Que reproche-t-on au lait de vache ?
Selon l’organisation Syndilait, 65% des français sont des consommateurs de lait.
Ils ont acheté environ 2,3 milliards de litres de lait conditionné en 2018, soit 79 % du lait liquide proposé sur le marché français. Des ventes qui sont en repli de -3,3 % en volume par rapport à 2017, notamment en raison du déclin du petit-déjeuner.
Pourtant, malgré l’attrait général pour cette boisson lactée depuis plusieurs années, celle-ci est fortement critiquée.
Selon Alexandra Murcier, diététicienne-nutritionniste, la raison de ce désamour est simple :
“Le premier argument c’est que le lait de vache, consommé en trop grande quantité, peut être néfaste pour le système cardiovasculaire, en raison de son taux important d’acides gras saturés. Ensuite, de nombreux adultes sont intolérants au lait de vache et ne le supportent plus.
Enfin, une consommation trop importante de lait de vache acidifie l’organisme, et la caséine (protéine présente dans le lait) qu’il contient, tout comme certains facteurs de croissance (molécules naturellement produites par l'homme et par certains animaux), sont soupçonnés d’augmenter l’incidence de certains cancers.”
Par ailleurs, “l’industrie laitière est très souvent décriée d’un point de vue éthique quant au traitement qu’elle inflige aux animaux”, ajoute l’experte.
La digestion du lait : entre intolérance et allergie
Pour digérer le lait, une enzyme est indispensable : la lactase.
Or, “la plupart des adultes perdent cette enzyme au fil du temps, c’est pour cette raison que le lait est bien digéré par les enfants mais pas forcément par les adultes.”, explique la diététicienne.
Ce problème de digestion est engendré par deux causes principales : l’intolérance au lactose, très courante, et l’allergie aux protéines de lait de vache, bien plus rare.
L’intolérance au lactose est un problème de digestion du sucre contenu dans le lait et ses produits dérivés. Elle provient d'un déficit de lactase. Le lactose, non transformé par la lactase, se retrouve au niveau de l’intestin où il fermente. Cela entraîne des symptômes digestifs inconfortables (ballonnements, douleurs abdominales, diarrhées…). Ils sont proportionnels à l’importance du déficit en lactase.
L’allergie aux protéines de lait de vache est une allergie à certaines protéines du lait de vache, comme la caséine. C’est la première allergie alimentaire à apparaître chez l’enfant et elle débute souvent chez le nourrisson dans ses premiers mois de vie.
Cette allergie peut se manifester par des réactions immédiates se produisant moins de deux heures après l’ingestion de lait de vache : crise d’urticaire, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées accompagnées parfois de sang dans les selles.
De façon exceptionnelle, l’allergie aux protéines du lait de vache peut apparaître sous la forme d’un choc anaphylactique qui se manifeste par la survenue brutale d’un malaise avec pâleur, sueurs, associé à des œdèmes, une détresse respiratoire...
Dans le cas de cette allergie, le lait des autres espèces animales issu des ruminants est contre-indiqué. Il peut également y avoir une allergie croisée avec l’allergie aux protéines de jus de soja.
Une diabolisation du lait souvent injustifiée aux yeux des experts
Selon Alexandra Murcier, il faut arrêter de diaboliser le lait : “La consommation normale de lait - à l'exception de l’allergie aux protéines de lait de vache - n'entraîne pas directement de problèmes de santé. C’est plutôt l’interaction du lait avec de mauvaises habitudes alimentaires qui peut entraîner diverses pathologies”, précise la spécialiste.
Par ailleurs, en ce qui concerne les risques cardiovasculaires, la teneur en acides gras saturés des produits laitiers est certes élevée (60 % de lipides), mais plusieurs études considèrent aujourd’hui que ces acides gras saturés ne sont pas, dans des limites d’apport raisonnable, un facteur de risque cardiovasculaire.
Certaines études ont également évoqué un lien entre la consommation de lactose et le cancer des ovaires : or, ceci n’est pas confirmé.
Du côté du cancer de la prostate, les études sont contradictoires.
Plusieurs travaux ont mis en évidence une augmentation du risque relatif de ce cancer en cas de consommation élevée de produits laitiers et de calcium. Une hormone de croissance bien spécifique, naturellement présente dans le corps humain, serait en cause : l'IGF-1.
Certaines personnes craignent qu’en buvant du lait, cette hormone ne se retrouve dans notre sang, tout comme l’œstrogène et la progestérone, présentes également dans cette boisson lactée.
Or, il convient de rappeler que les hommes produisent 6 000 fois plus d’œstrogène que ce que l’on retrouve dans un verre de lait. Le corps des femmes, lui, en produit 28 000 fois plus.
