"C’est lors d'une promenade dans les bois en avril 2015 que ma vie a changé". Ce jour-là, une tique s’est immiscée sur le flanc droit de Michèle Baudry lors d’une promenade dans les jolies vallées de la Creuse. "Elle est restée attachée à moi durant deux jours sans que je ne l'aperçoive", raconte la quadragénaire. Très vite les premiers symptômes de Lyme sont apparus. Sa nuque a commencé à se raidir s’accompagnant d’un érythème migrant onze jours après. Comme environ 14 % de la population mondiale, Michèle est rentrée dans un long tunnel semé d’embûches, dont celui du dépistage.
En France, le diagnostic se fait par une prise de sang. Elle permet de voir les anticorps contre la bactérie mais il faut attendre six semaines après l’apparition des premiers symptômes pour les apercevoir. "En vue de mon érythème migrant, mon médecin m’a mis un mois sous antibiotique", indique Michèle Baudry. Entre-temps, son état s’est dégradé.
"Une grosse fatigue s’est installée suivi d’un état grippal avec des raideurs de la nuque de plus en plus insupportables. J'ai perdu cinq kg en une semaine. J'ai développé des vertiges, de la tachycardie. Mon médecin ne comprenait pas pourquoi mon état s’aggravait autant alors qu’il avait suivi le protocole d’antibiothérapie", livre Michèle. Sans aucun suspens, sa sérologie est positive. Cependant le combat est loin d’être terminé.
"Ils m'ont dit que mes symptômes ne correspondaient à rien en médecine et que ça relevait de la psychiatrie"
Pour Jeanne Salvi, la symptomatologie est bien différente. "J'ai été mordu par une tique à l'âge de cinq ans lors de vacances à la montagne. À la fin de la journée, ma mère à trouver l’acarien dans ma nuque, et l’a retiré sans trop s’inquiéter", explique la jeune femme. Quelques semaines après cet événement, Jeanne Salvi déclare une pneumonie sans qu’aucun lien ne soit fait. Très vite d’autres symptômes se déclenchent. "Mes articulations me faisaient mal, les médecins me disaient que c'était la croissance", se désole la jeune femme.
C’est à ses 17 ans que tout s’accélère. Les douleurs musculaires et articulaires s'accentuent. Jeanne étant très sportive, les médecins pensent alors à un syndrome des loges : une augmentation de la pression intramusculaire qui provoque des lésions des nerfs avoisinant, se caractérisant par de fortes douleurs. Lorsque ce risque est écarté, les médecins s'orientent alors vers un tout autre trouble. "Ils m'ont dit que mes symptômes ne correspondaient à rien en médecine et que ça relevait de la psychiatrie. J’ai dû avaler un cocktail de traitement neuroleptique qui m'a rendu encore plus mal".
Le diagnostic étranger
Ne trouvant aucune réponse en France, Jeanne décide alors de se débrouiller par elle-même. Très entourée par ses parents, elle fait de nombreuses recherches. "Un acupuncteur m’a orienté vers un médecin généraliste qui avait la maladie de Lyme. J’ai alors fait une prise de sang en France qui était négative et une en Suisse qui est revenue positive", raconte Jeanne.
C’est en 2021 que son état de santé se dégrade. "J’ai perdu l’usage de mes jambes et de mon bras gauche". Sa vie se complique de jour en jour l'empêchant de lire et d’écrire. "Je suis parti dans un hôpital à Hambourg durant cinq semaines. J'ai reçu trois antibiotiques différents, des plantes, une thérapie à l'ozone et à la lumière".
La solitude face aux médecins français
Pour conjurer le sort, Michèle et Jeanne s'engouffrent seules dans un parcours thérapeutique non-conventionnel en France. Quand la première roule 150 km pour voir un médecin qui accepte de la traiter, la seconde s’aventure jusqu'à Lyon pour essayer de retrouver l’usage de son bras. "Il m’a mis sous perfusion d’antibiotique tous les soirs et grâce à lui je suis passé de 50 comprimés par jour à zéro", sourit Jeanne Salvi.
Aujourd’hui Michèle a réussi après un combat acharné à obtenir une reconnaissance ALD. Parce que oui, ses troubles de la mémoire, ses douleurs migrantes, ses maux de tête et ses troubles de la concentration que cette bactérie lui a induite l’empêche d’exercer une activité professionnelle. Quant à Jeanne, elle a retrouvé l’usage de son bras et a pu reprendre le chemin de la faculté et du sport. "J’ai tellement souffert de ne plus pouvoir marcher que de retrouver mes baskets de course est un vrai soulagement", confie Jeanne.
La douleur insoutenable
Cependant, d’autres n’atteignent jamais le stade de la guérison. C’est le cas d’Élodie Rousselle. Souffrant d’une paralysie cérébrale qui affecte ses muscles depuis son enfance, la vie de la jeune femme de 23 ans est synonyme de souffrance. Elle perd l’usage de ses jambes en 2010. "Je souffrais le martyre, j’avais l’impression que mes jambes se déformaient", raconte la jeune femme.
Durant de nombreuses années, Élodie a subi des interventions chirurgicales, des traitements lourds. Rien n’y faisait, son état empirait avec une douleur qui l'empêchait de s'asseoir. "Les médecins ont fini par me dire que mon cas relevait de la psychiatrie et que j’essayais d’attirer l’attention autour de moi", se désole-t-elle.
Élodie Rousselle a aussi trouvé les réponses à ses questions en Allemagne, où elle est diagnostiquée de la maladie de Lyme. Pour les médecins allemands, il est possible qu’elle soit porteuse de la bactérie "Borrelia burgdorferi sensu lato" depuis son enfance. Malheureusement son état ne fait que de se dégrader malgré les nombreux traitements à base d’antibiotique, d’ozone et de luminothérapie. Aujourd’hui la jeune femme vit alité. Chaque déplacement est un cauchemar. "Parfois je me demande si je vais survivre à la douleur", livre-t-elle.
Arrêter la chasse aux sorcières
Pour Michèle, Jeanne et Élodie, la reconnaissance de cette maladie est déplorable. "Les médecins en France m'ont volé ma vie. S' ils m'avaient écouté, je ne serais peut-être pas dans cet état", se désole Élodie Rousselle. "Il faut que les médecins français soient mieux formés en s'intéressant aux études étrangères", souligne Michèle Baudry.
Les trois femmes font aujourd’hui partie de l’association France Lyme. Elles espèrent une évolution législative qui permettrait de vraies avancées thérapeutiques et d'arrêter la chasse aux sorcières. "Les médecins français qui tentent des thérapeutiques étrangères se font stopper par l’ordre des médecins. C’est le cas de mon médecin à Lyon qui est poursuivi en justice", raconte Jeanne Salvi.
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