Alors que l’application StopCovid tarde encore à être mise en place et que la CNIL a émis quelques réserves sur son entrée en vigueur, l’Inserm et l’Université de Paris lancent ce lundi matin une alternative, baptisée AlloCOVID. Ce numéro national (0 806 800 540) doit permettre d’informer et d’assurer le suivi en temps réel de l’épidémie, 7 jours sur 7 et 24h sur 24.
Déjà victime de son succès, la plateforme aurait recueillie plus de 350 appels en à peine quelques heures, selon le professeur Xavier Jouven, cardiologue à l'Hôpital européen George-Pompidou et chercheur à l'Inserm, interviewé par l'Express.
AlloCovid : comment fonctionne l'application ?
Concrètement, cette plateforme téléphonique, destinée à informer et assurer un suivi en temps réel de l'épidémie, demande à la personne au bout du fil si elle a eu de la fièvre, des frissons ou une transpiration anormale, si elle souffre d'une toux persistante ou si elle tousse plus que d'habitude.
En général, il suffit de répondre par oui ou non, mais le système peut également demander des relevés de températures. Le questionnaire ne prend que trois minutes au maximum.
"Cet outil, créé en un temps record d'un mois seulement, vient en complément des services téléphoniques comme le 15, explique le professeur Xavier Jouven, cardiologue à Hôpital européen Georges-Pompidou et chercheur à l'Inserm au Parisien. Il permet, via un questionnaire de trois minutes maximum, à tout citoyen d'être informé et bien orienté, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sur ce qu'il doit faire en cas de symptômes, rester chez lui, appeler son médecin traitant ou, si besoin, d'appeler sans attendre le 15."
Après ce rapide questionnaire, la personne saura donc quoi faire et vers où se diriger en cas de symptômes inquiétants.
À qui s'adresse-t-elle ?
L'application s'adresse uniquement aux personnes de plus de 15 ans.
Bonne nouvelle : elle est accessible avec un simple téléphone en composant le 0 806 800 540, au prix d'une communication locale, et sans avoir besoin d'un smartphone, d'un ordinateur ou d'une connexion Internet.
"C'est la garantie de pouvoir toucher tout le monde, même celles et ceux qui ne sont pas à l'aise avec les nouvelles technologies", déclare avec enthousiasme le professeur Jouven.
Par ailleurs, AlloCOVID récupérera de manière "anonymisée" les données pour les transmettre à Santé publique France, conformément aux recommandations de la CNIL.
Le but ? Accompagner la sortie de confinement et détecter immédiatement de potentiels foyers de résurgence, de manière synergique et complémentaire des dispositifs existants (maladiecoronavirus.fr, SOS médecins, réseau Sentinelle, etc.) centralisés par Santé publique France.
En outre, bien que mille assistants virtuels téléphoniques soient déjà prêts pour répondre aux questions des potentiels malades, l'équipe de l’Inserm a indiqué qu'elle était "prête à doubler ou à tripler le nombre de robots pour répondre à plus d’appels et avoir une photo plus fine de l'évolution du virus".
Une arme très efficace pour suivre en direct le nombre de cas
Certes, cette application a été développée pour aider et orienter les malades. Mais en réalité, elle s'avère tout autant utile pour les chercheurs.
"L'intérêt principal est de pouvoir suivre en direct, dans telle commune, attention, il y a des cas qui sont en train d'augmenter rapidement", explique à France Inter Xavier Jouven, épidémiologiste.
"Cette localisation nous permettra, notamment lors du déconfinement, d'identifier des foyers de résurgence et de tout de suite pouvoir régler les problèmes au niveau de la commune pour éviter d'avoir à reconfiner tout le monde. Cela peut être une arme très efficace", ajoute le chercheur.
Et pour localiser les malades, rien de plus simple : les personnes donnent lors de l'appel leur code postal, qui sera ensuite détruit. "C'est complètement anonyme, assure le médecin. Mais cela permet d'enregistrer où il y a des personnes symptomatiques en France."
L'application pourra être utile pour d'autres malades
Une fois l'épidémie passée, l'application pourra avoir une seconde vie et sera proposée aux patients transplantés ou insuffisants rénaux.
Sur la base du volontariat, le robot vocal pourra les appeler régulièrement pour assurer un suivi médical et détecter automatiquement des signes alarmants pour leur santé.
StopCovid, l'application qui fait débat
Depuis plusieurs semaines, cette application, qui indique si vous avez été en contact avec un malade du coronavirus, est fortement critiquée.
Mise au point par deux géants américains, Apple et Google, elle est soupçonnée de mettre en péril l'anonymat des utilisateurs.
Rien n’empêcherait en effet un hypocondriaque, par exemple, de déposer un téléphone avec l’application dans le hall de son immeuble pour être prévenu dès qu’un habitant du bâtiment serait infecté.
Quinze chercheurs en cryptologie ont d'ailleurs exprimé leurs craintes face à cette application dans un long article publié sur internet et titré : "Le traçage anonyme, dangereux oyxmore".
Pour eux, l’anonymat des utilisateurs ne peut pas être totalement garanti et le recours au bluetooth peut exposer à des cyber-attaques.
Le sécrétaire d’État au Numérique, Cédric O, vient d'ailleurs de trancher à ce sujet : il estime qu’il n’est pas pertinent d’utiliser la solution proposée par Apple et Google pour concevoir l’application StopCovid. Dans une interview accordée au Journal du dimanche le 26 avril, il affirme que l’État français se charge de tout.
"C’est la mission de l’État que de protéger les Français : c’est donc à lui seul de définir la politique sanitaire, de décider de l’algorithme qui définit un cas contact ou encore de l’architecture technologique qui protégera le mieux les données et les libertés publiques", explique-t-il.
Crédric O. confirme que cette application, dont la sortie est prévue le 11 mai, sera "volontaire, anonyme, transparente et temporaire. L'État n'aura accès à aucune donnée identifiante et il n'y aura pas de géolocalisation".
Accessibilité, information, protection de données : 3 questions sur la plateforme AlloCOVID, l'Express.fr, 27 avril 2020.
AlloCOVID, un numéro pour repérer et orienter les potentiels malades du coronavirus, LCI, 27 avril 2020.
AlloCOVID, un assistant vocal pour diagnostiquer le Covid-19, Le Parisien, 27 avril 2020.
Coronavirus : AlloCovid, un nouveau service pour aider et repérer les malades et prévoir les endroits où le virus pourrait repartir, Franceinfo, 27 avril 2020.
Le secrétaire d'Etat Cédric O sur le traçage des malades : "Oui, l'application StopCovid est utile", Le Journal du Dimanche, 25 avril 2020.
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.