Médicaments contrefaits : nul n’est à l’abriIstock
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Des fraudes à tous les niveaux

Des fraudes à tous les niveaux© Istock

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les médicaments contrefaits regroupent tous les traitements "étiquetés frauduleusement, de manière délibérée, pour en masquer la vraie nature ou la vraie source". La fraude peut consister en un emballage trompeur : par exemple des comprimés vendus sous une grande marque sans autorisation, ou un reconditionnement pour changer une date de péremption. Mais les médicaments contrefaits peuvent aussi ne contenir aucun ingrédient actif, être surdosés ou sous-dosés. Pire encore, ils peuvent renfermer des substances toxiques. Fabriquées en majorité hors du circuit normal, dans des ateliers clandestins, ces contrefaçons n’ont pas subi d’analyse indépendante pour en assurer la sécurité ou l’efficacité.

Des risques majeurs pour la santé

Des risques majeurs pour la santé© Istock

Attention, danger ! Tout médicament contrefait s’avère potentiellement nocif. Ne disposant d’aucune garantie de qualité, ces "remèdes" peuvent causer de graves dommages à la santé. Si elles sont sans aucun principe actif ou mal dosées, les contrefaçons risquent de favoriser les résistances et d’aggraver les pathologies. Elles se révèlent même parfois mortelles, notamment dans le cas de maladies chroniques ou d’infections graves. Ainsi, en Afrique, 100 000 personnes meurent chaque année à cause de faux médicaments, selon l'OMS. En 2013, 122 000 enfants d emoins de cinq ans sont décédés en Afrique subsaharienne après avoir pris des antipaludéens contrefaits. En 2009, un sirop contre la toux contenant de l'antigivre a provoqué la mort de 84 enfants au Nigeria.

Dix pour cent des médicaments sont contrefaits

Dix pour cent des médicaments sont contrefaits© Istock

Une estimation de l’OMS résume le phénomène : 10% des médicaments vendus dans le monde seraient contrefaits. Si les chiffres exacts restent inconnus, au moins quatre incidents surviennent chaque jour à cause de ces remèdes falsifiés. Dans certains pays en développement d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie, les contrefaçons peuvent occuper plus d’un tiers du marché ! L’Europe, les Etats-Unis ou encore le Japon affichent des taux inférieurs à 1 %. Mais ils ne sont pas à l’abri pour autant. Le Royaume-Uni a connu ces dernières années des affaires de contrefaçon de Cialis® (tadalafil, inducteur d’érection) ou de Plavix® (clopidogrel, antiagrégeant plaquettaire), jusque dans les pharmacies.

Sommes-nous à l’abri en France ?

Sommes-nous à l’abri en France ?© Istock

Aucune contrefaçon médicamenteuse n’a été détectée en France dans le réseau autorisé. De l’usine à l’officine, chacun se soumet à des contrôles réguliers. Le bon accès à la couverture sociale limite aussi le recours à d’autres voies. Mais les compléments alimentaires ne sont pas protégés, comme en témoigne l’affaire des pilules amaigrissantes "Best-Life" à l’origine du décès d’une jeune femme de 32 ans en Seine-Saint-Denis. En février 2014, au Havre, les Douanes françaises ont intercepté 2,4 millions de médicaments falsifiés étiquetés "thé de Chine". Et des dispositifs médicaux ont déjà été touchés : les autorités ont découvert des lots de lentilles de contact contrefaites en 2004 et ont démantelé un laboratoire clandestin en juin 2008. La France reste aussi un pays de passage pour les faux médicaments. En 2013, un réseau de laboratoires clandestins fabriquant un "médicament miracle" contre le cancer a été démantelé en France. A Dieppe, les douanes ont saisi 450 000 faux médicaments psychotropes. Par ailleurs, les risques ont été multipliés depuis 2013 et l'autorisation de la vente de médicaments sans ordonnance sur Internet.

