On a tendance à sous-estimer la douleur qu’implique un chagrin d’amour. Pourtant, elle est réelle si l’on en croit Sébastien Garnero, DR en psychologie, sexologue et psychologue clinicien. Elle n’est pas seulement psychique, puisqu’elle implique souvent un cortège de symptômes physiques allant de la nausée jusqu’à la tachycardie parfois.
« La rupture fait mal à tous les niveaux : psychiquement, physiquement et émotionnellement. Cela à avoir avec ce quelque chose du manque fondamental, des liens d’attachements affectifs qui se sont rompus, créant une fracture de vie affective qui mettra du temps à se guérir. Le temps du deuil amoureux se situe le plus souvent dans une fourchette de 3 à 6 mois au mieux, mais peut aller jusqu’à un ou deux ans dans certains cas avant de pouvoir réinvestir d’autres liens affectifs », décrit notre expert.
Or, comment une simple peine de cœur peut-elle nous rendre malade à ce point ? Que se passe-t-il dans notre organisme lorsque nous avons le cœur brisé ? Explications avec notre psychologue.
Le syndrome du cœur brisé engendre des symptômes proches de l’infarctus
Vous sans doute déjà entendu parler du syndrome du cœur brisé ou syndrome de Takotsubo. Il a été décrit pour la première fois en 1990, au Japon. Il se définit par la déformation du ventricule gauche du cœur observée par imagerie. Cette déformation du cœur est provoquée par une vive émotion stressante. Ses symptômes sont très évocateurs de l’infarctus du myocarde.
Le syndrome du cœur brisé toucherait 1 personne sur 36 000 et représenterait 1 à 3 % des patients suspectés de souffrir d’un infarctus aigu du myocarde. Ce phénomène toucherait particulièrement les femmes. Il aurait tendance à être déclenché par un stress psychologique négatif d’ordre affectif tel qu’un deuil, un divorce, une rupture.
Si ce phénomène est réel, il ne touche – heureusement- pas toutes les personnes qui ont vécut une rupture. Toutefois, on ne peut nier qu’un chagrin d’amour entraîne un ensemble de bouleversements à la fois psychiques et physiques.
« Toute rupture amoureuse génère une sensation de mal-être avec des degrés variables allant du spleen, tristesse, nostalgie, effondrement psychique, avec parfois l’impression que plus rien n’a de sens. Lorsqu’on a le cœur brisé, une forme de douleur psychique à entendre comme un équivalent de dépression amoureuse s’empare de nous », détaille Sébastien Garnero.
Lorsqu’une personne traverse un chagrin d’amour, elle est susceptible de subir un cortège de symptômes à la fois psychiques et physiques : trouble du sommeil, perte ou prise de poids, perte de l’élan vital, sentiment de vide intérieur, pleurs, crise d’angoisse, déficit de l’estime de soi, rumination mentale, obsessions, conduites addictives compensatrice… Cette période peut être vécue comme une véritable douleur physique telle qu’une « brûlure activant en partie les mêmes zones cérébrales que ce type de douleur, selon certaines études », rapporte Sebastien Garnero. Sur un autre plan, cette phase va chez certains s’exprimer par de multiples troubles psychosomatiques, et des conversions par le corps : Ces symptômes expriment métaphoriquement la détresse, le manque de l’autre. « Ainsi, il n’est pas rare que certains présentent un mutisme, une brusque aphonie les laissant sans voix », ajoute l’expert. « On pourrait qualifier de phénomène de dépression amoureuse mais aussi de traumatisme amoureux de la perte, du choc et de l’impuissance dans laquelle on se retrouve. C’est aussi équivalent au sevrage », complète Sébastien Garnero. Pour comprendre l’arrivée des symptômes de « traumatisme amoureux » dont parle l’expert, il faut d’abord comprendre ce qui se passe dans le corps au moment où la relation est au beau fixe. « Sur le plan neurobiologique, toute une gamme de réactions successives et simultanées vont se produire et maintenir l’état amoureux, nous apprends Sébastien Garnero. Lors des différentes phases successives de la réalisation de l’état amoureux, on retrouve de nombreux neuromédiateurs impliqués : Noradrénaline, Dopamine, Phényléthylamine, et différentes zones cérébrales en lien avec l’activité perceptive et émotionnelle ». « Dans l’ensemble du processus amoureux consolidé, vont s’y ajouter d’autres neuromédiateurs tels que : l’ocytocine, la vasopressine (attachement affectif, lien émotionnel), prolactine; qui participent au bien être, à l’attachement, l’affectivité et à la tendresse; la sérotonine (régulation émotionnelle, sentiment de bonheur, l’humeur positive…), la sérotonine (rôle dans l’humeur, l’émotivité, le bonheur…), les endomorphines (sensations de plénitude intense, de puissants relaxants…) ». Ce processus va s’auto entretenir tant que la phase de l’élan passionnel dure. Ce sont ces hormones qui vont nous pousser à nourrir ce désir insatiable d’être avec l’autre, comme une drogue donc on peut plus se passer. « Et bien lors de la rupture, on va assister à ces phénomènes neurobiologiques inversés en cascade avec un ressenti physique, émotionnel et psychique particulièrement intense », annonce notre psychologue. Des études ont déjà prouvé que la douleur ressentie lors d’une rupture amoureuse est tout à fait observable en termes de douleur réelle, au même titre qu’une douleur physique. A titre d’exemple, une recherche relayée au sein du Journal of Neuroscience et menée par des chercheurs de l’université du Colorado (USA) met en évidence que les douleurs émotionnelles fortes activent des zones cérébrales similaires à la douleur physique. Ainsi ceux qui ont le « cœur brisé » ont tout à fait de bonnes raisons