Crispations, désaccords, conflits autour de l'organisation du repas du 24 décembre... À l'approche de Noël, l'ambiance n'a jamais été au beau fixe dans la famille de Vincent Szaleniec. Ces tensions, il les a senties dès l'adolescence. Et cela lui laisse, aujourd'hui, un goût amer. Chaque année, il appréhende cette période qui le confronte aux retrouvailles familiales, dans un climat faussement serein et festif.
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« Lorsque j'étais petit, le 24 décembre, mon grand-père attendait que la nuit tombe pour se déguiser en Père Noël. Il entrait dans notre maison pour disposer les cadeaux sous la cheminée. Mon frère, mes cousins et moi guettions son arrivée, discrètement, cachés derrière les barreaux de l'escalier de la maison. Nous étions tout excités de savoir que le Père Noël allait arriver chez nous ! », se souvient Vincent. À l'époque, Noël était plutôt un moment joyeux pour lui. Ce rituel annuel immuable avait même quelque chose de rassurant : la famille était rassemblée ; elle formait une communauté soudée, du moins en apparence.
Ce joli tableau comportait, tout de même, quelques zones d'ombre. « Les enfants avaient tendance à comparer leurs présents. Il y avait une forme de surenchère. Il fallait montrer que l'on avait reçu le cadeau le plus beau, le plus cher. Si mon frère, par exemple, recevait des cadeaux plus jolis ou volumineux que le mien, j'avais l'impression que cela signifiait qu'il était plus aimé que moi. Cette ambiance compétitive pouvait gâcher la magie de Noël », note Vincent.
Surenchère des cadeaux : la responsabilité incombe aux adultes
Si la comparaison entre enfants est inévitable, les adultes se doivent d’être vigilants pour rectifier ce qui peut être dit dans ce sens. C'est l'avis de Camille Rochet, psychologue au Chesnay-Rocquencourt (Yvelines) : « Il faut être vigilant quant à cette surenchère des cadeaux. Rappeler à l’enfant que ce n’est pas un dû, qu'il faut se réjouir pour les autres et apprécier ce que nous avons eu, sans regarder ce qui nous manque. Offrir parfois des cadeaux communs à toute la fratrie, type jeux ou vacances ou sortie exceptionnelle, peut être une façon de garder l’union familiale en s’échappant de ces comparaisons. Offrir aussi le cadeau le plus en lien avec le centre d’intérêt ou le talent de l’enfant peut éviter des jalousies, car chacun se sent aimé et reconnu dans sa spécificité ».
Un sentiment d'exclusion à table
Le jeune homme se souvient également d'une autre tache noire : les repas pris à part, sans la présence des adultes. « Nous dinions sur une table à part, séparée de celle de mes parents, grand-parents, oncles et tantes. J'avais l'impression que nous étions exclus, que nous ne méritions pas de partager Noël avec les adultes », ajoute Vincent.
Faire une table pour les adultes et une autre, dédiée aux enfants reste souvent une simple question d’organisation. Les enfants sortent plus rapidement de table, ont besoin de bouger, parfois de s’exciter… « Les mettre sur une autre table n’est pas un signe de rejet mais, au contraire, une façon de s’adapter à leurs besoins et d'éviter des tensions avec les adultes qui ont besoin de prendre leur temps et de rester au calme. Évidemment, l’âge critique du début d’adolescence peut rendre cette organisation caduque. L’enfant veut être considéré comme un grand et donc, être avec les adultes. S’adapter et demander à l’enfant dès ses 11-12 ans où il préfère s'asseoir pour ce grand jour de Noël semble important », souligne Camille Rochet.
Quand Noël devient synonyme de stress
« J'ai commencé à trouver Noël moche, quand je me suis rendu compte que mes parents appréhendaient cette période. Je venais alors d'entrer au collège », affirme Vincent. Quelques semaines avant les fêtes, l'adolescent entendait ses parents se plaindre et se disputer. Il les sentait stressés à l'idée de devoir organiser Noël.
« Chaque année, le réveillon se passait chez nous, car nous étions les seuls, de toute la famille, à vivre dans une maison. Nous avions de l'espace pour accueillir tout le monde. Mais toute cette préparation stressait mes parents et les fatiguait à l'avance. Il fallait s'occuper de la décoration, lancer les invitations, réfléchir au repas de Noël, faire les courses... Au fur et à mesure des années, à l'approche de Noël, ils étaient de plus en plus agacés. Ils voyaient cet événement comme une charge supplémentaire qu'ils devaient assumer seuls, pour toute la famille », confie Vincent.
Réduire le stress pour redonner du sens aux fêtes
Il est évident que si Noël se réduit à une organisation complexe alors toute la magie s’évapore ! Le temps de l’Avent devrait être un temps de pause, de calme, de réjouissance familiale lors de cette montée vers Noël. « Les calendriers de l’Avent, les multiples rituels que l’on a avec les enfants pour préparer ce grand jour devraient être là pour nous apaiser, pour nous faire rentrer dans la trêve », estime Camille Rochet.
Alors s'il n’en ressort que du stress sur la préparation des cadeaux et des repas, le sens de cette période y est absent. « Cela devient triste… là où la recherche des cadeaux devrait justement être une fête ! N’hésitons pas à mettre en place des rituels et une organisation familiale simplifiée ! », ajoute-t-elle.
Un repas de fête mouvementé
Décorations de fête, sapin, choix des mets et des vins... chaque année, malgré le stress engendré par Noël, les parents de Vincent préparent l'événement avec brio. Mais cela n'empêche pas les moments de crispation à table.
« Il y a toujours des règlements de compte au moment de Noël. Les membres de ma famille profitent du fait d'être rassemblés pour discuter des sujets qui fâchent et pour nous interroger sur des questions épineuses, parfois tabous. Chaque année, par exemple, lorsque nous sommes attablés, on me demande si je me suis enfin réconcilié avec mon frère. Or ce n'est pas le cas. Cette question nous met mal à l'aise, tous les deux ! Il y a aussi toujours quelqu'un pour nous poser des questions sur notre vie privée. Tout cela manque singulièrement de tact ! », souligne Vincent.
Dans ces conditions, Noël devient un prétexte pour faire le bilan de l'année : santé, vie professionnelle et privée... « Mais qui dit bilan, dit souvent jugement. Ce n'est vraiment pas drôle d'être interrogé devant tout le monde sur des sujets que l'on ne souhaite pas forcément aborder », indique Vincent.
Merci à Vincent Szaleniec pour son témoignage et à la psychologue Camille Rochet pour son décryptage.
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