Inducteurs d’érection, les préférés des faussaires

Inducteurs d’érection, les préférés des faussaires© Istock

La contrefaçon ne fait pas dans le détail. Elle touche tous les médicaments, ceux de marque comme les génériques. Elle s’attaque même aux dispositifs médicaux, tels les bandelettes de test glycémique, les lentilles de contact ou les préservatifs. Mais les cibles privilégiées des contrefacteurs restent les traitements des troubles érectiles. Les faux Viagra® (sildénafil), faux Cialis® (tadalafil) et faux Levitra® (vardénafil) constituent la majorité des médicaments falsifiés. S’ajoutent à ce trio les hormones, les anorexigènes, les anxiolytiques mais aussi le paracétamol. Sans oublier les traitements contre la tuberculose et le paludisme dans les pays en développement.

Méfiez-vous d’Internet !

Méfiez-vous d’Internet !© Istock

Chaque jour, des sites de vente sur Internet inondent nos boîtes mail de publicités pour des médicaments. Mais la vigilance s’impose. Selon l'OMS, un médicament sur deux est un faux sur les sites illégaux. Or 95 % des pharmacies en ligne seraient illicites ! Le Web se révèle le principal marché des faux médicaments. Les sites vendeurs, basés pour la plupart à l’étranger, ne sont pas soumis à la réglementation française. Agissant souvent en marge du circuit pharmaceutique officiel, ils ne subissent alors aucun contrôle de qualité. Les traitements, même les moins anodins, s’y vendent généralement sans ordonnance. Mais aussi sans conseil, sans suivi médical, sans certitude sur l’origine ni l’authenticité du produit. Depuis le 1er juillet 2015, les sites de vente en ligne de médicaments doivent afficher, sur chaque page du site, un logo commun à tous les Etats membres de l'Union européenne.

Comment reconnaître un médicament contrefait ?

Comment reconnaître un médicament contrefait ?© Istock

Dur, dur de démêler le vrai du faux en matière de contrefaçon médicale. A l’œil nu, même les spécialistes s’y perdent. Pour le consommateur, cela relève de la mission impossible. Mais certains signes peuvent alerter : - un emballage différent du conditionnement habituel - une couleur ou une forme nouvelles du médicament - un changement de texture ou de goût - et, bien sûr, un effet secondaire inhabituel. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à en parler à son pharmacien.

Marges énormes, risque minime

Marges énormes, risque minime© Istock

Bénéfices substantiels, législation peu dissuasive, mise en vente facile sur Internet : le marché du médicament attire les contrefacteurs. Ce marché, d'une valeur estimée à 200 milliards de dollars à l'échelle mondiale, rapporte vingt fois plus que l'héroïne... Et s'il a le vent en poupe, c'est qu’une forte demande existe. Il est parfois gênant de demander un traitement contre les troubles érectiles à son médecin. Surtout lorsqu’il est cher... De plus, l’accès à une bonne couverture sociale reste difficile dans de nombreux pays. D’où la tentation de se tourner vers un circuit parallèle, au moment même où les avancées technologiques permettent de créer des faux plus vrais que nature. Il devient notamment facile d’imiter les emballages à la perfection. Hélas, les lois ne suivent pas ces évolutions. L’OMS et les autorités sanitaires dénoncent ainsi des sanctions insuffisantes de la part d’Etats "qui ne mesurent pas la gravité du problème".

Quelles mesures contre la contrefaçon ?

Quelles mesures contre la contrefaçon ?© getty

Le combat s’organise contre les médicaments contrefaits. Depuis 2006, l’OMS travaille main dans la main avec les Etats mais aussi avec diverses organisations et autorités sanitaires sur un projet d’envergure. Son nom : Impact, le groupe spécial international de lutte contre la contrefaçon des produits médicaux. Cette unité planche notamment sur les législations et technologies à mettre en place au niveau mondial. Parmi les innovations explorées pour suivre à la trace les médicaments, différents types de marquages visibles et invisibles. Peut-être bientôt sur nos emballages : des puces électroniques, des hologrammes ou encore des codes barres. En juin 2011, l'Union européenne a adopté la directive 2011/62/UE relative à la prévention de l'introduction dans la chaine d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés. Ce texte majeur introduit des mesures de sécurité pour la dispensation de médicaments à l'échelle européenne. Depuis son adoption, la vente en ligne de médicaments est soumise à un encadrement minimal et un système de traçabilité des médicaments à la boîte a été mis en place afin de détecter les médicaments falsifiés. Le règlement relatif à la traçabilité de ces médicaments sera applicable en France en février 2019.

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