Dépression, anxiété, addiction ou douleurs chroniques : les bénéfices de la thérapie d'acceptation et d'engagement 

Medisite : Qu'est-ce au juste que la thérapie d'acceptation et d'engagement ?

Dr François Bourgognon : La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT pour acceptance and commitment therapy) est une approche thérapeutique assez récente (le premier livre publié sur ce sujet aux Etats-Unis date de 1999) qui appartient à la grande famille des thérapies comportementales et cognitives (TCC). Cela étant, elle propose un changement total de paradigme puisque la disparition de la souffrance n’est plus l’enjeu immédiat de la thérapie, considérant que l’éprouver n’est pas pathologique en soi.

Nous sommes des êtres sensibles, nous ressentons le plaisir et la douleur. Aussi désagréables soient-elles, les émotions négatives sont utiles et s’inscrivent dans le fonctionnement normal de l’esprit. La peur, la colère ou encore la tristesse sont essentielles car elles nous alertent sur ce qui ne va pas. Il s’agit d’admettre que la douleur psychologique est inhérente à la condition humaine elle-même, non pas pour s’y complaire mais tout simplement parce qu’elle est incompressible. Dès lors, nous redevenons libres de sortir de la lutte contre-productive pour le confort à tout prix, et de nous engager dans des actions qui enrichissent l’existence.

Comment l’ACT nous permet-elle d’accepter notre souffrance ?

En thérapie ACT, on considère qu’il est bien plus opérant d’œuvrer pour que de lutter contre : œuvrer pour donner du sens à sa vie, même ne présence de la souffrance, plutôt que de lutter contre la souffrance. L’ACT est une thérapie expérientielle (utilisant de nombreux exercices concrets et métaphores), dont le but est d’améliorer la flexibilité psychologique et qui, pour ce faire, met en œuvre six processus thérapeutiques :

• L’acceptation, qui permet d’accueillir ses ressentis inconfortables.
• La défusion, qui permet de se distancer de ses pensées (de les voir comme des événements mentaux).
• Le contact avec l’instant présent, qui permet de se connecter à son expérience du moment.
• Le soi comme contexte, qui permet de ne pas se confondre avec son expérience du moment (élargit le sens de soi et offre une base de sécurité).
• Les valeurs, qui connectent avec ce qui est important pour soi : ce sont les grandes orientations de notre vie, celles vers lesquelles, au fond, nous voulons aller.
• L’action engagée, qui permet d’agir en phase avec ses valeurs : elle regroupe toutes les actions que l’on va produire pour aller vers ces valeurs.

Mais il est possible simplifier le modèle ACT en trois grands axes de travail :

• Développer l’observation : porter son attention sur ce qui se passe ici et maintenant.
• Diminuer les évitements : sortir de la lutte contre l’inconfort et s’ouvrir.
• Favoriser l’approche : faire ce qui importe pour avancer sur le chemin d’une vie qui a du sens.

Pourquoi faut-il accepter nos souffrances plutôt que les combattre ?

Parce qu’en tant que telles, nos émotions et sensations inconfortables ne peuvent être que ressenties, et non résolues ! On peut parfois résoudre ce qui provoque les émotions, mais pas les émotions.

Il est donc inadéquat de les considérer comme des « problèmes » car les tentatives de contrôle ne font que recouvrir la douleur initiale d’une couche de souffrance. C’est ce qui se passe quand on fait des choses comme boire, fumer, trop manger, ruminer ou s’inquiéter… Nous nous enfermons alors dans des fonctionnements totalement contre-productifs. Au lieu de lutter en vain pour faire disparaitre tout inconfort psychologique (et d’obtenir souvent le contraire), il convient d’utiliser cette énergie pour s’engager dans des actions qui enrichissent l’existence.

Voilà le logiciel de la thérapie ACT : en embrassant l’inconfort, on peut se mettre en chemin. C’est comme un alpiniste qui veut gravir une montagne entourée de marécages. Deux choix sont possibles, faire demi-tour pour ne pas se mouiller ou accepter de traverser le marécage pour se rapprocher de ce qui compte. C’est un piège de croire que nous pouvons tout avoir, et le confort, et l’accomplissement. Car dans ce cas, on commence d’abord par s’assurer de son confort et ensuite on est figé, on ne peut plus bouger…

Quand se tourner vers cette thérapie ? A qui s'adresse-t-elle ?

La thérapie ACT a montré son efficacité pour toutes les catégories de troubles psychologiques, et notamment dans la dépression, l’anxiété, les addictions, ou encore les douleurs chroniques. De très nombreuses études cliniques appuient son intérêt pour dénouer des comportements mis en place par la majorité d’entre nous. Pour moi, c’est le modèle psychothérapique de référence. Mais il faut aussi rappeler que parfois les situations obligent à d’abord se tourner vers un traitement médicamenteux.

Mais c’est plus que cela, c’est un logiciel de vie, quel que soit son profil, et même si on n’a pas de problème psychologique car on apprend à choisir notre réponse au lieu de subir.

Comment se déroule-t-elle concrètement ?

L’ACT est flexible (elle ne se présente pas comme un protocole à suivre étape par étape), ce qui veut dire que l’on peut vraiment s’adapter aux besoins de la personne qui est en face de nous. Quelques séances peuvent suffire, et parfois cela prend plus de temps. C’est dans tous les cas une démarche qui s’étale tout au plus sur quelques mois car elle est basée sur l’apprentissage : le patient prend part à la réussite de la thérapie.

Pendant les séances, on fait des exercices concrets, on utilise des métaphores, ou des mises en situation, puis on invite les patients à poursuivre le travail chez eux. Si je devais résumer la philosophie de l’approche ACT, je dirais « embrasser l’inconfort d’exister, et servir ce qui compte réellement pour soi »