Covid-19 : la colchicine testée sur des patients à risque de complicationsIstock
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L’hydroxychloroquine n’est pas le seul “vieux” médicament actuellement testé contre le Covid-19. C’est aussi le cas de la colchicine, un anti-inflammatoire oral qui a longtemps été prescrit pour traiter la goutte - un type de rhumatisme causé par l’augmentation de l’acide urique dans le sang.

De la colchicine contre l'orage de cytokines

À l’heure actuelle, des chercheurs américains et canadiens sont en train de tester l’efficacité de la colchicine sur des patients à risque de contracter une forme grave de Covid-19. Le but : les empêcher de tomber suffisamment malades pour atterrir à l’hôpital.

Cette étude repose sur l’hypothèse que les pires effets de l'infection à coronavirus ne sont pas causés par le virus lui-même, mais par une réaction excessive du système immunitaire, connue sous le nom de “orage de cytokines” ou encore "choc cytokinique".

Durant ce processus, les défenses immunitaires inondent l’organisme de protéines (les cytokines), ce qui déclenche une inflammation généralisée. Souvent, un ou plusieurs organes subissent des dommages qui peuvent être mortels.

Le coronavirus peut entraîner une inflammation généralisée

"Je pense qu'il existe des preuves assez substantielles que la tempête de cytokines est impliquée", indique le Dr Randy Cron, rhumatologue à l'Université de l'Alabama à Birmingham, qui n’a pas participé à l’étude. Et le spécialiste connaît plutôt son sujet, puisqu’il est l’auteur de l’ouvrage de référence “The 2019 Cytokine Storm Syndrome”.

Le Dr Cron explique que cette réaction immunitaire n’est pas unique au Covid-19 ; elle peut aussi survenir en réponse à d’autres infections, au cancer ou même à certaines thérapies. Toutefois, l'orage de cytokines causé par le coronavirus semble être unique à certains égards. “Par exemple, il s’installe d’abord dans les poumons”, précise l’expert.

Des traitements contre les tempêtes de cytokines actuellement à l’essai

Au même titre que d’autres chercheurs, le rhumatologue estime que les traitements contre les tempêtes de cytokines pourraient s'avérer essentiels pour lutter contre la pandémie de Covid-19. De puissants anti-inflammatoires, utilisés pour des affections telles que la polyarthrite rhumatoïde, en sont déjà à la dernière étape des essais cliniques.

Mais les patients qui participent à ces études sont déjà hospitalisés : autrement dit, ils souffrent déjà de complications liées au Covid-19. Les travaux actuellement menés sur la colchicine sont différents, puisqu’ils essayent de prévenir lesdites complications. Les participants, en cours de recrutement, devront prendre de la colchicine pendant un mois. À l’issue de cette période, les chercheurs examineront si cela a permis de réduire les taux d’hospitalisation et de décès. Explications page suivante…

La colchicine pourrait éviter les complications du Covid-19

La colchicine pourrait éviter les complications du Covid-19© Istock

"L'un des aspects uniques de cette étude est que nous essayons de résoudre le problème avant que les gens ne soient hospitalisés", souligne le Dr Priscilla Hsue, professeur de médecine à l'Université de Californie à San Francisco (UCSF).

La chercheuse précise que la colchicine possède plusieurs avantages non-négligeables. D’abord, ces comprimés sont faciles à prendre et peu coûteux, contrairement aux médicaments testés chez les patients hospitalisés, qui sont administrés par perfusion ou par injection. Ensuite, nous savons déjà que son emploi est sûr, puisque ce médicament est utilisé depuis des années pour la goutte.

Une réduction du risque cardiovasculaire observée chez des patients

Par ailleurs, le Dr Hsue explique que de récents travaux ont montré que la colchicine, à faible dose, profite aux personnes qui ont récemment été victimes d’une crise cardiaque. Les patients qui ont pris un comprimé par jour ont vu leur risque de complications cardiaques ou d'AVC réduit, pour les deux ans à venir.

Or, les lésions cardiaques sont une complication couramment observée chez les cas graves de Covid-19. Les chercheurs soupçonnent d’ailleurs un lien entre cette complication et les orages de cytokines. Pour le Dr Hsue, cela pose une question : la colchicine pourrait-elle aider à prévenir de tels problèmes cardiaques ?

