« La seule façon d'éviter cette terrible expérience est qu'enfin, la société accepte l'orientation sexuelle de chacun et permette à chacun d'aimer qui il choisit d'aimer ! ». C'est sur ce point que Carrie (le prénom a été modifié) voulait insister avant de nous raconter son histoire, car ce n'est pas l'orientation sexuelle de son ex-mari qu'elle remet en cause mais le fait que celui-ci se soit senti obligé de se faire passer pour un hétérosexuel pour construire sereinement sa carrière.
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Homosexualité : est-ce dans les gènes ?Que se passe-t-il dans la tête d'une personne qui découvre que son.a conjoint.e avec qui elle est mariée depuis 23 ans est gay ? Si chaque histoire est très personnelle, il est peut-être un sentiment commun à chaque personne qui fait fasse à un tel choc : le sentiment que le couple et la vie de famille ont été fondés, depuis des années, sur un mensonge. Carrie, avec qui nous avons été mis en contact via le réseau Straight Spouse – réseau qui soutient les personnes qui découvrent l'homosexualité de leur conjoint.e - , a accepté de nous raconter son histoire.
Originaire du Canada, Carrie, aujourd'hui âgée de 64 ans est installée aux Etats-Unis depuis plus de trente ans, elle y a suivi son mari pour sa carrière. « Il était rarement à la maison. Très pris par son travail, il travaillait près de 80 heures par semaine et voyageait beaucoup. Expert très respecté dans son domaine, nous avions décidé ensemble que j'abandonnerai mon job pour élever nos enfants, loin de nos amis et de nos familles », raconte-t-elle.
« J'ai passé ma vie à essayer de lui plaire »
Carrie se souvient d'un mariage « sans passion ni intimité ». « Régulièrement, tous les 4 ou 5 ans, je devais faire face à un profond mal-être psychologique, je voulais me faire aider mais il s'y opposait ». Malheureuse et honteuse de cette situation, elle a fini après de nombreuses années par consulter un psychologue en cachette. « Après six mois de thérapie, j'ai réalisé que quelque chose clochait dans mon mariage sans savoir quoi ». Carrie en a parlé à son mari. Il a refusé d'aller lui-même consulter et a exigé que Carrie cesse de voir son psy. « Quelques mois plus tard, c'était un matin, très tôt, il a déclaré : 'j'ai un défaut que je ne peux pas corriger. Je suis gay, j'ai su dès l'adolescence que j'étais gay' ».
Ce fut d'abord un immense soulagement. Carrie comprenait enfin, qu'elle n'y était pour rien si son couple ne fonctionnait pas. Il ne pouvait tout simplement pas fonctionner. « Ce n'était ni ma faute, ni la sienne. Durant toute ma vie de couple, j'avais cru que je n'étais ni assez jolie ni assez intelligente pour lui, que je considérais comme parfait. J'avais passé ma vie a essayé de lui plaire, sans jamais y arriver. Enfin, je comprenais que je n'étais juste pas du bon sexe et que je ne pouvais rien y changer ». Et puis, en l'espace de quelques heures, le soulagement a fait place à une profonde douleur. « J'ai réalisé que ma vie de couple n'était qu'un canular. Je ne peux pas décrire la cruauté et l'immense trahison que j'ai ressenties. C'était une profonde douleur, comme un deuil ». Durant plusieurs mois, le couple de façade a toutefois continué ainsi. « Il m'a convaincu de garder son secret », explique-t-elle.
« Il se détestait »
Carrie a sombré. « J'ai pleuré toute la journée durant près de trois mois, je me reprenais quand mes enfants rentraient de l'école ». Elle espérait que son mari comprenne à quel point elle était meurtrie de ces années de mensonges. Elle souhaitait que chacun puisse désormais suivre son propre chemin, en bonne intelligence, par rapport à leurs enfants notamment. « Nous avons divorcé deux ans après. Il n'a jamais accepté le fait que je veuille divorcer alors qu'il avait été honnête avec moi en m'avouant son homosexualité. Mais c'est un moment d'honnêteté dans une vie entière de mensonges », regrette la sexagénaire. Elle aurait voulu qu'il reconnaissance leur tristesse à elle et leurs enfants, à cause de la décision qu'il avait prise. « Ce que je ne savais pas, c'est qu'il ne m'a jamais respecté et qu'il se détestait », confie-t-elle.
