Que cachent les chips et pourquoi on ne peut pas s'arrêter d'en manger ?Image d'illustrationIstock
Sommaire

Partager :

Croustillantes et fondantes, les chips ont le don de nous faire saliver avant même l’ouverture du paquet. Alors, bien trop souvent, on craque, mais avec l’espoir de n’en manger qu’une poignée. Une illusion, sachant que l’industrie agroalimentaire les a fabriquées de manière à ce qu’il n’en reste plus une miette. Depuis quelques années, les scientifiques s’intéressent à ce stratagème très élaboré des aliments ultra-transformés. Une étude publiée en octobre 2023 dans la revue British Medical Journal révèle d’ailleurs que 14 % des adultes y sont accros.

Cette analyse, menée dans 36 pays différents, prend en compte plus de 280 études. Elle pointe du doigt l’effet addictif des aliments transformés, comme les chips, qui serait aussi puissant que celui de la nicotine, de la cocaïne ou du sucre.

Les chips activent la sécrétion de dopamine

La consommation d'aliments ultra-transformés déclenche une sécrétion rapide de dopamine, l’hormone du plaisir, suivie de près par une chute de celle-ci, entraînant un cycle sans fin de désir, de sensation agréable, de satisfaction et de manque, similaire à celui d'une personne dépendante à l'alcool ou aux drogues.

"La combinaison de glucides raffinés et de graisses, souvent présente dans les aliments ultra-transformés, semble avoir un effet supra-addictif sur les systèmes de récompense du cerveau", analysent les chercheurs. "Ceci pourrait augmenter le potentiel addictif de ces aliments", précisent les auteurs de l'étude.

Pourquoi est-il si difficile d'arrêter de manger des chips ?

Dans son ouvrage Nourriture, libre arbitre et comment les géants de l’alimentation exploitent nos addictions, le journaliste américain Michael Moss s'interroge sur les mécanismes utilisés par les industriels pour nous manipuler avec autant de succès. Selon lui, la manipulation de nos instincts les plus primaires par l'industrie agroalimentaire nous pousse à consommer ces aliments et nous rend accros. L'introduction de combinaisons de saveurs et d'ingrédients divers et variés, totalement absents dans la nature, en fait partie.

Le journaliste souligne l'intérêt des industriels à traquer les gènes qui nous prédisposent à cette impulsion de manger. Pour y parvenir, ils investissent dans la recherche. "Frito-Lay, le fabricant des Doritos et d'autres chips connues aux États-Unis, dépensait chaque année des millions de dollars dans la recherche, dont 40 000 dans une machine imitant la mastication pour trouver le point de rupture parfait de la chips sous la dent et nous donner envie de croustiller de plus belle", indique le média La Dépêche dans une enquête sur l'addiction à ces patates frites.

L'équilibre parfait pour nous rendre accros

Ce reporter américain n’est pas le seul à s’intéresser à ce sujet. En 2019, les journalistes du média belge RTBF se sont rendus dans le laboratoire d’un neurobiologiste allemand pour en apprendre davantage sur cette addiction. Les scientifiques ont testé la réaction des rats vis-à-vis des chips. Et, sans surprise, comme les humains, les rongeurs se sont fait avoir par ces gourmandises. "Quand on leur propose des croquettes et des chips, ils n’ont d’yeux que pour les secondes citées. Le secret vient en fait des proportions de nutriments présents : les chips contiennent 35 % de gras et environ 45 % de sucres. C’est en réalité l’équilibre parfait", explique le média belge.

Mais alors, existe-t-il des alternatives à cette drogue ? Est-il possible de continuer les apéritifs entre amis en toute conscience de notre alimentation ? Alors que la malbouffe a très mauvaise presse et que l’obésité monte en flèche dans tous les pays du monde, les industriels ont décidé de surfer sur la vague de l’alimentation healthy. Des alternatives aux chips classiques envahissent petit à petit les rayons.

Des alternatives au chips classiques

Les plus populaires : les chips de légumes. Mauvaise nouvelle, elles ne sont healthy que sur le papier. Pour Charles-Antoine Winter, diététicien et nutritionniste interrogé par RTBF, ces chips de légumes n’ont quasi aucune différence avec les classiques aux pommes de terre.

"Ces légumes ont subi une cuisson forte, longue et immergée dans des corps gras. Et, en plus, on a rajouté beaucoup de sel. Finalement, la seule chose qu’on garde des légumes, c’est peut-être la richesse en fibres, mais tout ce qui est vitamines, minéraux et équilibre nutritionnel est perdu."

Les autres alternatives : les chips pauvres en graisse. Pour le diététicien, il y a bien 70 % de graisses en moins. Mais, puisque la magie n’existe pas, des sucres ont été ajoutés. "C’est plutôt moins pire que 'plus mieux'", ironise le spécialiste à RTBF.

Dans l’émission Grand Bien Vous Fasse de France Inter, Anthony Fardet, ingénieur agronome à l’INRAE de Clermont-Ferrand, explique que 70 % de l'offre industrielle en France, en hyper et supermarchés, est ultra-transformée. "C’est de la chimie alimentaire à visée cosmétique. C'est une chirurgie esthétique des aliments, pour leur redonner une belle apparence, modifier le goût, la couleur, l'arôme ou la texture", précise-t-il.

Pour ne pas se faire avoir, le spécialiste conseille d’être vigilant quant à la liste des composants. "Au-delà de cinq ingrédients dans la liste au dos d’un aliment industriel, les scientifiques estiment une augmentation de 75 % des chances que l'aliment soit ultra-transformé."