Au début de l’année, 57 habitants de Tréduder (Côtes-d’Armor) ont accepté de faire analyser leurs urines dans le cadre de l’émission d’investigation "Vert de rage", diffusée sur France 5. Les résultats leur ont été présentés le 12 septembre 2020. Résultat : douze d’entre eux ont des taux en cadmium, métal lourd cancérogène, supérieurs aux normes recommandées par l’Anses.
Cadmium : 57 échantillons d’urines passés au crible
Les 57 échantillons d’urines ont été fournis par des Bretons, âgés de 47 à 75 ans. Ils ont ensuite été analysés par le Dr. Joël Poupon, du laboratoire de toxicologie biologique de l’hôpital Lariboisière (Paris), et Marie-Duigou, étudiante à l’Université de Bretagne occidentale.
Les scientifiques ont découvert que 12 participants présentaient des taux supérieurs aux recommandations par l’Anses qui sont de 0,5 microgramme de cadmium par gramme de créatine. Cela représente 20% de l’échantillon.
"J’aimerais bien savoir d’où vient ce produit cancérogène, ce que je dois changer dans mon quotidien, s’interroge-t-elle. Je fais déjà attention à pas mal de choses : je me déplace à vélo, je cuisine, je mange bio, je prépare moi-même ma lessive car un de mes enfants a de l’eczéma, j’ai un cadre de vie a priori de qualité à Saint-Malo", a confié Marie Reiholdt participante de l’expérience à nos confrères du Monde.
Des engrais et des pommes de terre également testés
Les humains ne sont pas les seuls à présenter des taux élevés de Cadmium. 24 lots de pommes de terre de la région bretonne ont été passés au crible par les experts. La majorité des tubercules contenait deux fois plus de la substance cancérigène que la moyenne française. Par ailleurs, 39% des échantillons présentaient des taux plus importants que les patates des autres régions.
Le laboratoire en partenariat avec le reportage de France 5 a également testé 6 engrais, utilisés dans l’agriculture française. 5 d’entre eux avaient des teneurs en cadmium supérieures aux recommandations de l'Anses (20 mg par kg). De plus, trois dépassaient la norme de 60 mg par kg autorisé en France.
Des questions sur les risques
Le journaliste Martin Boudot a travaillé sur ce sujet inquiétant après avoir découvert l’existence d’une pollution au Cadmium. "Tout a commencé au Maroc, où nous avons découvert qu'à cause de la pollution générée par l'industrie des engrais phosphatés, l'eau et les coquillages contenaient beaucoup de cadmium", a-t-il expliqué au Parisien. De nombreux écologiques s’inquiètent des résultats de l’étude.
Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan présent à la réunion présentant les résultats, a rappelé que "beaucoup d’agriculteurs ignorent que les engrais contiennent du cadmium". Un constat inquiétant, car le Cadmium, classé comme élément cancérogène, a de nombreux effets nocifs sur l’organisme.
Cadmium : les effets nocifs à connaître
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En juillet dernier, l’Anses rappelait "le cadmium est un contaminant très répandu dans l’environnement à l’état naturel et en raison de l’activité humaine, notamment agricole et industrielle. Il pénètre facilement dans les végétaux par leurs racines et entre ainsi dans la chaîne alimentaire". C’est d’autant plus problématique que ce métal lourd n’est pas inoffensif. "Le cadmium a des effets toxiques sur les reins, le squelette et l'appareil respiratoire et est classé comme cancérogène pour l'homme", rappelle l’Organisme Mondial de la Santé sur son site internet.
Il est entre autres suspecté de jouer un rôle dans le développement des cancers de la prostate et du rein. Par ailleurs, une étude menée aux États-Unis en 2006 avait également mis en lumière un lien entre la substance toxique et le cancer du sein.
Selon leurs travaux, les femmes qui ont des niveaux de cadmium élevés dans leurs urines, avaient deux fois plus de risques de développer une tumeur mammaire cancérigène par rapport à celles qui avaient un faible taux de cadmium.
Le métal lourd pourrait aussi affecter la reproduction et induire des atteintes rénales et une fragilité osseuse lors d’une exposition prolongée.
Après son enquête, le journaliste Martin Boudot estime qu'"il serait bon d'élargir" ses recherches "notamment à des enfants, dont l'Anses dit qu'ils sont particulièrement exposés".
Cadmium : les aliments les plus contaminés
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Les pommes de terres ne sont pas les seuls aliments exposés au cadmium. L’ANSES a tiré la sonnette d’alarme sur les algues destinées à l’alimentation, particulièrement celles utilisées dans les makis. L’organisme de santé a expliqué dans son communiqué : "riches en polysaccharides, les algues ont tendance à se charger en éléments traces métalliques, tels le cadmium, le plomb ou de l’arsenic. Les quelque 250 analyses des prélèvements concernant des algues non transformées mettent en évidence des concentrations de cadmium dépassant, pour 26% d’entre elles, la valeur maximale de 0,5 mg/kg de poids sec recommandé par le CHSPF (Conseil supérieur d'hygiène publique de France, NDLR)".
Pour l’agence, il est important de réglementer le taux du métal dans les algues alimentaires. Elle propose ainsi un niveau maximal de 0,35 milligramme par kilogramme de matière sèche. "Cette teneur permet d’assurer, dans 95 % des cas, le non-dépassement de la dose journalière tolérable en cadmium", assure-t-elle dans son document.
D’autres mets sont dans le viseur des professionnels de santé. "Les aliments qui contribuent le plus à l’exposition au cadmium sont les pains et produits de panification sèche, les pommes de terre et dérivés, les légumes, les mollusques et crustacés [aliments les plus contaminés, ndlr]", explique le centre de lutte contre le cancer Léon Bérard.
Il faut aussi se méfier des végétaux à feuillage vert comme les salades, choux et épinards, et du riz.
De plus, les fumeurs sont exposés au cadmium. Les cigarettes contiennent, en effet, cet élément néfaste. "L’exposition se fait sous forme de fines particules d’oxyde de cadmium, qui peuvent se déposer au niveau des alvéoles pulmonaires", rappelle le centre de lutte contre le cancer.
L’Anses fait des recommandations pour limiter l’exposition au cadmium via la consommation des algues alimentaires, ANSES, 27 juillet 2020
Substances cancérogènes : des taux élevés de cadmium détectés chez des Bretons, Le Parisien, 12 septembre 2020
Bretagne. Une étude menée pour mesurer le taux de cadmium des engrais, des hommes et des patates, Ouest France, 13 septembre 2020
Des « cobayes » bretons alertent sur le cadmium, métal lourd issu des engrais phosphatés, Le Monde, 12 septembre 2020
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