Peut-on éviter certains cancers ?Adobe Stock

Qu'est-ce qui a motivé l'initiative de cette nouvelle étude ?

Claire Marant-Micallef : Il s'agit de travaux qui ont été demandés par l'Institut National du Cancer (INCA). Tous les ans Santé publique France publie un baromètre sur la perception que les Français ont sur les risques liés au cancer. On s'est rendu compte que la population hiérarchise mal les facteurs de risques influant. Beaucoup pensent, par exemple, à tort, que la pollution est plus dangereuse que le tabac. Il y avait donc une volonté d'informer les gens pour leur permettre d'agir en conséquence. Ensuite, il y avait également un besoin de mise à jour. La dernière étude sur le sujet datait de 2000 et entre temps de nouveaux facteurs cancérigènes comme l'alimentation et la pollution, sont entrés en jeu il fallait donc en évaluer les risques.

Est-ce que la part de cancers attribuables à des facteurs de risque modifiables a beaucoup évolué au cours de ces 20 dernières années ?

Claire Marant-Micallef : Pour l'ensemble des cancers, c'est difficile d'avoir la réponse, puisque les données entre l'étude de l'an 2000 et celle d'aujourd'hui sont différentes cela ne permet donc pas un comparatif. On sait, que l'incidence du tabac et l'alcool en tant que facteurs de développement cancérigène a augmenté chez les femmes. C'est probablement dû au phénomène de hausse du tabagisme dans les années 40 et 60 qui se reflète aujourd'hui sur les bilans de santé des sujets.

Pouvez-vous expliquer comment vous avez fait pour obtenir la part de cancers attribuables à des facteurs de risque environnementaux ?

Claire Marant-Micallef : Nous nous sommes servis de ce qu'on appelle "la formule de Levin". C'est un processus qui n'implique pas beaucoup de paramètres. Il y en a deux qui sont particulièrement important : d'une part on calcule la proportion de personnes exposées à chacun des facteurs de risque dans la population (la proportion de fumeurs, par exemple). On compare ensuite ces données à ce qu'on appelle "le risque réactif". Il s'agit de l'augmentation du risque chez les personnes exposées à un facteur de risque par rapport à celles qui ne sont pas exposées. Une personne qui fume a par exemple 20 fois plus de risque de développer un cancer du poumon qu'une personne qui ne fume pas.

"Le cancer de l'utérus, du poumon et le mélanome pourraient être évités"

4 cancers sur 10 pourraient être évités en réduisant l'exposition aux facteurs de risque selon les résultats de l'étude. Quels cancers en particuliers sont concernés ?

Claire Marant-Micallef : Pour le cancer de l'utérus, par exemple on sait que 100% des cas sont liés au papillomavirus, un risque qu'on a les moyens d'éviter grâce au dépistage précoce comme les frottis et aussi grâce à la vaccination. 87% des cas de cancers du poumon sont attribuables au tabac et 84% des cas de mélanomes de la peau sont dus aux UV. Si on arrivait à modifier cette exposition on éviterait une bonne partie des cancers.

Pourquoi ces cancers et pas les autres ?

Claire Marant-Micallef : Il y a encore pleins de choses qu'on ne sait pas. Aujourd'hui on a découvert que 4 cancers sur 10 pouvaient être évités en réduisant l'exposition à certains facteurs environnementaux, mais il y a pleins d'autres facteurs comme l'hérédité qui commencent à être identifiés, mais qui n'ont pas pu entrer dans l'étude étant donné le manque d'information et de certitude. Nous avons restreint notre étude aux facteurs dont le risque cancérogène était avéré.

Quels sont les principaux facteurs de risques responsables de développement de cancer identifiés au cours de vos travaux ?

Claire Marant-Micallef : Aujourd'hui c'est principalement le tabac et l'alcool (responsable de 8% des cancers). Ensuite on a l'alimentation déséquilibrée et l'obésité qui ont 5% de responsabilités dans le développement de cancers. Nous avons été assez surpris de voir que la mauvaise alimentation était arrivée dans le classement des facteurs de risques car on a plutôt une image de la France comme un pays qui mange sain et pourtant cela montre qu'il y a des choses à mettre en place. Il reste encore d'autres facteurs sur lesquels nous souhaiterions pouvoir faire les mêmes travaux étant donné l'inquiétude qu'ils suscitent de plus en plus : ce sont les substances chimiques auxquelles la population est exposée. Malheureusement nous nous sommes heurtés à un véritable manque de données. Il faudrait pouvoir faire une étude épidémiologique mais le cancer est une maladie qui met du temps à se développer et pour identifier les risques relatifs il va falloir beaucoup de temps et d'argent.

"Il n'est jamais trop tard pour réduire sa consommation d'alcool ou de tabac"

Pour les personnes qui ont déjà été exposées à l'un de ces facteurs de risque depuis longtemps comme le tabac ou l'alcool peut-on espérer une baisse du risque en limitant dès maintenant l'exposition ?

Claire Marant-Micallef : Oui bien sûr les résultats de notre étude l'ont montré et les précédentes aussi : il n'est jamais trop tard pour réduire sa consommation d'alcool ou de tabac. Il y a beaucoup moins de risque de développer un cancer chez les anciens fumeurs que les fumeurs actuels.

Comment peut-on réduire l'exposition à ces facteurs de risques liés au cancer ?

Claire Marant-Micallef : Pour ce qui concerne les principaux paramètres influençables comme le tabac, l'alcool, le surpoids et l'alimentation, il faut suivre les recommandations de l'OMS. L'organisation préconise de limiter au maximum sa consommation de tabac, boire le moins possible d'alcool, manger équilibré et avoir un minimum de 30 minutes d'activité physique par jour. En respectant ces conseils on pourrait réduire le nombre de cancer de 18%, c'est presqu'autant que la part de responsabilité du tabac à lui tout seul. Pour le reste, on espère que les décideurs et membres du gouvernement se serviront de ces données pour mettre en place des campagnes de prévention et ou en rendant certains vaccins obligatoires comme cela a déjà été fait.

Sources

BEH n° 21 consacré aux "Cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France en 2015".

International Agency for Research on Cancer 

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