“Je suis le premier à dire que si on pouvait avoir un vaccin demain matin, ce serait l’idéal”, ajoute le Dr Jean-Claude Tardif, directeur de l’Institut de Cardiologie de Montréal. “Mais la majorité d’entre nous pense qu’il faudra entre 9 et 12 mois pour y parvenir. Il ne semble pas y avoir d’antiviral vraiment efficace actuellement, alors on pense que prévenir les complications est l’une des approches les plus intelligentes à suivre”. À l’ICM, l’essai clinique a débuté le 23 mars.

6 000 volontaires en cours de recrutement

Les chercheurs sont actuellement en train de recruter 6 000 patients aux États-Unis et au Canada, récemment diagnostiqués du Covid-19. Pour être admissible à l'essai, ils doivent aussi faire partie des personnes à risque de complications. Il peut s’agir de sujets âgés de plus de 69 ans, ou qui présentent des comorbidités cardiaques ou pulmonaires, par exemple.

Dans le but de respecter des mesures de confinement strict, les patients recevront le médicament par courrier, et seront suivi par les médecins à distance, en visioconférence ou par téléphone. La dose administrée sera inférieure à celle utilisée dans le traitement de la goutte. Au bout d’un mois, les chercheurs examineront si la prise de colchicine a permis de réduire les taux d’hospitalisation et de décès.

Aux États-Unis, les deux premiers établissements impliqués dans l’étude sont l'Université de Californie à San Francisco et la New York University School of Medicine. Au Canada, c’est une équipe de l’Institut de Cardiologie de Montréal qui mène ces travaux.

“Cela pourrait-il aggraver l’infection ?”, s’interroge le Dr Randy Cron

Le Dr Randy Cron, expert des orages de cytokines et qui, nous le rappelons, ne participe pas à l’étude, a émis quelques réserves quant à celle-ci. Il redoute en effet que l’administration de colchicine à des personnes n’ayant aucun signe de réaction immunitaire sévère, puisse affaiblir leurs défenses et les rendre plus vulnérables au virus.

“Mon inquiétude est la suivante : cela pourrait-il aggraver l’infection ?”, s’interroge-t-il. Le rhumatologue reconnaît néanmoins que la seule façon de prouver définitivement qu’un médicament fonctionne - ou non - contre le Covid-19, est bien de mener des essais cliniques.

Colchicine : un mauvais dosage peut être toxique !

Colchicine : un mauvais dosage peut être toxique !© Istock

Comme expliqué précédemment, la colchicine anti-inflammatoire oral, principalement utilisé dans le traitement de la goutte. Des médecins l’utilisent également pour traiter la péricardite, qui correspond à une inflammation du sac fibro-séreux translucide qui entoure le cœur.

Cette molécule est un alcaloïde extrait d’une plante, le colchique. “Elle agit en diminuant l’inflammation et en freinant la production d’acide lactique, en maintenant le pH local normal”, précise sur son site le réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance. “La colchicine agit également en bloquant la division cellulaire ce qui explique notamment sa toxicité digestive et hématologique”.

La moindre erreur de dosage est dangereuse

En outre, le réseau précise que ce médicament possède une marge thérapeutique étroite. Autrement dit, “la dose thérapeutique est proche de la dose toxique”. Un strict respect de la posologie est donc absolument indispensable, car la variation la plus infime du dosage pourrait entraîner de graves effets indésirables. Et à ce jour, il n’existe aucun antidote contre une surdose de colchicine.

La base de données publique des médicaments, mise à disposition des internautes par le gouvernement, précise que “l’apparition de diarrhées pendant le traitement, accompagnées ou non de nausées et de vomissements, peuvent être les premiers signes de surdosage, pouvant être grave”. La diarrhée étant définie comme l’émission de selles liquides plus de 3 fois par jour.

Si vous suivez un traitement à base de colchicine et que vous constatez l’apparition de ces symptômes, prenez immédiatement contact avec votre médecin. Ce dernier pourra diminuer la dose prescrite, voire suspendre le traitement s’il le juge nécessaire.

Sources

Could an Ancient Drug Help Fight Severe COVID-19?, WebMD, 22 avril 2020. 

Des médecins québécois testent la colchicine, Le quotidien du pharmacien, 31 mars 2020. 

Notice - COLCHICINE OPOCALCIUM 1 mg, comprimé sécable, Base de données publique des médicaments, 21 janvier 2020. 

Ce qu’il faut savoir sur la colchicine, Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance. 

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