Analgésique que nous avons tous dans nos placards, le paracétamol fait aussi partie des traitements les plus répandus pour lutter contre les symptômes du Covid-19, tels que la fièvre ou les maux de tête. Mais, comme tout médicament, il n’est pas anodin.
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Paracétamol : la constipation comme effet secondaireUne récente étude, publiée le 30 juillet dans la revue Oxford Academic, vient justement de mettre en lumière un de ses dangers - jusque-là méconnu : la hausse des comportements à risque.
Le paracétamol peut altérer votre jugement
Des chercheurs de l'Université d'État de l'Ohio affirment que plus de 600 analgésiques courants, dont le paracétamol est un des ingrédients principaux, ont tendance à vous libérer de toute anxiété et à vous alimenter d’un faux sentiment de bravoure… Si cet effet peut vous sembler positif, à première vue, en réalité cela ne fait qu’altérer votre jugement.
Au quotidien, vous aurez alors tendance à moins bien évaluer les risques avant une prise de décision. Dans certaines circonstances, comme la conduite automobile, cela peut avoir des conséquences désastreuses.
La hausse de la consommation de paracétamol pourrait impacter la société
"L'acétaminophène (autre nom du paracétamol, ndlr) semble réduire les émotions négatives des individus, lorsqu’ils évaluent des activités à risque - ils ne se sentent tout simplement plus aussi effrayés”, explique Baldwin Way, professeur agrégé de psychologie à l'Ohio State University et co-auteur de l’étude, dans un communiqué publié le 8 septembre.
“Alors que près de 25 % de la population américaine consomme de l'acétaminophène chaque semaine, une perception du risque réduite et une prise de risque accrue pourraient avoir des effets importants sur la société”, s’inquiète le scientifique. En effet, le paracétamol fait partie des médicaments recommandés pour combattre les effets du Covid-19, cette molécule est donc particulièrement utilisée depuis le début de la pandémie.
Sauter en parachute semble moins risqué sous l’effet du paracétamol
Cette nouvelle étude s’appuie sur des travaux antérieurs, et notamment trois études menées en double-aveugle sur 545 étudiants en bonne santé, et contrôlées par placebo.
Dans la première expérience, une partie des participants a pris 1 000 mg de paracétamol, soit la dose recommandée pour traiter les maux de tête, tandis que les autres ont avalé une pilule placebo. Au bout du temps nécessaire pour que le médicament fasse effet, les sujets ont dû évaluer sur une échelle de un à sept le degré de risque qu’ils percevaient, dans différentes situations.
“Les résultats ont montré que les personnes sous l'influence de l'acétaminophène jugeaient certaines activités, telles que sauter à l'élastique, rentrer seul dans un quartier dangereux en pleine nuit, entamer une nouvelle carrière passée la trentaine ou encore prendre une leçon de parachutisme, moins risquées que les participants ayant pris le placebo”, détaillent les chercheurs.
L'acétaminophène réduit la peur et la perception du danger
Pour les deux autres expériences, la consigne a été donnée aux participants de gonfler un ballon virtuel sur un ordinateur, en cliquant de manière répétée sur sa souris. Plus ils le gonflaient, plus ils gagnaient de l’argent, et ils pouvaient s’arrêter et le récupérer à tout moment, avant que le ballon n’éclate.
Or, les participants ayant pris du paracétamol ont davantage gonflé leurs ballons que le groupe placebo… et ont donc enregistré plus d’explosions. “Nous pensons qu’ils ont ressenti moins d’anxiété et d’émotions négatives à l’idée que leur ballon devienne trop gros et risque d’éclater”, écrit le professeur Way.
Le paracétamol pourrait motiver des décisions dangereuses
D’après les auteurs de l’étude, ce type de comportement observé lors de l’expérience du ballon se reflète aussi à l’extérieur du laboratoire, comme ont pu le montrer d’autres recherches. Cela inclut “la consommation d’alcool et de drogues, la conduite sans ceinture de sécurité et le vol”.
Autre point problématique soulevé par les scientifiques : de nombreux patients hospitalisés doivent prendre des décisions majeures et loin d’être exemptes de risques sur leur santé - pratiquer ou non une chirurgie invasive, par exemple - alors qu’ils ont de l’acétaminophène dans l’organisme.
Idem en cas de contamination au Covid-19. “Peut-être qu'une personne présentant des symptômes légers peut considérer que quitter son domicile et retrouver des proches n’est pas risqué, si elle a pris du paracétamol”, souligne le Pr Way. Une décision qu’elle n’aurait pas forcément prise sans ce traitement.
Les chercheurs invitent à la prudence
Mais comment cela peut-il s’expliquer ? Tout simplement par le mode de fonctionnement même du paracétamol. Celui-ci ne réduit pas l’inflammation, comme peut le faire l’ibuprofène, mais empêche le cerveau de libérer des substances chimiques à l’origine de la douleur. Les chercheurs pensent qu’il pourrait y avoir une sorte de chevauchement dans les voies cérébrales, à l’origine de la modification du comportement qu’ils ont observée.
“Ainsi, il est impératif que nous comprenions les effets de l’acétaminophène sur les choix que nous effectuons et les risques que nous prenons”, car cette molécule peut influencer nos jugements et nos décisions à notre insu, concluent les scientifiques.
Effects of acetaminophen on risk taking, Oxford Academic, 30 juillet 2020.
Common painkiller connected to risky decisions? Study finds surprising connection, Miami Herald, 9 septembre 2020.