Une des plus éminentes infectiologues chinoises, la professeure Li Lanjuan rapporte avec ses collègues avoir découvert une trentaine de mutations du nouveau coronavirus. Certaines souches seraient bien plus mortelles que d’autres.
Coronavirus : de nombreuses mutations découvertes
Selon l’équipe de l'Université de Zhejiang, la capacité du nouveau coronavirus à muter a été sous-estimée. Après avoir examiné 11 patients atteints de COVID-19 où le coronavirus présente au moins une variation, les scientifiques indiquent avoir découvert des changements si rares sur certaines souches qu’ils n'avaient jamais envisagé qu'ils pouvaient se produire. Ils ont découvert au moins 30 nouvelles mutations, dont environ 60% n’avaient jamais été observées.
Ils ont découvert que certaines de ces mutations pouvaient entraîner des changements fonctionnels dans la protéine de pointe, une structure présente sur l'enveloppe extérieure d'un virus permettant de saisir et pénétrer les parois externes des cellules humaines.
Dans leurs travaux publiés sur le site dédié à la prépublication d’articles scientifiques MedRxiv, les chercheurs assurent que ces changements rendraient certaines formes du nouveau coronavirus plus mortelles que d’autres. “Le Sars-CoV-2 a acquis des mutations capables de modifier substantiellement sa pathogénicité", préviennent-ils.
Des souches générant 270 fois plus de charge virale
Lors de cette étude, les scientifiques asiatiques ont examiné la façon dont chacune de ces souches identifiées i nfectaient et tuaient les cellules humaines. Ils ont découvert que les souches les plus agressives pouvaient générer 270 fois plus de charge virale que les moins puissantes. Ces dernières sont aussi capables de tuer les cellules plus rapidement. Ces variantes du coronavirus sont alors potentiellement plus nocives pour l'homme.
Autre découverte : les mutations du SARS-COV 2 les plus dangereuses trouvées chez les patients de Covid-19 de Hangzhou analysés, ont également été trouvées en Europe. Cette souche particulièrement virulente a, en effet, été détectée chez les malades des pays européens les durement touchés comme l'Italie et l'Espagne. Ce serait également celle observée à New York, épicentre du COVID-19 aux USA.
En revanche, les chercheurs précisent qu’une mutation “plus légère” du coronavirus s’est aussi répandue dans plusieurs États américains comme celui de Washington.
Ces mutations pourraient expliquer les différences de mortalité entre pays
Plusieurs éléments sont à prendre en compte lorsqu’on veut étudier les différences de taux de mortalité du COVID-19 entre les pays comme l'âge de la population, la présence de comorbidité, la qualité des établissements de santé. Toutefois, les mutations relevées par la professeure Li Lanjuan pourraient également expliquer pourquoi les bilans de certains pays sont plus lourds que les autres.
En effet, les chercheurs avancent que les différences de la souche du coronavirus présente en Europe, entraînent des atteintes plus graves et plus souvent mortelles que celles qui sévissent dans d’autres pays.
SARS-COV 2 : différencier les souches pour une lutte plus efficace
Si de nombreux traitements sont testés à travers le monde, il n’y en a pas de spécifique au COVID-19. Ainsi les hôpitaux tentent de soigner les malades avec différentes molécules comme l’hydroxychloroquine, le remdesivir ou encore le Lopinavir/Ritonavir. Toutefois, les scientifiques chinois remarquent que ces derniers sont donnés aux patients atteints de COVID-19 quelle que soit la souche dont ils souffrent.
Ils suggèrent que la lutte contre le coronavirus doit prendre en compte la souche présente localement. Les chercheurs expliquent que "le développement de médicaments et de vaccins, bien qu'urgent, doit en effet intégrer l'impact de ces mutations accumulées… pour éviter les pièges potentiels”.
Si les conclusions de ces travaux sont confirmées par de nouvelles recherches, les scientifiques auraient un point de plus à prendre en compte pour l’élaboration d’un médicament ou un vaccin efficace contre le COVID-19.
Mutation "plus faible" ne veut pas dire “pas grave”
Toutefois, les scientifiques mettent en garde. Si la souche la plus virulente semble sévir en France, les mutations les “plus faibles” ne sont pas pour autant inoffensives. Ils reconnaissent que “la diversité mutationnelle entière du virus de Wuhan dans les premiers jours reste inconnue”.
Ils précisent que deux patients du groupe ayant été infectés par une souche “plus faible”, ont déclaré une forme sévère de COVID-19. Ils se sont tous les deux rétablis toutefois, le plus âgé - qui était dans la cinquantaine - a dû faire un séjour en soins intensifs.
Une mutation très rare
Les scientifiques ont également observé une mutation très rare chez un autre patient de 60 ans. Ils ont découvert trois changements consécutifs sur le SARS-COV 2 présent dans son organisme. Or, habituellement, les gènes mutent sur un site à la fois.
Le patient souffrait d’une forme sévère de la maladie. Il a été hospitalisé plus de 50 jours. Par ailleurs, des souches virales vivantes ont été trouvées dans ses selles.
Le professeur Zhang Xuegong, chef de la division bioinformatique au Laboratoire national des sciences et technologies de l'information de l'Université de Tsinghua, a expliqué au journal asiatique South China Morning Post que le séquençage ultra-profond pourrait être une stratégie efficace pour suivre la mutation du virus. Toutefois, cette approche seraient plus longue et coûteuse. Il était peu probable selon lui qu'elles soient appliquées à tous les échantillons.
[node:graph-covid19]
Coronavirus : les gestes barrières pour éviter sa propagation
Patient-derived mutations impact pathogenicity of SARS-CoV-2, Medrxiv, 9 avril 2020
Coronavirus’s ability to mutate has been vastly underestimated, and mutations affect deadliness of strains, Chinese study finds, South China Morning Post, 20 avril 2020
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.