Chaque mois, Marine prend sur elle pour vivre avec ses règles : “J’ai la tête qui tourne, les jambes qui flageolent et je peux tomber comme une crêpe. J’ai des douleurs hyper intenses, de grosses crampes, des spasmes et une douleur abdominale très importante, jusqu'au malaise vagal.” Cet ensemble de symptômes liés aux menstruations s’appelle la dysménorrhée. “Chez environ 5 à 15% des femmes atteintes de dysménorrhée primaire, les crampes sont assez graves pour perturber les activités quotidiennes et peuvent entraîner l'absence de l'école ou du travail”, indique le manuel médical MSD.
Dysménorrhée : il n’existe pas de traitement
Pour Marine, tout a commencé avec ses premières règles, à l’âge de 14 ans.“Mon gynéco m’a dit que ça s'arrêterait avec l'âge parce que normalement, ça touche surtout les très jeunes femmes. Et il avait raison : au bout de deux ans, c'est passé. Mais depuis ma vingtaine - j’ai 23 ans - c'est revenu.” Il n’existe pas de traitement contre la dysménorrhée. Tout comme pour l’endométriose, la seule chose proposée aux personnes concernées est de prendre une pilule contraceptive en continu pour stopper les règles et les symptômes associés. Une solution qui ne convient pas à Marine : celle-ci n’a pas besoin de contraception, et elle ne veut par ailleurs pas prendre d’hormones jusqu’à la ménopause.
Alors Marine apprend à vivre avec sa dysménorrhée, qui revient chaque mois à échéance fixe : “Je suis réglée comme une horloge.” La jeune femme se doute qu’elle souffrira de cet éventail de symptômes handicapants jusqu’à la cinquantaine. En attendant, elle met en place des stratégies pour que ce trouble n’affecte pas trop sa vie professionnelle et personnelle. “J’ai toujours peur que mes règles arrivent en semaine de travail parce que je suis toujours très faible et fragile. J'ai du mal à marcher, il faut que je m'arrête dans la rue pour m'asseoir, j'ai des bouffées de chaleur, des nausées. Parfois, j’ai de la diarrhée.”
“Au lieu d’évoquer ma dysménorrhée, j'invente une excuse”
Au quotidien, cette situation génère beaucoup d’anxiété chez la jeune femme. “Quand débute mon syndrome prémenstruel, je sais que mes règles vont arriver dans deux jours. Ça me pousse à me pré-médicamenter”, détaille Marine, qui prend de la codéine pour gérer les douleurs vives et les crampes.
Auprès de son entourage, elle n’est pas complètement à l’aise pour parler de sa dysménorrhée. “Si on m’invite à une soirée et que je ne peux pas venir à cause de ça, j'invente une excuse. Je n’ai pas envie de passer pour quelqu'un qui souffre de sa condition de femme. Certaines personnes vivent avec des maladies très graves au quotidien, elles ne sortent pas cette carte en permanence”, explique la jeune femme.
Douleur menstruelle : il est mal vu de se plaindre
Malgré tout, elle s’estime chanceuse : à l’adolescence, son premier gynécologue a diagnostiqué sa dysménorrhée. Néanmoins, c’est loin d’être le cas pour toutes les personnes qui en souffrent. “Certaines se disent juste qu'elles ont mal et elles ne mettent pas d'étiquette là-dessus. Elles se disent qu’elles ont leurs règles, point.”
Les chiffres sur la dysménorrhée sont encore peu précis. Une méta-analyse de 2014 sur le sujet, basée sur 15 études parues entre 2002 et 2011, indique qu'elle concernerait entre 16% et 91% des personnes menstruées. Les douleurs intenses, quant à elles, toucheraient entre 2 et 29% de ces personnes. Comment expliquer de telles différences entre les chiffres, et surtout un tel tabou sur le sujet ? D’après Marine, la douleur menstruelle est tellement normalisée qu’il est mal vu de se plaindre de symptômes, même handicapants, pendant ses règles. D’où une possible sous-évaluation de la prévalence de la dysménorrhée.
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