
Passer ses nerfs en disant des gros mots soulage plus que ce que l'on peut imaginer. En effet, le langage châtié lorsque l’on a mal quelque part ne serait pas le fruit d’une simple vulgarité gratuite et mal placée. Des chercheurs britanniques, dont l’étude a été publiée dans la revue Frontiers of Psychology en avril 2020, ont découvert quelque chose qui n’est finalement pas si étonnant : les insultes que l’on profère lorsqu’on se blesse permettent en fait de mieux supporter la douleur.
Exemple : vous marchez sur un Lego, vous tapez votre orteil contre un coin de meuble, vous cognez votre tête en entrant dans votre voiture… Quel que soit le cas de figure, la première réaction sera souvent la même : une injure pourrait rapidement fuser. Comment cela se fait-il ? Pour comprendre, il est important de revenir sur le mécanisme que le corps engage pour faire face à la douleur.
Insultes en réponse à la douleur : un mécanisme de défense
Les injures induisent ce que l'on appelle l'hypoalgésie, c'est-à-dire une diminution de la sensibilité à la douleur. Des chercheurs ont montré qu'après avoir prononcé le fameux mot interdit, les gens peuvent garder leurs mains immergées dans l'eau glacée plus longtemps que s'ils prononçaient un mot plus neutre.
L'effet hypoalgésique observé pourrait être dû au fait que les insultes déclenchent une réaction de combat ou de fuite et annulent le lien entre la peur de la douleur et sa perception. "Jurer est un moyen d'auto-assistance facilement accessible et peu coûteux", déclare au Time Richard Stephens, maître de conférences en psychologie à l'université de Keele, au Royaume-Uni, et auteur du livre Black Sheep : The Hidden Benefits of Being Bad (Les avantages cachés de la méchanceté).
Ils améliorent les performances physiques
Les scientifiques ont pu évaluer que l'effet est d'autant plus intéressant lorsque l'insulte ne devient pas une habitude.
Les noms d’oiseaux permettraient donc, en quelque sorte, de relâcher la pression. Et ce n'est pas tout : les insultes à voix haute seraient associées à une amélioration des performances physiques, notamment de la puissance en vélo et de la force de préhension.
Les insultes accentuent la confiance en soi
Autre bénéfice selon le Dr Richard Stephens : jurer semblerait aider les gens à se débarrasser de leurs inhibitions sociales. "Lorsque nous sommes désinhibés, nous ne sommes plus aussi inquiets de l'évaluation sociale négative", ce qui entraîne une plus grande confiance en soi, explique-t-il.
Des scientifiques ont également analysé l'état émotionnel des conducteurs de camions dans des instants de colère. Ils ont constaté que lorsque des conducteurs juraient en étant coincés dans des embouteillages causés par des voitures arrêtées sans raison, le fait de jurer les aidait à atténuer leur rage et à retrouver un état plus serein.
Le professeur de psychologie américain Timothy Jay considère les insultes comme des boîtes à outils. "Les jurons nous permettent d'évacuer et de gérer des émotions telles que la colère et la frustration", explique-t-il au Time. "Nous pouvons les utiliser de différentes manières dans différentes situations, à des fins personnelles ou sociales."
Les insultes améliorent l'honnêteté
Une série d'études publiées dans la revue Social Psychological and Personality Science a mis en évidence que les insultes améliorent l'honnêteté. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs se sont basés sur la façon dont les gens jurent dans leur vie quotidienne et sur le moment où ils le font. Conclusion : les jurons étaient associés à moins de mensonges et de tromperies.
Cependant, les personnes qui jurent fréquemment peuvent être perçues comme colériques, hostiles ou agressives. "Il ne s'agit pas seulement de savoir si les gens utilisent ou non des grossièretés, mais aussi comment ils les utilisent et quels mots ou types de mots ils emploient", conclut dans le Time le Dr Ben Bergen, professeur de sciences cognitives à l'université de Californie à San Diego.