Course du Cœur : "un don d’organes permet de faire vivre quatre personnes"

4 jours et 4 nuits pour parcourir les 750 km qui séparent Paris et Bourg Saint-Maurice Les Arcs. Les 14 équipes de coureurs sont dans les starting-blocks et l’adrénaline commence à monter à l’approche de la 37e édition de la Course du cœur, cette manifestation sportive et solidaire organisée par l’association Trans-Forme, l’Association Fédérative Française des Sportifs Transplantés et Dialysés.

Lors de ce défi sportif d’envergure, les regards des spectateurs des 200 communes traversées se tourneront particulièrement vers cette team de coureurs greffés d’un cœur, d’un rein, de poumons ou de moelle osseuse, plus que jamais motivés et déterminés à franchir la ligne d’arrivée. L’objectif déborde du terrain de l’accomplissement de soi.

A la fierté grisante d’avoir relevé un pari sportif se mêle un enjeu de santé public : le don d’organes. Une question brûlante tant elle est d’une urgence vitale pour les 22 000 personnes, dont de nombreux enfants en attente d’un greffon. Cette course résonne aussi pour les 67 000 personnes qui vivent en France avec un greffon fonctionnel.

Pour prendre le pouls de ce défi sportif et comprendre les enjeux du don d’organes, Medisite s’est entretenu avec le Dr Laure Esposito, co-capitaine de la Team Société Francophone de Transplantation, médecin spécialiste au sein du service de Néphrologie et Transplantation d'organes au CHU de Toulouse.

Le médecin sera présent au sein d’une des trois équipes de soignants (médecins, chirurgiens, infirmiers infirmières ambulanciers, kinésithérapeutes -bénévoles sur la course mais ne courent pas), présents sur le parcours pour sensibiliser au don d’organes, de moelle osseuse et de tissus.

Medisite : Pourquoi participez-vous à cette Course du Cœur ?

Dr Laure Esposito : "Au vu de notre engagement quotidien en tant que soignants au service de la recherche en transplantation et au service des patients, il nous paraît évident de vouloir mobiliser le grand public en insistant sur le fait que la greffe fonctionne, qu’elle sauve des vies et qu’elle améliore la qualité de vie des personnes transplantées.

Plus de 500 personnes vont participer à cette caravane de générosité qui vise à sensibiliser au don d’organes. Cette course, à laquelle prennent part une équipe de coureurs greffés, permet de témoigner, auprès du grand public mais aussi des soignants, de l’intérêt du don d’organes et de son impact positif sur les personnes greffées.

Dans quelle mesure le don d’organes constitue un enjeu majeur de santé publique ?

"Il y a à peu près 22 000 personnes sur liste d’attente, tout organe confondu pour environ 5 000 greffées chaque année. La greffe est une priorité nationale parce qu’elle sauve des vies et parce qu’elle permet aux patients greffés de vivre normalement, en réduisant les coûts des traitements liés à une prise en charge pour une insuffisance rénale par exemple.

Le don d’organes est un élan de générosité et un don de soi, l ’équipe de la SFT en témoigne à travers cet événement solidaire et sportif.

Il est bon de rappeler qu’une fois décédé, si on a fait le choix du don d’organes, ce don permet de faire vivre au moins quatre personnes.

Aujourd’hui, la France accuse un relatif retard en termes de don d’organes par rapport à certains pays européens comme les Pays-Bas. Comment l’expliquez-vous ?

La difficulté en France provient en partie du flou qui entoure la procédure du don d’organes, pour faire valoir son choix. Actuellement, soit on manifeste son opposition au don d’organes en s’inscrivant sur un registre de refus, soit on donne son consentement de manière présumée, en informant ses proches de son souhait.

Problème, quand on interroge les Français, 80 % des personnes se disent favorables, mais moins d’une personne sur deux ne l’exprime pas explicitement à son entourage. Faute de l’avoir dit de son vivant, le taux de refus des proches face au don d’organes se révèle assez élevé en France, de 36 %.

On a donc plus que jamais besoin en France de sensibiliser au fait d’échanger sur cette question du don d’organes avec son entourage. Une autre piste pour encourager au don d’organes passe par le fait d’éduquer les plus jeunes générations, de parler du don d’organes très tôt.

En plus de sauver des vies, il me paraît nécessaire d’insister sur le fait que le don d’organes se réalise dans le respect du donneur et de son corps.

Quels sont les organes le plus prélevés pour des transplantations ?

L es reins, les cornées, les tissus, le cœur, le foie et le pancréas (pour les personnes diabétiques). Les reins peuvent être donnés de son vivant, même à un certain âge, et selon l'âge physiologique.

La Course du cœur est aussi un moyen de montrer que l’activité physique est bénéfique pour les patients transplantés…

La récupération après la transplantation est plus ou moins longue selon l’organe transplanté, mais il est possible et même recommandé de pratiquer une activité physique et sportive pour les patients greffés.

Des personnes transplantées participent même à des compétitions après une bonne préparation. En témoigne l’équipe de coureurs greffés qui participe à la Course du cœur et qui s’apprête à réaliser les 750 km de course entre Paris et les Arcs.

Certains transplantés cardiaques font des triathlons, des Iron Man. Tout est possible, cela dépend de la motivation et de la récupération des malades.

Cette édition sera aussi l’occasion de rendre hommage au Pr Christian Cabrol, pionnier de la transplantation d’organes, auteur de la 1ère greffe du coeur en Europe en 1968…

Oui il fut un pionnier de la transplantation cardiaque et le premier à avoir montré qu’il est possible d’avoir été transplanté et de faire du sport. Et chaque année on lui rend hommage. La transplantation cardiaque se situe à la pointe de l’innovation et du geste chirurgical. La Course du cœur est un moyen de rendre hommage aux personnes comme le Pr Cabrol qui ont permis et oeuvrent à faire avancer la recherche et la chirurgie dans ce domaine".