Le Covid-19 affecte plus d'un million de personnes dans le monde, et les malades les plus âgées supportent clairement moins bien la maladie, surtout s'ils présentent une comorbidité.
Mais les scientifiques savent depuis des semaines déjà, que le coronavirus menace également les individus plus jeunes, et parfois les tout petits. L'Europe compte plusieurs décès d'adolescents, dont une jeune-fille de 16 ans en France à l'hôpital Necker (Paris), et les États-Unis déplorent, quant à eux, la mort de plusieurs jeunes enfants. Le 28 mars 2020, un bébé de moins d'un an est décédé des suites d'une infection au Covid-19 outre atlantique. En Belgique une adolescente de 12 ans est morte après trois jours de fièvre, suite à une détérioration soudaine de son état le 31 mars. Même drame encore au Royaume-Uni, où un adolescent de 13 ans ne présentant aucune pathologie sous-jacente est récemment décédé.
35 % des malades en réanimation ont moins de 60 ans en France
Bien sûr, les cas sévères chez des jeunes restent une exception, il faut le rappeler. Pour preuve, les chiffres récemment publiés par une équipe scientifique internationale à partir de cas chinois :
- Chez les 10-19 ans : 0,04 % des malades nécessitent une hospitalisation.
- Chez les individus autour de la vingtaine, ce chiffre atteint 1,0 %.
- Chez les 30 à 39 ans, il augmente jusqu'à 3,4 %.
- Chez les 40-49 ans : le taux d'hospitalisation est de 4,3 %.
- Et chez les 50-59 ans : il double presque passant de 4,3 % à 8,2 %.
- Enfin, on le savait, près d'une personne malade sur cinq de plus de 80 ans est susceptible de nécessiter une hospitalisation soit 18,4 %.
Pourtant, en France, selon Santé Publique France (SPF), 35 % des malades en réanimation ont moins de 60 ans. Et les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis indiquent quant à eux, que les patients âgés de 20 à 64 ans représentent 10 à 20 % de tous les décès liés au Covid-19.
Alors, si l'on parle surtout des symptômes et complications chez les plus vieux d'entre nous, que se passe-t-il vraiment chez les plus jeunes ? Comment expliquer des états qui, chez ces patients en très bonne santé, se dégradent soudainement, conduisant brutalement à une issue fatale ? Quelles sont les ou la cause de ces cas "sévères", touchant des personnes qui a priori ne font pas partie des populations les plus à risques de développer des complications pouvant entraîner la mort ?
Décès du Covid-19 : l'immunité en cause chez de nombreux patients
"Les données scientifiques manquent encore", confie le Dr Panagis Galiatsatos, professeur adjoint de médecine au département de médecine pulmonaire et de soins intensifs de l'Université Johns Hopkins à Baltimore au magazine WebMd."Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un nouveau virus, et nous apprenons en temps réel (...), cela signifie que tout ce que vous entendrez aujourd'hui pourra être complètement différent demain", explique-t-il.
Jusqu'à présent, le principal moteur de la maladie grave chez tous les patients, quel que soit leur âge, semble être un système immunitaire hyper réactif. C'est ce qu'on appelle un "orage cytokinique ou tempête de cytokine ". En clair : le système immunitaire se met à fonctionner à un niveau tellement élevé qu'il devient potentiellement mortel. S'il réagit de manière chaotique, on assiste alors à une tempête... d'hormones immunitaires : les cytokines. Il s'agit d'une situation médicale gravissime dans laquelle ce n'est pas seulement le virus qui est attaqué, mais aussi, toutes les cellules saines de l'organisme.
Illustration : macrophage libérant des cytokines
Jamie Sturgill, professeur adjoint de médecine interne à la Division des soins pulmonaires, des soins intensifs et de la médecine du sommeil de l'Université du Kentucky à Lexington explique ainsi à nos confrères du titre de santé américain WebMd : "Le système immunitaire doit fonctionner 'parfaitement' pour nous maintenir en bonne santé sans provoquer lui-même la maladie".
Pourquoi des jeunes en bonne santé font-ils aussi des complications sévères ?
Certes, les jeunes bénéficient d'une meilleure constitution organique que les plus âgés, mais lorsque le coronavirus attaque, leur système immunitaire n'est pas forcément "mieux préparé", précise le Pr Sturgill. Et cela pour trois raisons.
- 1- Nous ne sommes pas immunisés contre cette nouvelle infection. Nous n'avons donc pas de réponse immunitaire naturelle face au Covid-19. Personne n'est à l'abri de développer une forme grave. Certains vont développer des signes bénins de la maladie, qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, alors que d'autres devront se battre contre des complications graves et cela, à tout âge.
- 2- Une tempête de cytokines peut survenir à tout moment de la vie.
- 3- Lorsque la maladie s'emballe, les pneumonies les plus graves déclenchées par le Covid-19 se transforment en ce que l'on appelle un Syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), qui est une atteinte des deux poumons avec inflammation sévère qui entraîne la destruction des alvéoles pulmonaires ainsi qu'un important œdème. Le SDRA peut lui aussi survenir à tout âge.
"Je sais que c'est probablement un choc pour de nombreux jeunes", précise le Dr Galiatsatos. "Nous entendons constamment que les conséquences sont les plus graves chez les personnes âgées. Il est vrai qu'en général, elles sont toujours plus à risque, quelle que soit l'infection. Mais l'histoire de ce virus n'est pas encore écrite. Et il se pourrait fort que nos jeunes aient un sentiment de protection exagéré. "
Quels sont les traitements disponibles contre les orages cytokiniques ?
"Actuellement, de nombreuses solutions sont à l'étude pour aider à traiter le COVID-19 : des médicaments antiviraux ciblant le virus lui-même, aux stéroïdes, luttant contre l'hyper-inflammation", explique le Dr Sturgill. "Au fur et à mesure que nous en apprendrons davantage sur la physiopathologie de cette maladie - et grâce à des essais contrôlés randomisés bien conçus - je pense que nous comprendrons le rôle exact que joue l'assaut des cytokines et comment le contrôler."
Face à ce phénomène, la médecine en France expérimente des solutions avec une idée en tête : calmer la réaction hyper inflammatoire au niveau des poumons, sans pour autant abaisser les barrières immunitaires des victimes de coronavirus.
À Paris, le groupe hospitalier public AP-HP a lancé ces derniers jours l’essai CORIMMUNO pour tester plusieurs médicaments contre ces réactions inflammatoires excessives. Mais pour l'heure il n’existe aucune approche thérapeutique efficace...
https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001558
https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1001558
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.