
"Le changement climatique nous rend malades, et une action urgente est une question de vie ou de mort", a alerté l'Organisation mondiale de la santé lors de la conférence de l'ONU sur le climat à la fin de l’année 2024. Pour l’agence sanitaire, c’est la plus grande menace pour la vie humaine. Il touche à la fois l’environnement, le fonctionnement même des organes vitaux et la performance du système de santé censé nous protéger. De la qualité de l’air à l'émergence des maladies infectieuses et parasitaires, en passant par la sécurité alimentaire, les impacts sur la santé sont multiples.
Alors que la planète continue de se réchauffer, de nombreux pays sont frappés par des inondations, des sécheresses, des vagues de chaleur ou des tempêtes dévastatrices. Ces dérèglements du climat pourraient provoquer 250 000 décès supplémentaires chaque année à partir de 2030.
Pour Valérie Masson-Delmotte, climatologue au CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives) et experte du GIEC de 2015 à 2023, il y a deux types de conséquences : directes et indirectes.
Conséquences directes
Les conséquences directes concernent les vagues de chaleur et les événements climatiques extrêmes.
Les canicules provoquent une hyperthermie, une déshydratation, des troubles rénaux, des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des défaillances d'organes que le corps ne peut supporter.
Selon une étude publiée en octobre 2024 par la revue The Lancet, la population a été exposée en 2023 à 50 jours supplémentaires de chaleurs intenses en moyenne. Résultat : une surmortalité, surtout chez les plus fragiles , avec des décès chez les plus de 65 ans qui ont augmenté de 167 % par rapport aux années 1990.
L’intensification des événements climatiques extrêmes a également des incidences directes sur la santé humaine. Ils sont responsables de noyades, d'infarctus du myocarde, de blessures et de conséquences psychosociales.
"Ces phénomènes ont des impacts importants sur la santé psychologique, qu’il s’agisse du traumatisme résultant du déplacement de populations, de la peur permanente de catastrophes récurrentes ou de l’anxiété liée à la dégradation de l’état de la planète (“l’éco-anxiété”)", explique Valérie Masson-Delmotte sur le site de l'Institut Pasteur.
Conséquences indirectes
Les impacts indirects concernent un ensemble de réactions en cascade liées au réchauffement de la planète, un effet boule de neige. Et ils sont nombreux.
La recrudescence des maladies infectieuses en fait partie. Le changement climatique favorise la transmission de certaines maladies, comme la dengue, le chikungunya ou le paludisme, qui touchent désormais de nouveaux territoires.
Des régions jusque-là épargnées deviennent vulnérables. "La durée saisonnière des maladies transmises par les moustiques va augmenter. Des maladies comme la dengue ou le chikungunya vont devenir des préoccupations majeures dans les pays du Nord", précise l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, le 28 novembre dernier à l’Institut Pasteur.
Le risque de transmission de la dengue par le moustique tigre a augmenté de 46 % au cours de la dernière décennie. En 2023, 5 millions de cas de dengue ont été signalés dans plus de 80 pays ou territoires.
Et la France n'est pas épargnée. Au 1ᵉʳ janvier 2024, le moustique tigre était présent dans 78 des 96 départements métropolitains. Selon les chiffres de Santé publique France, 4 042 cas importés et 85 cas autochtones ont été recensés en 2024.
"La déforestation, en lien avec le réchauffement climatique, va avoir pour conséquence des échanges accélérés de virus entre animaux et va donc augmenter le risque de pandémies", souligne Arnaud Fontanet sur le site de l’Institut Pasteur.
Une insécurité alimentaire
Les variations de température, responsables de sécheresses et de précipitations intenses, perturbent également les systèmes agricoles, entraînant malnutrition et maladies d’origine alimentaire. "Le changement climatique exacerbe l’insécurité alimentaire et la sous-nutrition en réduisant les rendements agricoles, la capacité de travail et l’accès à l’eau, en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en compromettant les ressources marines en raison de l’augmentation des températures de surface des mers côtières", explique l’étude de The Lancet.
La pénurie d’eau est une préoccupation majeure qui impacte considérablement la santé humaine. "Le manque d’accès à l’eau potable, associé à la prévalence accrue des vagues de chaleur, entraîne la déshydratation et des maladies liées à la chaleur, en particulier dans les communautés vulnérables", indique l'Institut de recherche.
Augmentation des maladies respiratoires liées à la pollution de l’air
La pollution de l'air accroît elle aussi le risque de maladies respiratoires, d'accidents cardiovasculaires, de diabète et de cancers. Selon les experts, les effets sont comparables à ceux du tabac. Et personne n'est épargné. Pour rappel, 99 % de la population mondiale respire un air dépassant les limites fixées par l’OMS.
"12 à 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant 7 à 13 % chez l’adulte sont attribuables à l’exposition prolongée à la pollution de l’air" explique Sylvia Médina, épidémiologiste et coordinatrice du programme air et santé à Santé publique France.
Un système de santé fragilisé
Et comment se faire soigner si le système de santé lui-même est fragilisé ? Les effets du changement climatique sur les hôpitaux se font sentir non seulement dans les établissements, mais aussi dans l’organisation de la santé publique. Exemple : dysfonctionnement des services d'électricité et d'eau, routes perturbées ou inaccessibles…
Cet effet en cascade impacte les infrastructures qui accueillent du public, au risque de retarder la prise en charge. Une perte de temps qui peut être fatale.