objectives de ressentir subjectivement une réelle douleur amoureuse. « Une des hormones les plus importantes sur le plan neurophysiologique dans cette problématique de rupture de cœur brisé est l’ocytocine, qui contribue au système de régulation de l’attachement chez l’humain comme chez d’autres mammifères. La dopamine joue également un rôle essentiel dans les phénomènes amoureux, (véritable hormone du plaisir), la vasopressine (attachement, fidélité), sérotonine (régulation humeur, et bien être), cortisol (stress), testostérone (désir pulsion), ont aussi leurs rôles dans cette alchimie amoureux », décrit le spécialiste. « A titre d’exemple, pour ce qui concerne la dopamine, clé de l’activation du plaisir, du système de récompense et du sentiment amoureux qui fonctionne à plein durant la phase amoureuse passionnelle notamment : le cerveau en produit de fortes quantités, or, en cas de rupture, ce taux chute drastiquement créant une sensation de manque équivalente à une forme d’addiction, et de syndrome de sevrage lors de la phase du chagrin d’amour ». De même, l’ocytocine avait un taux élevé lors de la phase de couple et d’attachement. Lors de la rupture, la brusque chute de ce neurotransmetteur amène à un sentiment d’insécurité affective, de phase de doutes, et de détresse psychologique « Durant cette phase, on envisage une reprise de contact, ou souhaiter se donner de nouvelles possibilités et opportunités de reprise de ce couple. Sur le plan psychologique, il s’agit souvent d’un mécanisme de défense proche du déni, où on ne veut pas voir la réalité de cette rupture », décrit le psychologue. Quant au cortisol (stress), il est suractivé générant d’autant plus de stress, sentiment d’urgence, d’insécurité, d’anxiété, voire d’angoisse. « A l’inverse, le système parasympathique est à l’arrêt. Ce système est essentiel car il favorise les processus calmants, la relaxation du corps, la baisse de l’activité respiratoire cardiaque, de la pression artérielle, du bon fonctionnement du transit intestinal, du sommeil…, explique Sébastien Garnero. Ce dysfonctionnement de la régulation du système sympathique/parasympathique explique en grande partie la cascade des événements qui vont se produire tant sur le plan psychique que physique (perte d’appétit le plus souvent, mais parfois l’inverse, trouble intestinaux, arythmie cardiaque…). Lors de cette phase d’abandon, un flot continu de cortisol et d’épinéphrine vont se libérer et provoquer des réactions non seulement psychiques mais aussi physiques : symptômes psychosomatiques, retentissement sur l’appétit, le sommeil… « On passe de la phase d’angoisse émotionnelle au retentissement physique », selon le psychologue. L’excès d’hormones de stress au niveau cérébral va envoyer directement des messages en continu aux organes afférents et aux muscles via l’afflux sanguin afin d’augmenter le système d’alerte lié à la menace de la perte. Ce phénomène est responsable des tensions physiques internes, des vertiges, des céphalées, des maux de ventre, thoraciques, dorsales de tête… « Dans certains rares cas, le cœur brisé va déclencher, au-delà des problèmes d’arythmie, ou de tachycardie bien connue, le syndrome de Tako Tsubo (comme l’appellent les cardiologues). C’est équivalent à une forme d’infarctus dû à une suréponse émotionnelle de stress. Ainsi le cœur brisé n’est plus simplement une métaphore, mais il s’actualise dans le corps », ajoute l’expert. D’une façon générale, lorsque nous vivons une rupture amoureuse, tout se passe comme si une partie du cortex préfrontal se désactivait ne nous permettant plus de traiter les informations. Nous sommes pris dans l’urgence de la situation émotionnelle. Dans les pires des cas, certaines problématiques de « cœur brisé » peuvent laisser place à des dépressions avec pensées suicidaires. « Le sujet, ne voit plus d’issue à son drame amoureux, et se pose la question de pourquoi vivre sans l’autre aimé…Bien entendu ce phénomène est relativement peu fréquent, et souvent à mettre en relation avec l’histoire du sujet, de ses problématiques d’attachement insécures, et expériences antérieures qui viennent se réactiver dans le traumatisme de la séparation amoureuse, vécu comme un abandon, un rejet total de son être, une remise en cause de son identité ». Heureusement dans la plupart des cas de figures, le fait d’avoir le « cœur brisé » ne sera qu’une épreuve de la vie, et étape dans sur le plan affectif avant de pouvoir renouer avec un nouvel amour qui amène épanouissement, sérénité et harmonie.Cœur brisé : quels sont les symptômes physiques ?
Cœur brisé : 5 choses qu’une rupture peut provoquer dans l’organisme
Cœur brisé : en cas de rupture, votre taux d’ocytocine chute
Rupture : le système parasympathique est à l’arrêt
Les hormones de stress vont envoyer des messages aux organes et aux muscles
Le cœur brisé peut déclencher des problèmes d’arythmie
Cœur brisé : dans les pires cas, il peut entraîner des pensées suicidaires
Merci à Sébastien Garnero, DR en psychologie, sexologue et psychologue clinicien
Cf.Frontal-Brainstem Pathways Mediating Placebo Effects on Social Rejection, Leonie Koban, Ethan Kross, Choong-Wan Woo, Luka Ruzic and Tor D. Wager (Journal of Neuroscience 29 March 2017, 37 (13) 3621-3631 ; DOI: https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.2658-16.2017
Pair-Bonding, Romantic Love, and Evolution: The Curious Case of Homo sapiens :Show all authors : Garth J. O. Fletcher, Jeffry A. Simpson, Lorne Campbell, First, Published January 14, 2015
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