On en découvre un peu plus chaque jour sur les sombres conséquences du coronavirus. Récemment, des chercheurs se sont aperçus que le SARS-CoV-2 pouvait entraîner la formation de caillots dans les vaisseaux sanguins chez les malades.
Coronavirus : le sang coagule chez les malades et forme des caillots
Le développement de caillots sanguins dans les vaisseaux est plus courant qu'on ne le croit.
D’après une étude néerlandaise parue le 10 avril dans la revue Thrombosis Research, parmi 184 patients atteints du Covid-19 dans une unité de soins intensifs, 38 % avaient du sang qui coagulait anormalement. Ce phénomène a également été décrit par de nombreux médecins américains, en ouvrant les poumons de patients décédés du Covid-19, où de minuscules caillots ont été retrouvés.
Or, ce phénomène peut s'avérer dramatique. Nick Cordero, un célèbre acteur américain, en a d'ailleurs fait les frais.
Après 18 jours en réanimation à Los Angeles, les médecins traitant la star gravement malade du coronavirus, ont amputé sa jambe droite.
En effet, d'après l'épouse de la star, "il a été mis sous anticoagulants, mais malheureusement, ce traitement a causé d’autres complications. Tension artérielle et quelques hémorragies internes dans ses intestins. Nous l'avons sevré des anticoagulants, mais cela allait à nouveau provoquer une coagulation dans la jambe droite, où le sang coagulait, en se coinçant dans ses orteils".
Des microcaillots impossibles à opérer
À NYU Langone (New-York City, Etats-Unis), le médecin Shari Brosnahan, spécialiste des poumons, suit actuellement deux quadragénaires en réanimation. L’un d’entre eux risque de perdre une main, et l’autre, les quatre membres. "Les doigts peuvent souvent développer une gangrène sèche", alerte-t-elle.
Le nombre de cas où les caillots remontent dans les veines a plus que doublé depuis le début de l’épidémie chez les patients en état critique, s’inquiète-t-elle auprès de l’AFP.
Beaucoup ont des "microcaillots", dit-elle, "jusque dans les capillaires", qui sont les vaisseaux sanguins les plus petits. Les poumons semblent aussi être particulièrement touchés. À cet endroit, les caillots semblent stopper le flux sanguin où les cellules sanguines échangent de l'oxygène et du dioxyde de carbone. Résultat : le sang ne peut pas circuler et échanger de l'oxygène comme il se doit.
Impossible en ce cas d’opérer, contrairement aux gros caillots dans un poumon ou le cerveau. L’amputation est alors souvent la seule fin possible.
Or, habituellement les patients (non malades du Covid-19) ne "coagulent pas comme ça”, met en garde de son côté le docteur Lewis Kaplan, médecin de l’université de Pennsylvanie et directeur de la Société américaine de médecine des soins intensifs.
“Le problème que nous avons est que si nous comprenons qu’il y a un caillot, nous ne comprenons pas encore pourquoi il y a un caillot. Nous ne savons pas. Et donc, nous avons peur”, explique-t-il au Washington Post.
Un propos confirmé par Behnood Bikdeli, spécialiste en médecine interne au centre médical universitaire de Columbia.
"J’ai vu des centaines de cas de caillots dans ma carrière, mais je n’avais jamais vu autant de cas anormaux extrêmes", a-t-il expliqué à l’AFP. Ce dernier a participé à une collaboration internationale de 36 experts qui ont récemment publié leurs recommandations dans le Journal of the American College of Cardiology.
Respirateurs artificiels et caillots : le sang repart sans être oxygéné
Cette formation de micro-caillots peut également parfois expliquer pourquoi les respirateurs artificiels sont parfois inefficaces.
En fait, le sang n’arrive pas à bien circuler dans les poumons à cause des caillots… et repart dans le corps sans s’être oxygéné. Le respirateur ne peut rien y faire.
La formation de caillots peut asphyxier les membres
Malheureusement pour les malades, la formation de caillots dans les vaisseaux sanguins n'est pas anodine : elle peut asphyxier les membres.
Quand ils se forment dans les veines de la jambe (phlébite), ils peuvent se déloger et remonter vers les poumons, y boucher l’artère et les mettre à l’arrêt. C'est ce qu'on appelle l'embolie pulmonaire.
