Fin février, le ministre de la Santé, Olivier Véran, déclarait devant le Sénat qu'il "n’y a aucun problème de pénurie de médicaments" en France. Sauf que depuis, les choses ont bien changé. D'après une étude de Pharmed Insight, réalisée entre le 6 et le 10 avril, plusieurs médicaments - notamment le Plaquenil, le Paracétamol, l'Azithromycine et le Kaletra - manqueraient déjà dans les rayons.
Épidémie de Covid-19 : vers une pénurie de médicaments ?
Rappelons tout d'abord que le marché des médicaments a connu une forte augmentation des pénuries ces dernières années : c'est un phénomène devenu courant.
En France, le nombre de ruptures d’approvisionnement a été multiplié par 20 entre 2008 et 2018.
Mais si les fabricants de médicaments se veulent eux aussi rassurants, affirmant qu’il n’y a pas de risque de pénurie pendant la crise du Covid-19, les données publiées par certaines autorités européennes montrent que les tensions ont nettement augmenté ces dernières semaines.
Certains principes actifs, fabriqués en Chine notamment, commencent à manquer.
Un manque de transparence de l'ANSM ?
À ce titre, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé admet que ses équipes "sont mobilisées dans le contexte du Covid-19 afin d'anticiper les potentielles tensions d'approvisionnement de médicaments qui pourraient survenir".
Mais la consultation de sa base de données liée à des ruptures de stock ne semble pas montrer d’augmentation du phénomène.
Pourtant, plusieurs experts, interrogés par France info, doutent de l’actualisation des données de l’organisme.
"On sait par exemple qu’il y a des ruptures sur le Plaquenil, explique Yann Mazens, chez France Assos Santé, qui représente les usagers. Nous l’avons constaté sur le terrain. Or, quand vous le cherchez dans la base de l’ANSM, vous ne le trouvez pas".
Bruno Bonnemain, de l'Académie nationale de pharmacie, déplore que les sédatifs dont le personnel soignant commence à manquer dans les hôpitaux, ne figurent pas dans la liste des ruptures de stock.
"C’est le problème des agences, renchérit Yann Mazens, elles sont toujours rassurantes, jusqu’à ce qu’on soit au pied du mur".
Une information que confirme à l'Obs le Pr Bruno Riou, directeur médical de crise de l’AP-HP, lors d’un point presse téléphonique : "Il y a potentiellement une pénurie de médicaments de réanimation à venir". Il s'agirait principalement des curares, des hypnotiques, des corticoïdes et des antibiotiques.
"Les produits qui sont en forte tension sont connus", a ajouté François Crémieux, directeur général adjoint de l’institution.
Rupture de stocks de médicaments : le gouvernement se veut "rassurant"
Samedi 28 mars, lors de leur conférence de presse, le Premier ministre Édouard Philippe et le ministre de la Santé, Olivier Véran, ont été interrogés sur la possibilité de pénurie sur certains médicaments. Ce à quoi ils ont répondu qu’il y avait effectivement des "risques", mais ils ont souligné que le problème était "mondial".
Édouard Philippe a ajouté qu’il avait "bon espoir que la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, les États-Unis seront capables de s’entendre avec la Chine et les autres pays qui sont capables de produire en masse ces produits dont nous avons besoin".
Plaquenil : 48 % des pharmaciens subissent des ruptures de stock
D'après l'étude de Pharmed Insight, réalisée entre le 6 et 10 avril sur plus de 200 officines, 48 % des pharmaciens interrogés ont subi des ruptures de Plaquenil (médicament composé de sulfate d'hydroxychloroquine, indiqué en rhumatologie dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et de lupus érythémateux).
Paracétamol : 18 % des sondés déclarent en manquer
D'après une autre étude de Pharmed Insight, menée du 20 mars au 3 avril 2020 sur près de 130 officines, 18 % des pharmaciens sondés déclarent connaître des ruptures de paracétamol.
Les 82 % restant affirment, quant à eux, n'avoir pas subi de pénurie.
Mais en raison du traitement conseillé aux personnes symptomatiques atteintes du Covid-19 - soit, le paracétamol - nous ne sommes pas à l'abri d'une future pénurie.
Kaletra : 12 % des pharmaciens ont subi une pénurie
À la question "avez-vous subi des ruptures de Kaletra ou de son générique pour dispenser les ordonnances ?", 12 % des pharmaciens interrogés durant l'étude ont répondu oui.
Pour rappel, le Kaletra est un antirétroviral actif sur le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
Azithromycine : 34 % des spécialistes interrogés en manquent
L'Azithromycine, un traitement antibiotique utilisé pour soigner les personnes atteintes du coronavirus (même si cette indication n'est pas encore validée par les autorités sanitaires), commence à manquer dans les pharmacies.
34 % des pharmaciens ont subi des ruptures de stock de ce traitement, toujours selon l'étude de Pharmed Insight.
La crise sanitaire du Covid-19 vue par les officines, vague 3, Pharmed Insight, 6 au 10 avril 2020.
La crise sanitaire du Covid-19 vue par les officines, vague 2, Pharmed Insight, 20 mars au 3 avril 2020.
Coronavirus : le marché des médicaments face au risque de pénurie, France info, 31 mars 2020.
Des hôpitaux s’inquiètent d’une possible pénurie de médicaments indispensables en réanimation, l'Obs, 28 mars 2020.
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.