble est détecté de manière précoce, mieux il est pris en charge et plus vite la personne pourra se rétablir. C'est souvent l'entourage qui va pouvoir détecter une personne qui a besoin d’aide.
"Pour se rétablir d'une dépression, il faut en prendre conscience"
Medisite : Le challenge, c'est de pouvoir détecter ça chez les gens qui sont seuls.
Stéphanie Rochedix : Notre approche est globale, c'est-à-dire qu'on apprend à aider autant son voisin que son collègue, qu'une personne qu'on ne connaît pas bien. Vraiment toutes les personnes qu'on va être amené à croiser dans son quotidien. On a beaucoup de ressources qu'on diffuse durant la formation et en ligne pour pouvoir apprendre à approcher les personnes selon leur profil.
Medisite : Que proposez-vous pour les plus âgés ?
Stéphanie Rochedix : Aujourd'hui, on est capable de proposer une solution pour les seniors, puisque le PSSM standard offre de nombreuses ressources qui peuvent justement être utilisées avec des personnes plus âgées. Les études montrent que l'on peut se rétablir d'une dépression, mais qu'il faut en prendre conscience. Cependant, chez les seniors, il y a une réticence à aller consulter pour cela, d'où l'intérêt de former des secouristes, des personnes qui pourront leur être familières, leur faire passer un message afin d’accompagner la prise en charge. Ce sera moins violent qu'un diagnostic durant un rendez-vous médical.
Santé mentale : plus de 100 000 secouristes formés
Medisite : En quoi consiste la formation ?
Stéphanie Rochedix : Il y a énormément de mises en contexte à travers des activités et des vidéos. On diffuse aussi des témoignages tournés auprès de personnes qui ont un trouble et qui expliquent ce qu'elles ressentent, ce qu'elles vivent, leur quotidien. Il y a également des jeux de rôle. Durant cette formation, chaque secouriste reçoit un manuel de secourisme en santé mentale qui va l’aider par la suite à mobiliser ses connaissances en cas de besoin. On a aussi une communauté de secouristes que nous animons. À ce jour, plus de 100 000 secouristes ont été formés, et on envoie des newsletters.
Medisite : Quels sont les principaux challenges pour la prise en charge des plus âgés ?
Stéphanie Rochedix : Pour les seniors comme pour n'importe quelle personne, il faut faire prendre conscience de l'importance de l'hygiène de vie. Ça peut être assez basique, mais c'est une réalité. Il y a un réel effet de l’hygiène de vie sur la santé mentale : tout ce qui est de l'ordre de l'alimentation, du sommeil et de l’activité physique. Pour les personnes à domicile ou en institution qui sont isolées, on va essayer de créer du lien, de trouver des solutions pour qu’elles soient stimulées intellectuellement, pour maintenir leurs aptitudes cognitives. Il existe par ailleurs des associations qui proposent des activités ludiques, sportives, spécialisées pour les seniors. Il y a toute une liste de ressources que vous apportez en formation. Quand vous êtes secouriste, vous connaissez toutes ces astuces.
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