Shigellose : une maladie infectieuse qui inquiète l’Institut Pasteur

"La shigellose tue environ 200 000 personnes dans le monde par an, dont 65 000 enfants de moins de 5 ans", estime l’Institut Pasteur. Il s’agit d’une maladie diarrhéique très contagieuse, une dizaine de germes suffit à une contamination, dont la transmission est oro-fécale (la personne s’infecte notamment en mangeant de la nourriture souillée par des matières fécales). La bactérie colonise alors les cellules de la paroi intestinale et de la muqueuse du colon afin d'en détruire les tissus et causer une forte inflammation.

La shigellose peut entraîner de la fièvre, des douleurs abdominales et des vomissements. Celle-ci peut notamment provoquer un choc septique, une insuffisance rénale et une occlusion intestinale.

Par ailleurs la bactérie peut également conduire à une diarrhée de courte durée (3-4 jours). Toutefois, un traitement peut parfois être nécessaire. En effet, dans les cas modérés à sévères, l’infection peut conduire à une diarrhée sanglante, ainsi que d'autres complications. Dans ces cas de figure, on utilise des antibiotiques.

Or, selon une récente étude, la bactérie Shigella Sonnei, la plus courante dans les pays développés (dont la France), serait résistante aux antibiotiques. Cela inquiète l’Institut Pasteur, qui surveille ces bactéries depuis un moment. Les résultats de l'étude ont été publiés le 26 janvier dans la revue Nature and Communications.

Bactérie shigella : une forte résistance aux antibiotiques

Pour cette étude, les scientifiques de l’Institut Pasteur ont analysé plus de 7 000 souches de Shigella Sonnei. Ils se sont également appuyés sur les informations épidémiologiques recueillies dans le cadre de la surveillance de la bactérie entre 2005 et 2021.

Ils ont ainsi découvert une résistance aux antibiotiques de la bactérie la plus répandue : "Les chercheurs du Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella à l’Institut Pasteur qui surveillent cette bactérie sur le plan national depuis de nombreuses années, ont ainsi détecté l’apparition de souches de Shigella sonnei hautement résistantes aux antibiotiques", explique l'Institut Pasteur dans son communiqué.

Les souches considérées comme ultra-résistantes (souches XDR pour extensively drug-resistant) ont été identifiées pour la première fois dans des échantillons de Shigella sonnei datant de 2015. "Les scientifiques ont constaté que la proportion de ces souches XDR, résistantes à quasiment tous les antibiotiques recommandés pour le traitement de la shigellose, a augmenté de façon importante jusqu'à atteindre un pic en 2021 : 22,3 % de toutes les souches de Shigella sonnei étaient hautement résistantes cette année-là (correspondant à 99 cas)", détaillent les scientifiques.

Antibiotique : les dangers de l'antibiorésistance

Concidérée comme l'une des dix plus grandes menaces pour la santé mondiale par l'OMS, l'antibiorésistance est à l’origine de 12 500 décès chaque année en France, et tue plus que la grippe, la tuberculose et le sida réunis.

En détruisant les bactéries pathogènes, ou en bloquant leur multiplication, les antibiotiques ont permis de sauver des millions de vies depuis leur création. Mais peu à peu, ces mêmes bactéries se sont adaptées en apprenant à combattre les médicaments. Une résistance qui s’inscrit ensuite dans leurs gènes, et peut se transmettre à d’autres bactéries.

Or, il s'avère que cette antibiorésistance est une véritable bombe à retardement, qui pourrait tuer 10 millions de personnes en 2050 si rien n’est fait pour l’enrayer, selon l’ONU. Autrement dit, elle risque de devenir plus mortelle que le cancer.

Shigellose : deux traitements par intraveineuse restent efficaces

Une analyse de séquençage des souches XDR a permis aux scientifiques de découvrir qu’elles appartenaient toutes à "une même lignée évolutive devenue résistante à un antibiotique clé (la ciprofloxacine) vers 2007 en Asie du sud". Ces souches se sont ensuite répandues dans plusieurs régions du monde, dont la France.

Actuellement, selon les chercheurs, 2 antibiotiques restent efficaces : les carbapénèmes ou la colistine. Il s’agit de 2 traitements utilisés lors de cas sévères et devant être administrés par voie intraveineuse, "ce qui rend le traitement plus agressif avec un suivi plus complexe en milieu hospitalier", détaille l’Institut Pasteur.

“Des études restent nécessaires pour mieux connaître les différentes formes cliniques de cette infection et s’il existe en particulier des formes asymptomatiques permettant une plus grande dissémination de la bactérie. Des essais thérapeutiques sont également indispensables pour identifier des antibiotiques efficaces par voie orale pour traiter ces souches de Shigella hautement résistantes", concluent les experts de l’Institut Pasteur.