“Ai-je repensé ma vie professionnelle et personnelle pour m'adapter à la maladie ? C’est une question vraiment intéressante, je crois que je ne me la suis jamais posée. Je trouve qu'elle suppose d'avoir le contrôle sur ses choix de vie et d'être un peu résigné, de s'adapter à une maladie inflexible. Or, de mon côté, je lutte pour une forme d'émancipation de la maladie et des médicaments. Néanmoins, je n'ai pas l'impression de contrôler grand-chose”, confie Jérôme, 40 ans, atteint d’épilepsie.
Si, enfant, il lui est déjà arrivé de faire des crises mineures, ce n’est qu’à l’âge de 26 ans que la maladie s’est réellement déclarée. “Depuis, je suis sous traitement au quotidien.”
“J’étais dans un état un peu végétatif”
Les premières crises violentes conduisent Jérôme à l’hôpital, où il reste six mois. “Je faisais énormément de crises d'épilepsie généralisées et les médecins n’arrivaient pas à me stabiliser. J’étais vraiment shooté à cause des médicaments censés ralentir l'activité du cerveau. J’étais soit dans un état de crise, soit dans un état un peu végétatif”, se rappelle l’urbaniste.
À l’époque, sa relation de couple en pâtit, et sa campagne et lui finissent par se séparer. “Je pense que ça a changé fondamentalement notre relation, ça l’a déséquilibrée, parce que concrètement, pendant 6 mois, j'étais incapable de faire quoi que ce soit quoi.”
Chez lui, les crises d’épilepsie sont impressionnantes : “Il existe beaucoup de formes de crises. Certaines vont se manifester par des absences, elles sont assez légères ou discrètes. Moi, je tombe et je fais des crises généralisées, je tremble, on appelle ça des crises tonico-cloniques. C'est la forme la plus spectaculaire.” Ces crises l’épuisent et le font beaucoup souffrir physiquement. “Ça m'a laissé sur le carreau. J’en ai fait beaucoup et je me mordais la langue.”
Une épilepsie sans cause identifiée
Le plus dur à accepter pour Jérôme, encore aujourd’hui, est que son épilepsie est idiopathique : les spécialistes n’ont pas réussi à en isoler la cause. L'épilepsie - à différencier des crises d’épilepsie - peut en effet être due à une anomalie métabolique, à la prise d’un traitement ou à une intoxication.
“Il y a des épilepsies causées par des AVC ou par des traumatismes crâniens, par exemple, des choses neurologiques visibles. Moi non. Ça ne se voit pas quand on regarde mon cerveau”, déplore le quadragénaire. Jérôme ne connaît personne dans le même cas que lui, ce qui lui rend difficile de se confier sur son quotidien.
Il sait qu’il ne guérira pas dans l'immédiat de sa maladie. “L’épilepsie peut passer au bout de 10 ou 15 ans, ce n’est pas forcément à vie”, a appris Jérôme auprès des neurologues. Pour le moment cependant, la seule chose qu’il puisse faire est de limiter les crises grâce aux traitements qu’on lui a prescrits : la dépakine et le lamictal. Ce sont justement ces médicaments à prendre sur le long terme qui l’effraient, car ils ne sont pas sans effets secondaires. Chez Jérôme, cela se traduit par un ralentissement intellectuel et des problèmes gastriques.
“Les neurologues n’essaient pas de savoir comment on va”
Alors il essaie de réduire les doses. “En 2019, on m’a fait diminuer le lamictal, mais ça ne marchait pas. Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les crises pouvaient reprendre.” Trois ans plus tard, c’est sans avis médical que l’urbaniste décide de réduire progressivement la dépakine. Cette fois, ça fonctionne : les crises d’épilepsie ne reviennent pas.
Pourquoi n’a-t-il pas consulté de neurologue avant de prendre cette décision ? “J’en avais un peu marre. C'est toujours le même schéma. J'ai dû en consulter quatre ou cinq, et ils n'écoutent pas. Les consultations pour mon épilepsie durent 4 minutes. Pour eux, tout va bien si les médicaments sont pris et qu’il n’y a pas de crises, mais ils n’essaient pas de voir comment on va psychologiquement. Ils prescrivent, et puis voilà.”
Épilepsie : “Pour moi, c'est une nouvelle étape de l'assumer”
Aujourd’hui, témoigner lui fait du bien. Du moins, cela aide Jérôme à aborder la dimension sociale de l’épilepsie, qui reste un tabou. Car la maladie est comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, et il a peur, un jour, de faire une crise qui pourrait avoir des répercussions dramatiques. Comme au volant de sa voiture, ou avec son futur enfant. “Je vais être papa. Même si la maladie est stabilisée, j’ai peur de faire une crise avec le bébé dans les bras.”
Le quadragénaire reconnaît tout de même qu’il a appris, au fil des années, à mieux accepter l’épilepsie et à dépasser la stigmatisation qui l’entoure. “Au début, j'avais vraiment honte, c’est une maladie qui fait assez peur. J’ai longtemps essayé de la cacher. Mais aujourd’hui, pour moi, c'est une nouvelle étape de l'assumer. Il faut lutter contre les préjugés.”
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