Des migraines qui vous rendent la vie impossible, des douleurs au dos qui vous empêchent de vous mobiliser, une souffrance constante aux articulations qui ne vous permettent plus de courir … Tant de situations ou la douleur chronique handicapent toutes les sphères de votre vie. Alors que les médecins alertent sur l’usage de nombreux antalgiques, les solutions médicamenteuses en compléments apportent une voie prometteuse.
La douleur est, rappelons-le, définie selon l’Association internationale de l’étude de la douleur comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion. C’est donc une expérience complexe comprenant des caractéristiques tant sensorielles, qu'émotionnelles, cognitives et motivationnelles. "Elle est influencée par les représentations du patient, son vécu par rapport à d’autres douleurs qu’il a connues ou des événements dans sa vie", explique le Dr Aurore Marcou, médecin anesthésiste réanimateur spécialisé dans la prise en charge de la douleur par l’hypnose.
Il en existe deux types : aiguë et chronique. " La première agit comme une alarme qui permet au corps de se préparer à un danger. Elle est vitale pour la survie de l'espèce humaine. Elle est vive, réversible et facile à prendre en charge", explique le Dr Mathieu Bobet, médecin anesthésiste spécialisé dans la prise en charge de la douleur chronique.
La seconde est quand elle, plus sournoise et difficile à traiter. "On parle de douleur chronique lorsqu’elle dure plus de 3 à 6 mois. Cette souffrance reste lorsque la cause principale a disparu. Elle est inutile et ne joue plus son rôle d’alarme. Ce type de douleur est considéré comme une maladie qui doit être prise en charge ", indique le Dr Bobet Mathieu.
"En réalité 70 % de la prise en charge de ce type de souffrance repose sur des moyens non médicamenteux"
L’efficacité des médicaments antalgiques utilisés pour traiter la douleur chronique est limitée, en particulier dans les douleurs neuropathiques. Les patients ne sont pas suffisamment soulagés et la cascade d’effets indésirables n’est pas à négliger. Une double peine isole les patients, favorise l’isolement et favorise la pérennisation de la douleur. "Souvent les patients viennent dans mon cabinet parce qu'ils ont tout essayé et que rien ne marche", raconte le Dr Marcou.
Apporter le juste remède implique de prendre en charge les multiples facettes, biologiques, psychologiques et sociales de la douleur chronique. Ce qu’un traitement pharmacologique seul ne peut faire. C’est ce qui explique en grande partie la crise des opioïdes aux États-Unis : la médicalisation, à grand renfort de morphiniques, a débouché sur l’une des pires catastrophes sanitaires, avec près de 500 000 Américains décédés.
Dans ce contexte, l’hypnose peut être utile pour gérer et contrôler le niveau d’intensité de la douleur chronique, pour guider les émotions qui l’accompagnent, afin d’aider le patient à retrouver une qualité de vie acceptable. "En réalité 70 % de la prise en charge de ce type de souffrance repose sur des moyens non-médicamenteux", précise la spécialiste en hypnose.
Cette technique a connu ses débuts en maternité dans la préparation à l’accouchement, afin d’améliorer le confort de la mère. Puis elle s’est développée dans tout le champ du traitement de la douleur vers les années 1970. Aujourd’hui, l’hypnose est de plus en plus utilisée à l’hôpital dans de nombreux services comme le bloc opératoire ou la cancérologie.
Des exercices pour repérer le signal et diminuer l’intensité de la douleur
Une thérapie qui avec les années a pu scientifiquement prouver son efficacité. "La douleur chronique est une persistance de la souffrance même si la lésion est guérie. Le patient ressent des signaux. C’est une activation indépendante du réseau de la douleur dans le cerveau. Avec l’hypnose, on apprend au patient à moduler ce signal dans le cerveau", explique le Dr Marcou.
Une sorte d’éducation thérapeutique qui permet de comprendre l’origine. "Dans les exercices, on agit dans une partie spécifique du cerveau en travaillant avec les zones émotionnelles et cognitives", souligne le Dr Aurore Marcou.
C’est une prise en charge multimodale qui prend en compte les kinésithérapeutes, les psychologues, et les médecins spécialisés dans la douleur chronique. "Sur environ trois consultations, je vais évaluer la situation, et proposer des exercices à réaliser pour proposer au cerveau un nouveau circuit".
C’est un peu équivalent à un bon livre
Dans une séance d’hypnose médicale, l’idée est bien de ressentir et non d’imaginer. "C’est un état de concentration particulier, équivalent à celui lorsque nous lisons un bon livre", explique le Dr Marcou. Une intense absorption qui permet de mettre en sourdine ce qui se passe autour de soi.
Dans cet état de concentration, le cerveau mobilise des capacités créatives et intuitives. "Tu vas imaginer des choses et trouver des solutions, retrouver un mot que tu avais oublié. Ça sert à déprogrammer le cerveau et à le reprogrammer pour apercevoir un signal plus confortable".
Dans le cas par exemple d’une brûlure par un zona, la séance consiste à sentir la fraîcheur sur la zone douloureuse. "Cela va permettre d’activer les aires sensorielles pour défaire des circuits parasites".
Après les trois séances proposées par le Dr Marcou, les patients peuvent en toute autonomie s'entraîner seuls quotidiennement. "Je leur demande de s’exercer trois minutes, trois fois par jour."
"Ça change la qualité de vie des gens. Prendre conscience que le corps a des ressources pour s’auto-soigner et que nous ne sommes pas juste dépendant des solutions médicamenteuses".
Interview avec le Dr Marcou Aurore, médecin anesthiste réanimateur spécialisé en hypnothérapie médicale à la Fondation Rothschild à Paris
Interview avec le Dr Mathieu Bobet, anésthésiste réanimateur spécialisé en douleurs chroniques à Toulouse.
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