
D’apparence anodine, ce petit comprimé est souvent la seule solution dont disposent les personnes pour passer une nuit sans trop d’agitation. Selon les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), plus de 4 Français sur 10 déclarent prendre un traitement pour lutter contre l’anxiété et l’insomnie. Leur nom : les benzodiazépines. Ce qui fait de la France le 2ᵉ pays d’Europe le plus consommateur, avec 9 millions de personnes concernées. "Je prends un comprimé d’Imovane tous les soirs depuis deux ans et sans lui je ne peux pas dormir", confie Mme Brunet, retraitée de 82 ans.
A lire aussi :
Insomnie : 5 fleurs de Bach qui aident à mieux dormirEt c’est bien la durée du traitement qui inquiète aujourd’hui l’ANSM. Alors que se tient ce jeudi 9 avril 2025 le lancement de sa campagne de prévention "Les médicaments et moi – Focus benzodiazépines", l’agence sanitaire tire la sonnette d’alarme sur les risques d’une consommation prolongée. Ce qui concerne environ 40 % des patients traités par ces psychotropes.
"Les benzodiazépines constituent une aide temporaire pour atténuer les symptômes et non un traitement de la cause"
Commercialisées depuis les années 1960, les benzodiazépines sont des molécules qui agissent sur le système nerveux central. Elles ont deux indications : les troubles du sommeil et l’anxiété. Xanax, Lexomil, Temesta, Imovane, Stilnox : tous présentent des risques s’ils ne sont pas pris dans le respect des conditions d’utilisation. "La durée de consommation ne doit pas dépasser 12 semaines dans le cas d’une anxiété et 3 semaines dans le cas d’une insomnie sévère", alerte la Pr Catherine Paugam-Burtz, directrice générale de l’ANSM, lors d’une conférence de presse. "Ils constituent une aide temporaire pour atténuer les symptômes et non un traitement de la cause", ajoute-t-elle.
Risque de chute et de dépendance
Ce petit comprimé présente en réalité des risques graves en cas de mésusage : dépendance, troubles de la mémoire, chutes chez le sujet âgé, accoutumance... Plus la durée du traitement est longue, plus le risque d’effets indésirables est important. "Les benzodiazépines sont également responsables d’accidents de la route et d’accidents de chantier qui ne sont pas négligeables", insiste le Dr Philippe Vella, directeur médical à l’ANSM.
Interactions médicamenteuses importantes chez les plus de 65 ans
Les personnes de plus de 65 ans sont les plus exposées. C’est également la tranche d’âge qui consomme le plus de médicaments au quotidien. "Si une personne qui prend un antihypertenseur présente un soir une tension artérielle basse et qu’elle prend aussi une benzodiazépine, le risque d’hypotension plus sévère et de chute est multiplié", explique la Pr Catherine Paugam-Burtz.
C’est pour diminuer ces risques que l’agence lance sa campagne annuelle spéciale benzodiazépines. "Nous sommes engagés depuis de nombreuses années pour améliorer l’utilisation, la prescription et la dispensation des médicaments. Aujourd’hui, nous déployons une campagne d’information et de sensibilisation pour favoriser le bon usage des benzodiazépines dans le traitement de l’anxiété et de l’insomnie", souligne Élodie Massé, directrice de la communication de l’ANSM.
Les actions mises en place pour limiter les risques
L’objectif de cette campagne est de sensibiliser les personnes aux alternatives non médicamenteuses. Durant 5 semaines, des affiches seront disponibles dans les salles d’attente de cabinets médicaux avec des conseils pratiques :
- Adopter une routine de sommeil, se coucher et se lever à la même heure chaque jour ;
- Diminuer son exposition au bruit, à la lumière et aux écrans, en particulier dans les deux heures avant de se coucher ;
- Limiter la quantité d’excitants (café, alcool, tabac...) et éviter les repas trop copieux le soir ;
- Éviter les siestes trop longues (moins d'1 heure) ou trop tardives (après 16 heures) ;
- Pratiquer une activité physique dans la journée, plusieurs heures avant le coucher ;
- Pratiquer une activité relaxante (yoga, jardinage, cuisine, lecture...) ;
- S’assurer que la température de sa chambre ne dépasse pas 19 °C.
Bien qu’utiles, ces conseils peuvent ne pas être efficaces pour les personnes qui utilisent ces traitements depuis des années. Et l’ANSM le rappelle : il ne faut pas arrêter subitement son traitement. "Un accompagnement sur la durée avec le médecin traitant est nécessaire pour une diminution progressive du dosage", précise la Pr Catherine Paugam-Burtz. Des alternatives avec de la mélatonine sont aussi possibles, avec accord médical, pour aider les 15 % de la population qui peinent à tomber dans les bras de Morphée.