L’ANSES considère également “que la contribution de l'IGF-1 d'origine laitière au risque de cancers, si elle existe, serait faible.”
Il n’existe donc pas d’argument solide aujourd’hui pour confirmer cette hypothèse.
Doit-on arrêter de boire du lait à partir d'un certain âge ?
“Oui, si on le digère mal, on a intérêt d'arrêter de boire du lait”, souligne la diététicienne-nutritionniste. En effet, il n’est pas indispensable d’en boire lorsque l’on est adulte. “Sinon, une consommation modérée et occasionnelle me semble être une bonne alternative”, ajoute-t-elle.
Est-ce que le lait de vache bio est sans danger ?
Si le lait de vache est d’origine biologique, “il provient d’animaux qui ont été nourris avec des aliments sans pesticides. Résultat, c’est donc forcément meilleur pour la santé !” déclare l’experte.
Toutefois, même avec un label bio, “le lait contient toujours des facteurs de croissance et il est toujours acidifiant… Bio ne signifie donc pas “sans danger pour la santé”, prévient la spécialiste. Selon elle, lorsque l’on est adulte, une consommation quotidienne de lait, même biologique, n’est pas forcément recommandée.
Pour donner une idée de la consommation moyenne de lait recommandée, Le "Programme national nutrition santé" préconise d'ingérer au moins 700 à 800 mg de calcium par jour (tout produits laitiers confondus).
À titre de comparaison, en Inde, au Japon ou au Pérou, la prise de calcium journalière moyenne est de 300 mg par jour seulement.
Le lait de soja ou d'amande, est-il meilleur pour l’organisme ?
“Les jus végétaux, à base de lait de soja ou d’amande par exemple, sont de qualité nutritionnelle très variable”, met en garde Alexandra Murcier.
La consommation de lait de soja doit être adaptée à la situation physiologique du consommateur. S’il est consommé en trop grande quantité, il peut être néfaste.
Certaines études avancent même que le lait de soja ne serait pas forcément meilleur que le lait de vache, car il contiendrait des “isoflavones” (une sous-famille des flavonoïdes), qui sont des hormones agissant de la même façon que les œstrogènes.
Résultat, le lait de soja serait accusé de perturber le système endocrinien et de favoriser certains cancers, mais encore une fois, aucune preuve sérieuse n’a été avancée.
Par ailleurs, “Les jus végétaux sont très sucrés et certains sont enrichis en nutriments, il faut donc bien les comparer avant de jeter son dévolu sur un lait en particulier”, insiste l’experte.
Bon à savoir : Le jus de soja, baptisé à tort lait, n’est pas comparable avec les laits d’origine animale. 100 ml de lait de vache demi-écrémé apportent ainsi 120 mg de calcium, tandis que la même quantité de jus de soja n’en contient pas, à moins d’être enrichi. Certaines marques, ajoutent ainsi artificiellement du calcium au jus de soja, comme avec de la "lithothamnium calcareum”, une algue riche en apports calciques.
Comment réussir à se passer de lait de vache ?
“Vous pouvez tout d’abord réduire votre consommation de lait de vache, en alternant avec des jus végétaux, ou alors tout simplement arrêter d’en boire”, déclare la spécialiste. “Cela vous permettra d’ailleurs de réinventer votre petit-déjeuner, qui pourra être composé de céréales complètes, de porridges sans lait, d'encas salés…”, ajoute-t-elle.
En outre, même si le lait et les produits laitiers ne sont pas des aliments “parfaits”, gardez en tête qu’aucune étude scientifique ne justifie l’exclusion totale des produits laitiers si ce n’est en cas d’allergie aux protéines du lait de vache.
Où trouver ailleurs du calcium ?
Pour compléter les apports calciques des produits laitiers (100 g d’emmental = 1 200 mg de calcium, 1 yaourt lait entier nature = 189 mg, 100 g de fromage blanc à 30 % = 115 mg…), on peut se tourner vers :
- Les sardines à l’huile (100 g = 400 mg);
- Certains fruits et légumes (100 g de cresson = 158 mg, d’orange = 40 mg, de brocoli = 76 mg…);
- Les eaux minérales (100 ml de Talians, Courmayeur ou Hépar = 55 à 60 mg).
Facteurs de croissance du lait et des produits laitiers: l'Anses publie son avis concernant leur impact sur le risque de développement de cancer, Anses, 4 mai 2012.
Intolérance au lactose : définition et symptômes, Améli, 23 septembre 2019.
Journée Mondiale du Lait : une filière qui répond aux attentes des consommateurs, Syndilait, 14 mai 2019.
Lait, nutrition et santé, Dr JM Lecerf, Institut Pasteur Lille.
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