
Les antibiotiques font partie des découvertes médicales les plus importantes de notre société moderne. Ils ont permis l’allongement de l’espérance de vie. Cependant, ces dernières années, leur fiabilité s'est affaiblie. En cause : l'usage abusif d'antibiotiques. Les bactéries ont développé des résistances pour continuer d'évoluer et de se propager. Résultat : des infections bénignes pourraient, à terme, ne plus trouver de traitement fiable. Pour l’OMS, cette résistance aux antibiotiques apparaît comme la plus grande menace pour l’humanité. Dans une étude publiée le 12 février 2025 dans la revue Science Advances, des scientifiques américains montrent que les personnes diabétiques sont plus susceptibles de développer des souches résistantes. Une double peine pour les 800 millions de personnes atteintes de cette maladie à travers le monde.
Pour parvenir à leurs résultats, le professeur Brian Conlon, microbiologiste et spécialiste de l'échec des traitements antibiotiques, et son collègue et co-auteur de l’étude, le Dr Lance Thurlow, spécialiste de la pathogenèse du staphylocoque dans le diabète, ont préparé un modèle de souris présentant une infection bactérienne de la peau. Ces rongeurs ont été divisés en deux groupes : une moitié a reçu un composé qui tue les cellules du pancréas, les rendant diabétiques, et l'autre moitié n'a pas reçu le composé.
Effet des antibiotiques
Les chercheurs ont ensuite infecté les modèles diabétiques et non diabétiques avec la bactérie Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) et les ont traités avec de la rifampicine, un antibiotique très utilisé chez l’humain, dont la résistance est fréquente.
Au bout de cinq jours, les deux spécialistes ont observé que la rifampicine n'avait aucun effet sur les modèles diabétiques. Les bactéries sont devenues résistantes. Les modèles non diabétiques ne contenaient, quant à eux, aucune bactérie résistante à la rifampicine.
Bactéries multirésistantes
Le staphylocoque doré est l'une des principales causes d'infections et de décès liés à la résistance aux antibiotiques. Il s'agit également de l'infection bactérienne la plus répandue chez les personnes atteintes de diabète. « Nous avons constaté que la résistance aux antibiotiques émerge beaucoup plus rapidement dans les modèles diabétiques que dans les modèles non diabétiques », a déclaré, dans un communiqué, le microbiologiste Brian Conlon, auteur de l’étude.
Antibiorésistance et diabétiques, Pourquoi mon corps résiste ?
Selon le professeur Conlon et son collègue, le Dr Lance Thurlow, l'environnement microbien des personnes atteintes de diabète de type 1 et 2 produit des mutations résistantes, tout en suggérant des moyens de combattre l'antibiorésistance dans cette population de patients.
Le diabète est un trouble de l’assimilation, de l’utilisation et du stockage des sucres provenant de l'alimentation. Cela se traduit par un taux de glucose élevé dans le sang, appelé hyperglycémie. Le staphylocoque se nourrit de ces niveaux élevés de sucre, ce qui lui permet de se reproduire plus rapidement.
Cela entraîne un effet boule de neige : plus le nombre de bactéries augmente, plus la probabilité de résistance s'accroît. « Une fois que cette mutation résistante se produit, vous avez un excès de glucose et vous n'avez pas le système immunitaire pour éliminer le mutant, et il prend le contrôle de toute la population bactérienne en l'espace de quelques jours », explique le Dr Lance Thurlow, professeur de microbiologie et d'immunologie.
Que faire quand une bactérie résiste : une solution
Ce phénomène préoccupant inquiète la communauté scientifique. Selon eux, cette résistance spécifique aux personnes diabétiques pourrait entraîner des problèmes pour la population dans son ensemble et des impasses thérapeutiques. « Les souches bactériennes résistantes aux antibiotiques se propagent d'une personne à l'autre de la même manière que les autres bactéries et virus : dans l'air, sur les poignées de porte et dans les aliments que nous mangeons, ce qui fait de la prévention de ces types d'infections une priorité majeure », expliquent-ils.
Mais alors, comment réagir ? Quel traitement possible ? Pour les spécialistes, en privant les bactéries de leur carburant : le sucre par l’administration d’insuline, l'apparition de mutations résistantes serait réduite. « La résistance et sa propagation ne sont pas seulement liées à la prescription de médicaments, mais aussi à l'état de santé des personnes qui prennent des antibiotiques », a déclaré M. Conlon. « Le contrôle de la glycémie devient alors très important. Lorsque nous avons administré de l'insuline à nos souris, nous avons pu ramener leur glycémie à la normale et nous n'avons pas eu cette prolifération rapide de bactéries résistantes. »
Quelles conséquences de cette résistance bactérienne ?
Conscients de l’enjeu majeur de santé publique, les deux experts prévoient de réaliser des études similaires chez les patients sous chimiothérapie et les receveurs de greffes récentes, afin de déterminer si ces populations sont également sujettes aux résistances aux antimicrobiens.