Qu’est-ce que le brouillard cérébral et comment y faire face ?Image d'illustrationIstock
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Des clés perdues, un code de carte bancaire tombé dans l'oubli, ou la page de ce roman tant apprécié impossible à imprimer : autant de symptômes qui caractérisent le brain fog ou brouillard cérébral. "Ce terme induit un ralentissement cognitif, une sorte de lenteur mentale, des difficultés de concentration et d’attention, avec parfois de la confusion", explique, lors d’une interview pour le média Le Temps en avril dernier, le Dr Nicolas Neveux, psychiatre et auteur du site e-psychiatrie.fr ainsi que du livre Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle chez Dunod. Les mécanismes de ce trouble sont divers. Encore peu élucidés, ils varient probablement énormément selon la cause.

Les facteurs de risque du Brain fog ou brouillard mental

Selon le Dr Nicolas Neveux, le brain fog se caractérise par une diminution de la qualité du fonctionnement mental, entraînant cet état de flottement. La liste des pathologies ou des facteurs de risque pouvant le provoquer est longue :

  • Grossesse

  • Ménopause

  • Maladies dégénératives du système nerveux central comme la sclérose en plaques

  • Syndrome de fatigue chronique

  • Fibromyalgie

  • Sepsis

  • Maladies endocriniennes

  • Maladies chroniques ou inflammatoires

  • Troubles anxieux, dépression, TOC

  • Stress, manque de sommeil, alimentation déséquilibrée, déshydratation…

Des recherches récentes ont démontré que le Covid long peut également engendrer un brouillard cérébral. Dans une étude publiée le 21 juillet 2023 dans la revue eClinicalMedicine, des chercheurs du King’s College de Londres ont constaté que, chez les personnes atteintes de cette maladie respiratoire, le brouillard cérébral pouvait persister jusqu’à deux ans après l’infection initiale et réduire leurs capacités à accomplir diverses tâches du quotidien.

Une fatigue cognitive

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont observé si l’infection au Covid-19 affectait les performances des participants via deux cycles de tests en ligne de performances cognitives (en 2021 et 2022). Ils ont ainsi collecté les données de plus de 3 000 volontaires et évalué leurs performances en termes de mémoire, d’attention, de raisonnement, de vitesse de traitement de l’information et de contrôle moteur (en se basant sur 12 tâches).

Les participants dont les résultats aux tests étaient les plus affectés par le Covid-19 étaient ceux ayant expérimenté des symptômes liés à la maladie pendant 12 semaines ou plus. Chez ces personnes, l’effet du Covid-19 sur la précision des réponses aux tests était comparable à un vieillissement de 10 ans.

Cerveau embrumé et covid

"Nos résultats suggèrent que, chez les personnes atteintes de Covid long, les effets du coronavirus sur les processus mentaux, comme la capacité à se rappeler des mots et des formes, sont toujours détectables en moyenne près de deux ans après l’infection initiale", résume l’auteur principal de l’étude, le Dr Nathan Cheetham, scientifique des données au King’s College de Londres.

La gériatre Claire Steves, également autrice de l’étude, développe : "Deux ans après la première infection, certaines personnes ne se sentent pas complètement guéries et leur vie continue d’être affectée par les effets à long terme du coronavirus. Davantage de recherches sont nécessaires afin de comprendre pourquoi c’est le cas et ce qui peut être fait pour aider." Aujourd’hui, en France, Santé publique France estime que 30 % des personnes ayant été infectées par le virus SARS-CoV-2 sont concernées par le Covid long.

Fatigue du cerveau et cancer

Mais la maladie n’est pas le seul coupable. Certains traitements peuvent l’être aussi. Trois catégories fréquemment utilisées dans le cadre d’un cancer sont impliquées : la chimiothérapie, la radiothérapie et l’hormonothérapie. "Une radiothérapie de la tête, du cou ou du corps entier peut endommager les cellules du cerveau", explique la Société canadienne du cancer sur son site. Avec ce type de thérapie, les troubles cognitifs apparaissent habituellement un ou deux ans après la radiothérapie, précise la société savante. "J’étais constamment en train de chercher mes affaires. J’avais cette impression d’être dans un flou permanent", se souvient Marie-Louise, en rémission d’un cancer du sein.

La chimiothérapie peut causer des troubles de l’attention, de la mémoire ou de la résolution de problèmes. Certains traitements peuvent même provoquer une perte auditive. Quant à l’hormonothérapie, la diminution de certaines hormones joue un rôle dans la mémoire. "L’œstrogène protège les cellules nerveuses et la fonction cognitive. Une baisse des taux d’œstrogène dans le corps peut donc entraîner des troubles cognitifs", indique la Société canadienne. Ces troubles cognitifs sont le plus souvent transitoires, mais ils peuvent perdurer de six mois à dix ans.

Diagnostic

Pour comprendre ce phénomène, des scientifiques ont réalisé des tests neuropsychologiques ainsi que des examens de neuro-imagerie chez des femmes atteintes d’un cancer du sein. "Leurs résultats ont mis en évidence des atteintes de la mémoire verbale et de la flexibilité de la mémoire, voire une diminution de la matière grise du cerveau", rapporte le média scientifique The Conversation.

L'une des théories mises en avant par les chercheurs est le processus inflammatoire généré par les traitements. "Les médicaments modifient la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, une structure qui a pour fonction de protéger le cerveau contre des agents nocifs, ce qui conduirait au passage de substances qui, normalement, sont retenues par cette barrière", souligne le média scientifique.

Traitement

En cas de suspicion de brouillard cérébral, le Dr Nicolas Neveux conseille de consulter son médecin traitant. "Les symptômes du brain fog sont cliniques et ne nécessitent pas d'examens complémentaires. À partir de l'interrogatoire, le médecin va chercher à déterminer la véritable origine de ce brouillard cérébral", précise-t-il sur Notre Temps.

Le traitement et la prise en charge du brouillard cérébral prend en compte divers facteurs déclenchants. Selon le psychiatre, il faut agir sur la cause, sur les mécanismes du brouillard cérébral et sur ses manifestations.

Parmi les différentes thérapies, l’activité physique intense est celle qui présente les meilleurs résultats : marche, course à pied, danse, vélo… Tout est bon tant que cela permet de se vider l’esprit. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ainsi que des mesures hygiéno-diététiques à base d'Oméga-3 se révèlent également utiles pour améliorer la situation.