Fin avril, des travaux menés par une équipe de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris et par le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, membre de l’Académie des Sciences, avaient révélé que la nicotine aurait d'éventuelles vertus préventives contre le virus. Mais depuis cette révélation, d'autres chercheurs se sont prononcés sur le sujet. Et leurs analyses confirment que peu de fumeurs semblent être hospitalisés pour une forme grave du Covid-19.
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Konstantinos Farsalinos, cardiologue et spécialiste de la réduction des méfaits du tabac en Grèce, a été l'un des premiers à observer ce phénomène. Soit, très peu de fumeurs dans les hôpitaux. Alors, la nicotine y serait-elle pour quelque chose ? D'après lui, peut-être. Le spécialiste s'interroge si cette substance pourrait empêcher les personnes de contracter le Covid-19 et/ou d'empêcher les symptômes de s'aggraver.
Avec son équipe, le cardiologue a regroupé ses observations dans la revue "Internal and Emergency Medicine". Les données sont partiellement disponibles en préimpression et seront bientôt publiées.
Au fur et à mesure de leurs recherches, ils ont constaté que parmi 13 études réalisées en Chine, avec près de 6 000 patients COVID-19 hospitalisés, le taux de fumeurs allait de 1,4 % à 12,6 %. Toutefois, aucune étude n'a enregistré l'utilisation de la cigarette électronique.
L'hypothèse du Dr Farsalinos réside en ce que la nicotine possède certains effets anti-inflammatoires.
Or, comme les symptômes les plus graves de COVID-19 semblent provenir d'une réaction excessive du système immunitaire de l'organisme (connue sous le nom de "tempête de cytokines", ndlr), la nicotine pourrait réduire l'intensité de cette réaction.
"Les résultats étaient remarquablement cohérents dans toutes les études et ils ont été récemment vérifiés dans la première série de cas de COVID-19 aux États-Unis", a déclaré l'équipe du cardiologue, appelant à une "enquête urgente".
Bien entendu, les effets "bénéfiques" du tabac sur le Covid-19 doivent être pris avec des pincettes. Le Dr Farsalinos ne recommande en auncun cas de commencer à fumer "pour tenter d'éviter un cas grave de Covid-19". Le tabagisme est toujours l'une des principales causes de décès à travers le monde.
"Nous savons tous que fumer est évidemment mauvais (...)", a déclaré à Vice Raymond Niaura, co-auteur des travaux effectués avec le cardiologue. Mais finalement, chose étonnante, les fumeurs ne sont pas "les plus mal lotis" dans cette épidémie, ajoute l'experte.
D'autres études sont en cours
Un autre document préimprimé, basé sur une étude à Paris, a trouvé des données similaires à celles observées en Chine. Parmi 350 personnes admises à l'hôpital, environ 4,4 % étaient des fumeurs réguliers. Ce qui reste peu.
Aux États-Unis, les données semblent également similaires, selon le CDC. Parmi 7 000 patients hospitalisés, environ 1,3 % étaient des fumeurs et 2,3 % étaient d'anciens fumeurs. Les chiffres indiquent également que dans le pays environ 14 % de la population fume.
Pourtant, les chercheurs ont souligné que la corrélation pourrait être due à d'autres choses. Peut-être que les fumeurs meurent avant d'aller à l'hôpital, ou peut-être que les fumeurs ne sont pas classés correctement dans les dossiers de l'hôpital.
En attendant d'en savoir plus, les scientifiques étudient toutes les hypothèses. Les agences de santé publique continuent d'encourager toute personne à arrêter de fumer pendant la pandémie, car le Covid-19 est une maladie respiratoire qui peut gravement affecter les poumons.
La FDA, par exemple, a publié mardi une mise à jour selon laquelle les fumeurs pourraient être plus vulnérables aux maladies respiratoires telles que COVID-19.
"Il n'y a jamais eu de meilleur moment pour arrêter de fumer", a ainsi déclaré l'administration américaine.
