En 2023, 61 214 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués au sein du territoire français. Il s’agit du cancer le plus courant chez les femmes. Il est recommandé aux femmes, afin de pouvoir diagnostiquer le plus tôt possible d’éventuelles tumeurs, de participer aux campagnes de dépistage organisées en France. La mammographie de dépistage est une invitation adressée aux femmes saines, âgées entre 50 et 74 ans, tous les deux ans, qui ne se plaignent d’aucun symptôme. L’objectif étant de pouvoir détecter le plus tôt possible des tumeurs cancéreuses. Mais les femmes peuvent également avoir recours à une mammographie de diagnostic qui est, quant à elle, réalisée à des patientes qui ont des symptômes, qui ont senti quelque chose d’anormal. Les examens permettent de déterminer s’il s’agit d’un cancer ou non.
Dépistage du cancer du sein : quelle utilité pour les femmes ?
Les avis des professionnels de santé divergent en ce qui concerne la pertinence des campagnes de dépistage du cancer du sein en France.
Le Pr Claude Linassier est formel, cela est utile pour les femmes et pour plusieurs raisons : « La mammographie est un examen simple, qui occasionne peu d’inconvénients. La dose de rayonnement délivrée est faible (le quart de celle résultant d’un scanner). Elle permet de diagnostiquer précocement les cancers, dont la prise en charge nécessitera des traitements moins lourds. Le risque de séquelles s’en verra diminué et surtout, les chances de guérison seront optimales. Si on diagnostique un cancer du sein à un stade localisé, 99 % des femmes seront encore en vie 5 ans après, elles ne sont plus que 26 % lorsque le cancer est diagnostiqué à un stade métastatique. »
Pour la Dre Cécile Bour, le dépistage organisé présente plusieurs inconvénients et expose les femmes à un risque de surdiagnostic. L’examen de la mammographie étant encore peu efficace pour détecter les cancers du sein agressifs. « Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, le diagnostic ne permet pas de distinguer les cancers qui vont évoluer – qui sont majoritaires – de ceux qui évolueront peu ou qui n’auront pas de conséquences pour la femme concernée (10 à 20 % des cancers détectés). Pour ces cancers, qui n’auraient pas été découverts en l’absence de mammographie, on parle de ”surdiagnostic”. »
Dépistage du cancer du sein : la mammographie est-elle un examen efficace ?
Le Pr Linassier concède que si le dépistage du cancer du sein est « très efficace », il n’est pas « infaillible ». Les axes d’amélioration en cours visent à augmenter la sensibilité et la spécificité de la technique, notamment pour dépister le plus tôt possible les cancers du sein agressifs. Il affirme qu’on peut toujours trouver des rares exemples ayant échappé à une stratégie globale de dépistage par mammographie, mais le but est d’améliorer la santé de la majorité de la population, et c’est le cas. « L’optimisation des performances des techniques du dépistage fait l’objet de nombreux travaux. Parmi ces améliorations, la tomosynthèse a vu son efficacité validée par la Haute autorité de santé (HAS) et fait partie des techniques à venir. De nombreuses études ont prouvé scientifiquement le bénéfice apporté par les campagnes de dépistage et ont justifié leur validation par les organisations internationales comme l’OMS. »
Surdiagnostic : quelles sont les conséquences pour les femmes ?
D’après les études internationales, le surdiagnostic du cancer du sein concernerait 10 à 20 % des cas. Le Pr Linassier nous explique que ce que l’on désigne sous la terminologie de « surdiagnostic » est la détection de cancers qui n’auraient pas évolué si on ne les avait pas diagnostiqués par la mammographie. « Or, on ne peut pas distinguer, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, la part des cancers qui vont évoluer (la grande majorité), de ceux qui n’aurait pas ou peu évolué en l’absence de traitement, estimés entre 10 % et 20 % des cancers détectés. Pour ces cancers, qui n’auraient pas été découverts en l’absence de mammographie (on parle de « surdiagnostic »), il est souvent proposé, par précaution, de traiter l’ensemble des cancers détectés, on parle alors de « surtraitement », détaille le spécialiste. Les chercheurs travaillent actuellement à mieux identifier les cancers susceptibles d’être peu évolutifs pour proposer des traitements adaptés.
Le professeur ajoute qu’il n’existe pas de « faux cancers » et que les traitements ne sont enclenchés qu’après étude complète du cas de la patiente : « Dans la pratique, la seule situation qui puisse être qualifiée de surdiagnostic est lorsque vous interprétez une image comme étant la traduction d’un cancer alors que ce n’est pas le cas. En pratique, on ne fait jamais un traitement de cancer à la seule vue d’une image. On fait d’abord une biopsie et si elle est négative, on s’arrête là. S’il s’agit d’un cancer, on le traite. Vaut-il mieux détecter un cancer tôt, de petite taille, et que son traitement soit définitif ou prendre le risque de ne pas le détecter, le laisser évoluer, avant de le prendre en charge tardivement lorsqu’il est compliqué de métastases, entraînant des mois voire des années de traitements ? »
La docteure Cécile Bour est convaincue que le surdiagnostic pose problème puisqu’il entraîne un surtraitement, ce qui est délétère pour la santé des femmes : « On sait, par exemple, qu’il y a 32 % de radiothérapie en plus et 35 % pour les mastectomies, en raison du surdiagnostic. Dans l’année qui suit le diagnostic d’un cancer, une réaction anxiodépressive et un traitement par psychotrope sont au moins 10 fois plus fréquents qu’en population générale. »
En réponse à cela, le professeur Linassier déclare : « On ne peut pas se dire qu’enlever une tumeur qui n’évoluera pas localement, c’est moins bien que d’attendre que la personne fasse des métastases. En 2023, il y a eu 61 214 nouveaux cas de cancers du sein et 12 000 femmes en sont décédés. Je rappelle que c’est la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. Un certain nombre de cancers « in situ » ne nécessitent pas d’autres traitement que la chirurgie. Quand il s’agit de cancers invasifs, la radiothérapie en complément de la chirurgie permet de ne pas enlever le sein : c’est un traitement conservateur qui permet de conserver un sein normal. »
Cancer du sein : quel avenir pour le dépistage ?
D’après une récente étude publiée dans la revue BMJ, les cas de cancers du sein chez les personnes de moins de 50 ans sont en augmentation constante. L’âge pour participer aux campagnes de dépistage est abaissé à 45 voire à 40 ans dans certains pays. « Cela fait l’objet d’une grande discussion internationale », explique le professeur Linassier. « Globalement, l’incidence des cancers augmente, en premier lieu à cause du vieillissement de la population (rappelons que le cancer est une maladie qui augmente avec l’âge), de facteurs de risque familiaux mais aussi de paramètres comportementaux (alimentation, tabac, alcool). Au niveau Français et Européen, on travaille à l’amélioration des techniques de dépistage, mais aussi sur de méthodes de personnalisation du dépistage, en se basant sur la connaissance des facteurs de risques individuels (antécédents familiaux, obésité…). Cela fait l’objet d’une campagne européenne : MyPebs (My Personal Breast Cancer Screening) », conclut le spécialiste.
La Dre Cécile Bour pense que le dépistage est de moins en moins pertinent « car la valeur de la détection primaire diminue par rapport aux progrès thérapeutiques. Le défi de la recherche est de savoir quelles sont les femmes susceptibles de faire des formes graves de cancer du sein et pourquoi. » Selon elle, le dépistage serait de moins en moins nécessaire bien qu’il soit « important pour les femmes de consulter dès lors qu'il existe un symptôme. »
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