Dans le cœur, ils peuvent provoquer une crise cardiaque. Quand ils vont au cerveau, c’est l'AVC. Tous ces scénarios ont été observés chez des malades du Covid-19 qui n’avaient souvent aucun facteur de risque.
Les jambes deviennent bleues et gonflées
Aux États-Unis, les médecins ont d’abord remarqué des anomalies au niveau des jambes de leurs patients, qui devenaient bleues et gonflées. Plusieurs unités de soins intensifs américains ont observé de nombreux cas similaires en même temps.
Un phénomène si violent que des appareils de dialyses - utilisés pour filtrer les impuretés dans le sang quand les reins sont défaillants - se retrouvaient bouchés plusieurs fois par jour par ces caillots.
"Les patients font des caillots partout", explique Adam Cuker, hématologue et professeur agrégé de médecine à l'hôpital de l'Université de Pennsylvanie. "Cela rend la gestion de ces patients très difficile."
Coronavirus : pourquoi le sang coagule-t-il ?
Partout dans le monde, les médecins qui soignent des patients atteints de Covid-19 tentent de comprendre la même chose. Quand ils prélèvent du sang sur des patients COVID, il coagule dans les tubes. Lorsque les infirmières insèrent des cathéters pour une dialyse rénale, les tubes se bouchent rapidement avec des caillots.
Mais ce phénomène reste, à l'heure actuelle, une énigme.
Peut-être est-ce dû aux antécédents cardiovasculaires ou pulmonaires de nombreux patients ?
Une autre hypothèse suggère que les caillots sont une conséquence de la flambée inflammatoire associée à la maladie.
"Lorsqu'ils sont stimulés localement, les lymphocytes et les monocytes libèrent de grandes quantités de médiateurs de l'inflammation qui peuvent activer les processus de coagulation du sang, explique le Pr Francesco Marongiu, directeur de l'école de spécialisation en médecine interne de l'université de Cagaliari (Italie).
En outre, “les virus font souvent des choses étranges, commente Shari Brosnahan, en rappelant que le virus de la mononucléose (Epstein-Barr) a été associé à la leucémie, ou le virus HPV au cancer du col de l’utérus. On est juste en train de découvrir les choses étranges que ce virus produit.”
Mais à ce stade, rien n'est prouvé. Seule certitude selon plusieurs chercheurs : la coagulation sanguine semble plus toucher les patients gravement malades du Covid-19, atteints d'insuffisance respiratoire et placés en réanimation.
Coagulation du sang : les traitements
Normalement, contre les caillots, des anticoagulants comme l’héparine sont administrés. On l'utilise notamment par voie injectable en cas d'accident thromboembolique veineux, d'angine de poitrine, d'infarctus du myocarde ou encore en cas d'embolie ou artérielle. En France, il est couramment utilisé en réanimation chez les patients sévères qui font des thromboses, c'est-à-dire des caillots sanguins.
Mais les injections de certaines formes d’héparine peuvent parfois provoquer une diminution importante du nombre de plaquettes dans le sang (les cellules sanguines qui contribuent à la coagulation), susceptible d'entraîner des complications parfois graves.
C'est pourquoi une prise de sang hebdomadaire est nécessaire pour surveiller le taux de plaquettes. Cette surveillance n’est nécessaire que pour certains traitements anticoagulants injectables.
Héparine : un médicament prometteur
Malgré ses points négatifs, cet anticoagulant apparaît comme prometteur pour traiter l'infection au Covid-19.
C'est pourquoi l'Agence italienne du médicament (AIFA) a donné son feu vert pour un nouvel essai clinique autour de l'héparine. Il portera sur 300 patients atteints par le Covid-19 dans 14 centres hospitaliers du pays.
Plusieurs centres hospitaliers italiens ont déjà commencé à traiter quelques patients par héparine, comme l'hôpital de Pérouse (en Ombrie) ou l'hôpital Niguarda (à Milan).
Blood Clots Are Another Dangerous COVID-19 Mystery, WebMD, April 24, 2020.
Coronavirus : Les caillots de sang causés par le Covid-19 préoccupent les médecins, 20 minutes, 28 avril 2020.
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.