En France, 7,6 millions de personnes prennent un traitement contre l’hypertension artérielle, soit un quart de la population des plus de trente-cinq ans. Et pour cause, cette pathologie représente le premier facteur de risque cardio-vasculaire. Véritable “tueuse silencieuse”, l’hypertension est directement liée à 13 % des décès annuels dans le monde, selon la Fédération Française de Cardiologie.
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Cancer du col de l’utérus : les facteurs de risqueFace aux risques qu’elle représente, les médecins ne plaisantent pas avec son traitement… Au risque de tomber dans l’excès inverse. En effet, la sur-prescription d’antihypertenseurs dans les hôpitaux pourrait, paradoxalement, augmenter le risque de problèmes cardiovasculaires, révèle une récente étude. L’effet “blouse blanche” serait largement en cause.
Un risque plus élevé de chutes, d’évanouissements et de lésions rénales
Des chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco ont étudié 4 056 patients atteints d’hypertension et âgés d’au moins 65 ans, hospitalisés pour des affections non-cardiaques. Leurs analyses ont montré qu’augmenter les doses d’antihypertenseurs des patients à leur sortie de l’hôpital peut accroître le risque de chutes, d’évanouissements et de lésions rénales aiguës.
Plus encore, il semble que cela n’améliore pas le contrôle de la pression artérielle après un an, mais augmente au contraire le risque de réadmission à l’hôpital pour un événement indésirable grave dans les trente jours. Ainsi, 21,4 % des patients ayant reçu des hypotenseurs supplémentaires ont dû retourner à l’hôpital dans le mois suivant, contre 17,7 % des patients n’en ayant pas pris.
L’effet “blouse blanche” incite les médecins à prescrire plus d’antihypertenseurs
Ce qu’on appelle l’effet “blouse blanche” pourrait expliquer ces résultats, publiés dans la revue JAMA Internal Medicine, le 19 août 2019. “La gestion de la pression artérielle se fait par un contrôle à long terme. Mais pendant une hospitalisation, la pression artérielle des patients peut être temporairement plus élevée, à cause de la maladie ou du stress”, explique le Dr. Timothy Anderson, auteur principal de l’étude.
“Nos résultats suggèrent que modifier les traitements durant cette période n’est pas bénéfique”, ajoute-t-il, dans la mesure où ces patients n’en auraient pas réellement besoin. L’expert recommande de reporter un éventuel ajustement des médicaments. Celui-ci devrait être effectué après leur guérison, si leur médecin traitant le juge nécessaire.
L’hypotension augmente le risque de lésions rénales, d’infarctus et d’AVC
En effet, la tension est fréquemment mesurée pendant une hospitalisation, et fluctue souvent. Des recherches antérieures ont montré qu’une pression artérielle élevée, à cause de la douleur, du stress ou de certains médicaments donnés à l’hôpital, pouvait conduire les soignants à intensifier le traitement antihypertenseur des patients, sans forcément connaître leurs antécédents.
Mais une tension trop basse - un effet que peut causer un excès de médicaments - présente aussi des risques. En cas d’hypotension, les membres et les organes peinent à être alimentés par un apport sanguin suffisant. Cela peut entraîner des lésions rénales permanentes, voire même des crises cardiaques ou des accidents vasculaires cérébraux.
“Lorsqu’on prescrit de nouveaux médicaments pour la pression artérielle aux patients, le but est de réduire à long terme leur risque d’infarctus, d’insuffisance cardiaque et d’AVC. Mais nos travaux suggèrent que lorsque les patients sont hospitalisés pour un autre problème, ce n’est pas le bon moment pour commencer ces traitements”, souligne le Dr. Michael Steinman, co-auteur de l’étude.
Le Dr. Anderson précise néanmoins que leurs résultats ne s’appliquent pas aux personnes admises à l’hôpital pour des problèmes cardiaques. Dans ce cas, des médicaments pour réguler la pression artérielle peuvent évidemment s’avérer bénéfiques.
Le problème du sur-traitement peut s’appliquer à d’autres maladies, comme le diabète
Le médecin ajoute également que, bien que leur étude ne porte que sur la pression artérielle, leurs conclusions peuvent aussi s’applique à d’autres pathologies. “Les traitements pour d’autres affections chroniques peuvent également être modifiés pendant une hospitalisation, avec des résultats incertains”.
Une récente étude de la Mayo Clinic (Etats-Unis) semble corroborer ses dires - ou au moins, la fréquence des sur-prescriptions et leurs effets délétères. Celle-ci démontre que plus de 2,3 millions de diabétiques américains seraient traités de façon trop intensive. Cela aurait entraîné des milliers de visites aux urgences et d’hospitalisations pour hypoglycémie qui auraient pu être évitées - respectivement 4 804 et 4 774 en deux ans.
“Alors que certains épisodes d'hypoglycémie sont inévitables, surtout s'ils sont causés par des facteurs de risque indépendant de notre volonté, tel que le besoin d'un traitement d'insuline, d'autres pourraient être évités, comme ceux provoqués par un sur-traitement”, souligne le Dr. Rozalina McCoy, endocrinologue et auteure principale de l’étude.
Clinical Outcomes After Intensifying Antihypertensive Medication Regimens Among Older Adults at Hospital Discharge, JAMA Internal Medicine, 19 août 2019.
Increasing Blood Pressure Medications at Hospital Discharge May Pose Serious Risk, University of California San Francisco, 19 août 2019.
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