Nicotine et Covid-19 : des résultats contradictoires
Une fois atteints par le coronavirus, les fumeurs sont-ils désavantagés pour lutter contre la maladie ? D'après certains chercheurs, oui.
Une étude chinoise publiée le 9 février 2020 dans la revue medRxiv a ainsi révélé le lien, cette fois-ci risqué, entre la consommation de tabac et l'infection au coronavirus. Sur le panel de participants, 85 % n’avaient jamais fumé et entre 12 et 13 % avaient déjà fumé (avant de tomber malade, ndlr).
Or, "sur les formes les plus sévères de la maladie, ce chiffre monte à 17 % pour les fumeurs, toujours sur le panel", explique à LCI Sandrine Belouzard, chercheuse du CNRS au Centre d’infection et d’immunité de Lille.
De quoi laisser donc penser que le virus est plus violent chez les accros à la cigarette ? "Je ne sais pas si c’est vraiment significatif au niveau statistique. Mais cela signifie au minimum que les personnes qui ont fumé ont davantage de risques de développer une forme sévère" du coronavirus.
Alors, comment l’expliquer ? Selon la chercheuse, "le fait d’être fumeur peut être la source de bronchites chroniques ou de maladies respiratoires, qui sont ensuite des facteurs de comorbidité (association de deux maladies, ndlr) pour ce virus".
Le tabac abîmerait les poumons et les bronches des malades
Des propos confirmés par le comité national contre le tabagisme. Pour cet organisme, il est évident que le système immunitaire, l’arbre bronchique et les poumons des fumeurs/fumeuses sont profondément altérés, et cela vaut aussi pour les malades atteints du coronavirus. Aussi, si vous fumez :
- votre risque de contracter une maladie infectieuse respiratoire est plus élevé ;
- cette infection sera plus grave et plus longue que pour une personne qui ne fume pas ;
- à cause de votre toux liée au tabagisme, vous avez plus de risques de contaminer votre entourage.
Hypertension, maladies cardiovasculaires... Des maladies favorisées par le tabagisme
On sait que les personnes présentant certaines maladies sont considérées comme particulièrement vulnérables face au nouveau coronavirus et à la maladie COVID-19 : hypertension artérielle, diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies chroniques des voies respiratoires et cancers.
Or, beaucoup de ces maladies sont favorisées et/ou provoquées par le tabagisme. Afin de limiter ces risques, il est recommandé d'arrêter définitivement de fumer et d'éviter de commencer.
Un sondage publié par Sovape, qui porte sur 10000 Français, dont 5000 vapoteurs, montre d'ailleurs qu'il n'y a pas d'effet protecteur majeur de la nicotine.
Dans cet échantillon, les différences de contamination entre fumeurs, vapofumeurs, vapoteurs et non-consommateurs de produits nicotinés ne semblent pas significatives.
Fumer augmente vos risques d'infections virales
La plus grande prudence est donc de mise, car les données chinoises et américaines sont préliminaires et les éléments d’explications sont parfois contradictoires.
En outre, fumer augmente la fréquence de contacts entre les mains et la bouche. Les risques d’infections virales sont donc augmentés. Ne partagez pas vos cigarettes et paquets de cigarettes. Si vous vapotez, ne partagez pas votre dispositif ou votre e-liquide.
Why Are Smokers Being Hospitalized Less Often From Coronavirus ?, Vice, April 28 2020.
Smokers Hospitalized Less Often for COVID-19, WebMD, April 29, 2020.
Coronavirus : une fois touchés par la maladie, les fumeurs sont-ils plus sévèrement affectés ?, LCI, 19 février 2020.
Clinical characteristics of 2019 novel coronavirus infection in China, medRxiv, 9 february 2020.
Le tabagisme aggrave les risques liés au coronavirus, CNCT.
Coronavirus, tabagisme et nicotine, Stop Tabac.
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