La circulation du virus dans l'air est une question importante qui intrigue bon nombre de scientifiques... mais sans pouvoir être tranchée à ce stade. Toutefois, une étude a relancé le débat cette semaine.
La transmission du virus dans l'air est "possible"
"Nos résultats indiquent que la transmission du SARS-CoV-2 (nom du nouveau coronavirus, NDLR) par aérosol (...) est plausible", ont conclu les auteurs d'une étude publiée mardi 17 mars 2020 par la prestigieuse revue médicale américaine NEJM (New England Journal of Medicine).
Concrétement, les auteurs de cette étude ont trouvé que le virus responsable de l'épidémie de Covid-19 avait un niveau de viabilité à l'air libre comparable à celui du coronavirus provoquant le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère).
Autrement dit, que le coronavirus pouvait survivre pendant trois heures sous la forme de particules suspendues dans l'air (ce qu'on appelle "aérosol"). Pour cela, ils ont projeté le virus dans l'air par nébulisation, c'est-à-dire avec une sorte de vaporisateur.
Cela pourrait signifier que l'ampleur de la pandémie de Covid-19 - bien supérieure à celle du SRAS en 2002/2003 - est liée au fait qu'il se transmet beaucoup plus facilement d'un porteur asymptomatique ("sain") à un autre.
Mais la prudence est de mise face à l'interprétation de ces résultats
Attention toutefois, à ne pas tirer des conclusions hâtives suite à ces travaux. Ils ne signifient pas que le coronavirus contamine des gens en restant suspendu dans l'air après qu'un malade ait toussé.
Par ailleurs, bien qu'intéressantes du point de vue expérimentales, les conditions de l'étude ne correspondent pas vraiment à ce qui se passe dans la vie réelle.
Quand un malade tousse ou éternue, "les gouttelettes tombent au sol assez rapidement par rapport à un aérosol" car elles sont plus grosses et donc plus lourdes que celles qui composent un nuage vaporisé, a souligné le professeur Paul Hunter, de l'université britannique d'East Anglia.
Les aérosols ne constituent pas un modèle particulièrement valide de transmission", a-t-il estimé, en ajoutant que la nouvelle étude "ne change pas forcément notre point de vue sur les risques du Covid-19".
Alors, que faut-il penser de ces résultats ? Le coronavirus peut-il réellement circuler assez de temps dans l'air pour nous contaminer ? Le Dr Jean-Charles Gagnard, infectiologue, nous éclaire.
La réponse est oui mais non. En effet, la durée d'un virus en suspension est très faible et ce, d'autant plus que les rayons UV détruisent l'ARN (matériel génétique, ndlr) et l'ADN des virus. La transmission est vraiment direct par les "postillons" directement inhalés, explique l'expert, avant d'ajouter "que dans une chambre de patient, nous évitons tout de même les aérosols de médicaments ou les forts débits d'oxygène qui peuvent aérosoliser le virus et être inhalés par le soignant directement".
Autrement dit, même s'il est assez peu probable que vous ingériez "directement" le virus par les voies aériennes, le risque "zéro" n'existe pas dans les airs. Mieux vaut donc rester prudent - et éloigné des autres (au minimum 1 mètre).
Le coronavirus peut-il se transmettre en parlant ?
Le docteur Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des maladies infectieuses et conseiller de Donald Trump sur l'épidémie, a déclaré sur Fox News que "le virus peut en réalité se transmettre quand les gens ne font que parler, plutôt que seulement lorsqu'ils éternuent ou toussent".
Une révélation étonnante, qui s'appuie sur les premiers résultats d'études scientifiques préliminaires rassemblées par les Académies américaines des sciences.
Selon elles, la transmission du virus pourrait se faire via l'air expiré par les gens et non plus seulement par les gouttelettes projetées lors d'un éternuement.
Des chercheurs de l'université du Nebraska ont en effet retrouvé des portions du code génétique du virus (ARN) dans l'air des chambres de certains patients isolés.
Une autre étude menée par des scientifiques de l'université de Hong-Kong a observé que le port de masques réduisait la quantité de coronavirus expirés par des malades (l'expérience a été faite avec des virus autres que SARS-CoV-2).
Mais pour l'instant, aucun de ces travaux n'apporte de preuves concrètes, bien que tous semblent "confirmer l'hypothèse de l'aérosolisation du virus lors de la respiration", rapporte le magazine Science en citant une lettre rédigée par Harvey Fineberg, membre de l'Académie nationale des sciences américaine et adressée à Kelvin Droegemeier, responsable du Bureau de la politique scientifique et technologique à la Maison-Blanche.
Le personnel soignant, plus à risque d'être contaminé "par aérosol"
Bonne nouvelle pour tous les non-soignants : vous avez moins de risque d'être contaminé par voie aérienne.
En effet, les risques de transmission par aérosol concernent plus les professionnels de la santé, comme les dentistes, en raison de gestes liés à leur activité.
Lors de plusieurs types d'actes, les dentistes pulvérisent en effet de l'eau dans la bouche du patient. "Limitez si possible le fraisage qui génère un aérosol pulvérisant à environ 1,5 mètres sur les surfaces autour du praticien", a ainsi conseillé un syndicat français, l'Union dentaire, jeudi à ses adhérents.
Les conclusions de l'étude du NEJM "sont surtout intéressantes pour les soignants qui effectuent certains gestes à l'hôpital sur des malades porteurs du virus, cela confirme la nécessité d'être bien protégé", a conclut le virologue Étienne Simon-Lorière (Institut Pasteur) au journal Le Figaro.
Aerosol and Surface Stability of SARS-Cov-2 as compared with SARS-Cov-1, NEMJ, 17 mars 2020.
Le nouveau coronavirus peut survivre plusieurs heures à l'air libre, Sciences et Avenir, 18 mars 2020.
Coronavirus : la transmission dans l'air, une question en suspens, Sciences et Avenir, 20 mars 2020.
Le coronavirus pourrait aussi se transmettre en parlant avancent des scientifiques, Le Parisien, 4 avril 2020.
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