Se retournant sur ces années passées avec lui, bien sûr, elle voit les signes qui auraient pu l'alerter. Notamment des rapports sexuels étaient extrêmement rares au sein du couple, commis dans le seul but d'avoir un enfant. Mais Carrie a toujours pensé qu'elle n'était pas assez bien pour son mari. « Je me sentais pas suffisamment attirante et inférieure à lui et jamais je n'aurais imaginé qu'un homme gay pourrait épouser une femme », assure-t-elle. L'ancien couple n'a aujourd'hui plus aucun contact.
Elle reconnaît ne pas pouvoir lui pardonner. L'orientation sexuelle de son ex-mari n'est en aucun cas en cause, c'est son manque de reconnaissance envers sa souffrance à elle que Carrie remet en cause. « Le mieux que je puisse faire est d'accepter qu'il ne pourra jamais voir les dommages qu'il a causés ».
« Personne ne devrait être obligé de se cacher »
Aujourd'hui, Carrie va bien. « Mes enfants et moi avons toujours été proches, ils sont proches les uns des autres et ces relations sont toujours solides. Nous avons chacun trouvé notre chemin vers la guérison. J'ai trouvé ma voie (…) J'ai commencé une nouvelle vie, je suis sortie avec de nombreux hommes et j'ai pu explorer ma féminité et ma sexualité ».
Elle veut que la lumière se porte aussi sur ses vies brisées par le poids de la pression sociale, par le mensonge et les faux-semblants. « Nous avons du mal à être écoutés, à faire entendre notre douleur. La pression sociale, l'homophobie ambiantes mènent encore à ces situations terribles ! ». Elle plaide pour « la responsabilité de chacun à soutenir activement le changement », un changement de société, de mentalité. « Personne ne devrait être obligé de se cacher, chacun doit être libre d'aimer librement et véritablement ! », répète Carrie.
Trois questions à Sébastien Garnero, psychologique clinicien
Quel peut être l'impact d'une tel événement sur celui.elle qui découvre l'homosexualité de son partenaire ?
Pour le conjoint, c'est un choc psychologique, parfois un véritable cataclysme qui ébranle la confiance, les projets de vie du couple, la relation que l’on avait avec l’autre. Bien souvent, le sentiment d’avoir été trompé provoquera une vive colère, un sentiment de détresse d’autant plus que cela dure depuis de nombreuses années. Lors de la phase aiguë de prise de conscience et face à un tel choc, un accompagnement psychologique sera important pour se reconstruire et envisager d’autres modalités de liens avec son partenaire. Il faut réussir à envisager un changement de vie.
Que dire à une personne qui culpabilise de l'homosexualité de son partenaire ?
Il ne faut surtout pas voir l'homosexualité de son.a conjoint.e comme un choix qu'il a fai t. L’orientation sexuelle, ou attirance préférentielle pour l’un ou l’autre sexe, se construit au cours du développement psycho-sexuel de l'individu. Le conjoint dont le partenaire est devenu homosexuel ou qui l’était déjà, n'y est absolument pour rien. Celui-ci peut parfois s’accuser de ne pas s’être aperçu que la sexualité avec son partenaire n’était pas toujours au rendez-vous, de ne pas avoir pris en compte des signes plus ou moins discrets comme des absences nombreuses, une sexualité intermittente, en berne ou uniquement reproductive, des amitiés du même sexe envahissantes...Mais le conjoint ne s'en rend pas compte car l’homosexualité de son partenaire n'est pas révélée, elle est latente, refoulée ou non-assumée.
Que se passe-t-il dans la tête de celui qui lutte, consciemment ou non, contre son homosexualité ?
Dans le cadre d’une orientation homosexuelle refoulée, la personne vit un véritable conflit interne autour de cette orientation sexuelle. L'homosexualité n’est toujours pas évidente à reconnaître malgré les nombreuses évolutions sociétales, elle n'est toujours pas acceptée voire pénalisée dans certains pays. Une personne homosexuelle peut parfois être dans une dualité, face à des dilemmes importants entre ses aspirations, projets de vie hétérosexuels et son orientation sexuelle. Ces conflits internes sont alors sources de souffrances importantes et d’un mal être plus global, le renvoyant à aux questions de son identité et de ses choix de vie.
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