Il n'aura fallu que deux semaines à plus de 5 000 vétérinaires - sur 18 000 référencés par l'Ordre - pour répondre à l'appel des ministères de la Santé et de l'Agriculture et rejoindre la réserve sanitaire. Ces derniers sont décidés de prêter main forte aux médecins, pour faire face à la pandémie de coronavirus.
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Certes, si vous tombez malades, vos chances d'être soigné par un vétérinaire restent pour le moment, assez minces. Mais ces professionnels de santé sont à même d'apporter leur aide à de nombreux niveaux...
D'abord, parce qu'ils disposent, eux aussi, de matériels médicaux dont manquent depuis peu les hôpitaux. Les vétérinaires ont ainsi fourni aux structures hospitalières "tout ce qui était prêtable", explique Bruno Tessier, président des vétérinaires d'Île-de-France.
Concrètement : des respirateurs artificiels(ceux pour les animaux étant des modèles classiques modifiés), mais aussi des pousse-seringues (dispositif utilisé pour administrer de faibles quantités de fluide à un patient via une seringue) destinés aux personnes en réanimation. Les vétérinaires ont aussi fourni des blouses, des masques ou encore des moniteurs qui permettent de contrôler les taux d'oxygène et la tension artérielle. Ils ont également prêté des concentrateurs d'oxygène à des Ehpad.
Deux médicaments vétérinaires autorisés pour les humains
En outre, l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a autorisé l'utilisation de deux médicaments vétérinaires à base de propofol, pour réanimer des humains.
La demande mondiale pour ce type de produits est en pleine explosion, et cette mesure permet donc de pallier une éventuelle pénurie. ""Pour certains produits utilisés en réanimation (curare, propofol, midazolam...), les besoins ont été augmentés de 2 000 % en France et également dans le monde, en un temps très court", explique l'ANSM.
L'usage possible de produits vétérinaires est donc "une brique supplémentaire qui contribue à la couverture des besoins du nombre important de patients en réanimation". Il a été autorisé par un décret paru le 3 avril au Journal Officiel, "dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de Covid-19".
L'ANSM précise toutefois que "des stocks de propofol à usage humain" ont été recensés chez des industriels français ; et qu'elle reste "mobilisée" sur la mise en place d'importations de médicaments à usage humain, pour la réanimation. Le propofol vétérinaire ne sera donc utilisé qu'en "complément", dans le cas où les traitements humains viendraient à manquer.
Les laboratoires vétérinaires vont pratiquer des tests de dépistage
Mais au-delà du partage de matériel et de médicaments, ces soignants pourraient être en mesure d'augmenter les capacités de dépistage du Covid-19. L'Académie vétérinaire de France, estime notamment qu'on pourrait améliorer la détection du virus en utilisant les compétences des producteurs de tests pour animaux et les laboratoires des cabinets.
L'État, d'abord très réticent à laisser les vétérinaires pratiquer ces tests...
La semaine dernière déjà, le président du Conseil Départemental d'Indre-et-Loire, Jean-Gérard Paumier, s'interrogeait sur le refus de l'État de laisser le laboratoire vétérinaire départemental Inovalys participer à la lutte nationale contre la pandémie de coronavirus en effectuant des tests (il serait capable d'en effectuer 1 000 par jour).
Une proposition à laquelle l'Académie nationale de médecine a réagi en soutenant la position exprimée par l'Académie vétérinaire de France, les deux Académies mettant en pratique le concept "Une seule santé" prôné par l'OMS.
"(...) les laboratoires vétérinaires accrédités pour le diagnostic des maladies animales, dont certaines sont zoonotiques, sont capables de réaliser le diagnostic du Covid-19 chez l’Homme en garantissant les mêmes performances que les Laboratoires de biologie médicale", insiste l'institution.
Pour le président de l’Académie vétérinaire de France, "les vétérinaires ont l’habitude de gérer des pandémies, et ils ont acquis des compétences dans ce domaine. Il est très dommage que, dans cette crise, les autorités sanitaires françaises n’utilisent pas les compétences du monde vétérinaire sur les pandémies, sur l’approche populationnelle et sur sa connaissance des coronavirus qui sont responsables de nombreuses maladies des animaux domestiques et d’élevage", explique-t-il.
Et d'ajouter : "Ce sont des virus très connus du monde animal et les laboratoires vétérinaires savent développer des tests à grande échelle pour ces maladies. Ils pourraient être, très vite, opérationnels pour le Covid-19".
Les laboratoires vétérinaires, autorisés à pratiquer des tests Covid-19
Finalement, l'État français est revenu sur sa réticence initiale, puisque les laboratoires vétérinaires sont autorisés à effectuer des tests Covid-19 depuis ce matin, grâce à un arrêté du 5 avril 2020.
Celui-ci précise que "lorsque les laboratoires de biologie médicale ne sont pas en mesure d'effectuer l'examen de “détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR” inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale ou d'en réaliser en nombre suffisant pour faire face à la crise sanitaire, le représentant de l'État dans le département est habilité [...] à autoriser, par dérogation" d'autres laboratoires à réaliser la phase analytique de cet examen.
Parmi eux, on peut citer les laboratoires publics de recherche, les laboratoires départementaux, mais aussi les laboratoires vétérinaires. Cette mesure concerne les laboratoires publics ou privés "ne pratiquant pas en temps normal la biologie médicale, mais disposant des équipements et des personnels nécessaires pour réaliser, si nécessaire, un nombre important de tests dans de bonnes conditions" a précisé à l'AFP un porte-parole du gouvernement.
https://academie-veterinaire-defrance.org/
Prise de position de l’Académie : Pour un renfort vétérinaire au diagnostic du Covid-19, Académie nationale de médecine, 30 mars 2020.
Coronavirus : des médicaments vétérinaires autorisés pour la réanimation humaine, Europe 1, 3 avril 2020.
Arrêté du 5 avril 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, Legifrance.
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