Perte d'autonomie, handicap : les demandes des patients 20 ans après l’application de la loi de 2005Image d'illustrationIstock
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Autour de cette date symbolique du 11 février 2025, de nombreuses tables rondes se sont tenues. L’une d’elles s’est réunie à l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), un symbole pour les 12 millions de Français concernés par le handicap et les 9 millions d’aidants qui avancent dans le flou depuis plus de 20 ans. Les associations attendent des résultats concrets. "C'est tout le problème de cette loi de 2005 qui, sur le papier, était une vraie victoire, une avancée. On est en 2025, il ne se passe rien, il n'y a aucun plan de sanctions. Nous, ce qu'on veut, c'est que les préfets se mettent à sanctionner en cas de non-respect de la loi. Parce que ça suffit de nous dire qu'il faut attendre", exprime sur France Info Cécile Cottebrune-Desbats, directrice de l'Association France Handicap en Ille-et-Vilaine.

"Je souhaite qu’on me reconnaisse pour mes compétences plutôt que pour mes incapacités"

Une société accessible est une société ouverte à tous. Cependant, aujourd’hui, certaines personnes se retrouvent encore extrêmement isolées. "La loi dit que 35 à 40 % des points d'arrêt de bus et de train doivent être accessibles. Pour certains, ils ne respectent pas la loi et il n'y a pas forcément de sanctions qui sont appliquées", précise Cécile Cottebrune-Desbats sur France Info. "La promesse de cette loi était de rendre tout accessible en 2015. Dix ans après son application, on en est encore très loin, ce qui génère beaucoup d'insatisfaction et de colère", détaille Arnaud de Broca, président du collectif Handicaps et délégué général de l'Union professionnelle du logement accompagné (Unafo).

Des transports en commun encore peu accessibles

Cette accessibilité doit être envisagée dans un cadre plus large que le simple transport, en incluant notamment l’accès à l’emploi ou à l’école pour tous. "Je souhaite qu’on me reconnaisse pour mes compétences plutôt que pour mes incapacités", témoigne Philippe Aubert, fondateur de l'association Rage d'exister, auteur au sein de cette même association et consultant en pratiques inclusives du handicap, lors de cette table ronde.

Et pourtant, des droits existent. Cependant, nombreux sont ceux qui ne les demandent pas ou ne vont pas au bout de la démarche. La raison : la complexité administrative. "Il faut simplifier les formulaires de demande de MDPH, parce qu’aujourd’hui il y a beaucoup trop d’erreurs de saisie, ce qui entraîne des droits non ouverts", alerte Brigitte Lantz, praticien hospitalier à l'Hôpital Necker, secrétaire générale de la Fondation du Rein, conseillère en handicap, République et Société, et présidente de Tous pour la République.

Les familles déplorent des écoles inadaptées

Du côté de l’école, un rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2024 met en avant l’augmentation des effectifs d’élèves en situation de handicap en milieu scolaire depuis 2006. Selon l'institution, ce chiffre a triplé. Cependant, les familles déplorent la complexité du parcours. "Mon fils, atteint de TDAH et de troubles spécifiques du langage oral, est censé être en deuxième année de CE2, mais la professeure lui fait un cours de CE1 depuis novembre, car il a un niveau CP en lecture. Elle ne veut pas faire de plan d’accompagnement personnalisé parce qu’il n’a pas de suivi, alors qu’il a un diagnostic. Cependant, elle se retrouve coincée, car la nouvelle loi interdit de tripler une classe", témoigne Hélène, 43 ans, maman de quatre enfants.

Alors que le nombre d'enfants en situation de handicap accueillis en classe augmente, les effectifs des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) n’ont pas suivi la même progression. "Il y a un manque de moyens et le nombre d’élèves en situation de handicap a triplé. On est à flux tendu. On est en souffrance. On ne peut pas faire notre travail correctement", alerte sur France Info Laurence Dugast, AESH en Lorraine.

"Il est essentiel de passer d’une politique publique pour les personnes en situation de handicap à une politique publique par et avec les personnes en situation de handicap", concluent les associations dans un communiqué.

Des outils concrets et disponibles aujourd’hui

Et ils sont nombreux à vouloir faire bouger les choses. L’entreprise Newav, créée en 2003, propose des véhicules électriques en leasing accessibles aux personnes à mobilité réduite. "Une telle voiture, plus inclusive, n’aidera pas seulement les personnes porteuses de handicap. C’est une voiture qui répondra aux besoins des taxis, des ambulances, des familles nombreuses, des amateurs de vélo. Cela rendra service au plus grand nombre", raconte Charlotte de Vilmorin, entrepreneure française, cofondatrice des entreprises Wheeliz et Newav.

Thibaut Duchemin, spécialiste en intelligence artificielle, a lancé Ava en 2017 avec un étudiant en informatique de l’Université de San Francisco, Skinner Cheng, lui-même sourd de naissance. Ava, c'est une application de reconnaissance vocale avec sous-titrage instantané, qui permet aux personnes malentendantes de suivre ce qui se dit dans leur vie quotidienne. "Plutôt que de parler aux politiques, on s'est dit qu'on le ferait nous-mêmes", livre-t-il.