Avant de se protéger d'un pervers narcissiqueau travail, la première difficulté est de comprendre qu'on travaille à proximité de ce type de profil. La notion de perversion narcissique est récente. Utilisée par le psychanalyste Paul-Claude Racamier en 1986, elle ne figure pas dans le DSM (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et référence internationale des maladies mentales. « La perversion narcissique n'est pas une pathologie psychiatrique, mais plutôt un mode de fonctionnement à l'autre. Il s'agit d'un trouble relationnel qui consiste à détruire la personne avec laquelle on est en contact, que l'on considère comme un objet dans le but de se valoriser », explique Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne. Elle ajoute : « ces personnes ont une vision dégradée d'elles-mêmes et revalorise leur propre image en écrasant l'autre. Elles n'ont pas d'empathie et ne reconnaissent pas l'altérité de leur proie ».
Se mettre en alerte
Mais comment réaliser qu'on est une proie ? Quand on n'y a jamais été confronté, comment détecter ce type de profil ? « Les pervers narcissiques sont des personnes qui captent l'auditoire, qui ont énormément de bagou. Ils occupent des postes à responsabilité et managent des équipes. Ce sont de bons éléments au travail, ils sont charismatiques, séduisants. Et manipulateurs ». Johanna Rozenblum conseille de ne pas banaliser ce qu'elle appelle la « phase de déstabilisation : le début de la manipulation qui doit alerter ». Le pervers narcissique est sans morale ni empathie, prêt à faire culpabiliser, décontenancer, humilier une personne devant ses collègues pour réhausser son égo. « Il fait preuve un jour d'une attention toute particulière, sera très agressif le lendemain et totalement indifférent le surlendemain », explique la psychologue. Les personnes qui en sont victimes se sentent en situation d'échec, ne parviennent pas à cerner cette personne qui souffle le chaud et le froid. « C'est à ce moment-là qu'on se remet en question, on commence à perdre confiance, on se dit qu'on fait mal. Durant cette phase, on laisse le champ libre à la manipulation » explique l’experte. Une fois qu'on est en alerte et qu'on sait que cette personne peut être dangereuse, comment parvenir à travailler avec elle ?
Ne pas sympathiser
Notre experte conseille de ne surtout pas chercher à faire ami-ami avec un pervers narcissique, tout en prévenant que cela peut être difficile. « Dès qu'on a des doutes sur sa personnalité et son profil, il ne faut pas sympathiser avec la personne. Ce ne sera pas simple, car on sera sans doute rejeté de sa 'team' mais ce sera très protecteur à terme ».
Jouer l'indifférence
Johanna Rozenblum recommande de jouer l'indifférence « Face à cette personne, il faut être le plus lisse et le plus désaffecté possible. Il ne faut pas montrer qu'on est touché par elle, heureux de ses félicitations ou affecté par ses remontrances », explique la psychologue.
Ne jamais fournir d'éléments personnels
Il ne faut surtout pas lui fournir des éléments personnels dont il pourra se servir plus tard. « La vie de famille, un épisode personnel douloureux ou un moment difficile au travail... n'importe laquelle des faiblesses du collaborateur pourra être utilisées contre lui si le pervers narcissique en a besoin pour se renarcissiser », détaille la psychologue. Tout ce qui pourrait être perçu comme une forme de fragilité par un profil pervers narcissique peut être utilisé comme une arme pour nuire à l'autre. Ne rien lui confier, ne rien lui demander, ne rien laisser échapper est alors essentiel, bien que difficile.
Ne pas chercher à rationaliser une situation
En cas de conflit, on peut être tenté, comme face à n'importe quelle personne si on ressent une injustice, de vouloir s'expliquer, se justifier, replacer les choses dans leur contexte. Ce sera peine perdue. « La rationalisation ne fonctionne pas avec ce type de personnes. Ce sont des personnalités sur lesquelles on n'a pas de prise et qui malheureusement, ont un tel niveau de manipulation et un tel manque d'empathie que souvent ce sont eux qui ont le dernier mot et l'entourage qui craque » alerte Johanna Rozenblum. Mieux vaut alors limiter les échanges le plus possible et ne pas aller au conflit.
Conserver des traces écrites
Bien souvent, ces personnes donnent des injonctions paradoxales, des ordres contradictoires et des indications floues qui finissent par contribuer à nous mettre en échec et à nous déstabiliser. « Si on a l'occasion de se défendre auprès de sa hiérarchie ou autres, si on a l'occasion de rendre des comptes et de justifier des difficultés qu'on rencontre avec cette personne, alors cela peut être utile de garder des mails, des messages pour prouver qu'il y a de la manipulation. Toutefois, s'il s'agit d'un patron, ou d'un supérieur, comme c'est souvent le cas, il est difficile de faire reconnaître sa situation de victime », admet Johanne Rozenblum. Elle prévient : « au travail, la manipulation, la domination qu'exerce un pervers narcissique ne laissent pas de traces visibles et sont très difficiles à faire reconnaître. »
Peser le pour et le contre : cela en vaut-il vraiment le coup ?
Comme expliqué plus haut, la perversion narcissique est un profil de personne qui n'est pas reconnue comme une pathologie ou un trouble. « Le risque est que ce soit banalisé et qu'on explique à la victime qu'elle est une personne trop sensible. Et puis les pervers narcissiques sont très souvent de bons éléments qui font tourner l'entreprise. On ne les renvoie pas. », explique la psychologue. Dans ces conditions, il s'agit de peser le pour et le contre. « Il faut être capable de s'interroger sur sa santé mentale, sur les conséquences pour sa santé mentale et physique. Si on enchaîne les arrêts maladie, si on perd la confiance en soi, l'estime de soi, si cela a un impact sur notre quotidien en dehors du travail : trouble de l'humeur, difficulté à se lever, difficulté à manger... alors la meilleure façon de se protéger est de fuir ».
Merci à Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris.
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