Sexualité : chez les séniors, la question taboue des ISTIstock
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Saviez-vous que le nombre de divorces chez les personnes de plus de 60 ans a beaucoup augmenté en 20 ans ? En 1996, les divorces impliquant un homme de plus de 60 ans représentaient seulement 4% des cas, contre 12% en 2016. Pour les femmes, on est passé de 3% à 8%, d’après une étude de l’Ined publiée en 2021. Conséquemment, les séniors sont plus nombreux sur le marché de l’amour et du dating. Pour certains d’entre eux, cela implique des relations sexuelles avec de nouveaux partenaires.

"On peut également noter l’influence des avancées médicales notamment la
'révolution Viagra' qui date de 1998 et des IPDE 5 (l'ensemble des médicaments pour lutter contre les troubles de l’érection) qui ont permis aux personnes qui
présentaient des troubles érectiles de retrouver une vigueur sexuelle au travers d’une sexualité plus pénétrante pour les couples", note Sébastien Garnero, sexologue et docteur en psychologie.

Des séniors libérés sexuellement

Bien que la sexualité des séniors soit considérée comme un sujet tabou, les principaux concernés n’ont a priori pas de mal à en parler. Selon une étude réalisée par l’institut de sondages Ifop et le site de rencontres pour les séniors DisonsDemain publiée en 2023, ils sont 94% à se considérer plus libres sexuellement aujourd’hui que pendant leur vingtaine. Plus intéressant encore, 3% des personnes interrogées déclarent que les sentiments ne sont pas nécessaires pour avoir une relation sexuelle.

Pourtant, comme le note l’École des hautes études en santé publique dans un rapport de 2019, “dans une société où la sexualité des personnes âgées est encore un sujet tabou, les campagnes de communication ne visent, jusqu’à présent, que les adolescents et les jeunes”. Ce même rapport constate par ailleurs que “les seniors, de nos jours, ont grandi dans une période (Trente Glorieuses – 1946-1975) caractérisée par un manque d’information et d’éducation à la sexualité et à ses risques, alors qu’en parallèle, les adolescents d’aujourd’hui font l’objet de campagne de prévention à l’égard des IST”.

Chez les séniors, une “faible perception du risque d’IST”

Dans les colonnes du magazine américain The Washington Post, la professeure de médecine à l’Université d’Harvard Trisha Pasricha indique que 40% des adultes de 65 à 80 ans sont sexuellement actifs. Elle le rappelle par ailleurs : les séniors ne sont pas immunisés contre les infections sexuellement transmissibles (IST).

Dans un rapport présenté au service d’immunologie et de maladies infectieuses de l’Université Paris Est Créteil et publié en 2022, l’infectiologue Sébastien Gallien dresse un état des lieux. Il constate que les “personnes de 60 ans et plus sont une population à risque d’IST car elles ont une activité sexuelle ; ce sont les héritières d’une génération venue des années 1960 où le sujet n’était pas abordé, et elles peuvent ne pas se sentir concernées par le préservatif”. Il note ainsi une “faible perception du risque d’IST” dans cette population ainsi qu’un taux d’utilisation du préservatif de l’ordre de 60% chez les 50-70 ans.

"Sur un plan sexologique, on peut noter que la ménopause peut altérer la perception des risques liés aux IST de façon générale. Avec la ménopause, on assiste bien souvent à un désintérêt pour l’utilisation du préservatif car cette classe d’âge est souvent plus préoccupée par la contraception que par le risque de contracter des IST", ajoute Sébastien Garnero. Les professionnels de santé, eux non plus, ne considèrent généralement pas cette tranche d’âge comme à risque, indique le professeur Gallien.

IST : en constante augmentation chez les 50-69 ans

L’infectiologue explique que le nombre d’IST est en constante augmentation chez les 50-69 ans, mais qu’il se stabilise vers 70 ans. Au-delà de la question du préservatif, sont en cause une fragilisation des muqueuses (et donc une plus grande réceptivité aux agents infectieux) ainsi que l'immuno-sénescence (le phénomène de perte marquée d'efficacité du système immunitaire).

"Le nombre d’IST diagnostiquées chez les personnes de 50 à 70 ans a
semble-t-il augmenté d’environ un tiers au cours des dernières années. Les
quelques rares éléments d’études montrent que les seniors ont également un risque accru d’attraper des IST, comme la chlamydia et la syphilis. On note aussi une augmentation du nombre d’infections par le VIH (20% en 2016 comparativement à 2008, d'après Santé publique France)", précise pour Medisite Sébastien Gernero.

Qu’en est-il en pratique ? On a posé la question à Odile Bagot, gynécologue-obstétricienne à Strasbourg. Si la médecin ne constate pas de recrudescence spécifique des IST en général chez ses patientes de plus de 60 ans, elle note tout de même une augmentation du nombre de cas de papillomavirus humain (HPV), documentée statistiquement. “Il y a deux explications à ça : on constate parfois une reprise de l'activité sexuelle des hommes et des femmes, qui ont de nouveaux partenaires, et une baisse des défenses immunitaires due au vieillissement. Les femmes de cet âge ont plus grande difficulté à se défendre contre les infections.”

À tout âge, donc, en cas de nouveau partenaire sexuel : mettez un préservatif.

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