Cancer de la prostate : pourquoi le dépistage organisé n’est-il pas mis en place ?Adobe Stock
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Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme, devant le cancer colorectal et le cancer du poumon. Il s’agit de la troisième cause de mortalité par cancer chez l’homme.

Aujourd’hui, le bénéfice du dépistage du cancer de la prostate n’est pas clairement démontré. Il n’est pas établi que les bénéfices l’emportent sur les inconvénients. Or les conséquences physiques (comme les risques d’incontinence, d’impuissance, de troubles intestinaux) et psychologiques du diagnostic et des traitements de ce cancer peuvent être importantes. Aussi, le dépistage doit être un choix réfléchi et discuté avec le médecin.

En pratique, dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate, on recourt au dosage de PSA (antigène prostatique spécifique) dans le sang. Si le taux est élevé, cela peut être lié à la présence d’un cancer. Mais cela n’est pas toujours le cas, d’autres maladies (hypertrophie de la prostate, prostatite ou infection urinaire) peuvent aussi augmenter le taux de PSA dans le sang. Un dosage bas confirme, dans 90 % des cas, l’absence de cancer de la prostate.

Le repérage repose également sur la réalisation, par un médecin, d’un toucher rectal. Certes inconfortable, cet examen de la prostate est indolore et permet au médecin de vérifier le volume, la consistance et la texture d’une partie de la prostate. Toutefois, un toucher rectal « normal » n’exclut pas un cancer car cet examen ne permet de détecter que des tumeurs palpables.

Cancer de la prostate : un cancer à évolution lente et présentant « une bonne survie »

Le cancer de la prostate cause chaque année la mort de plus de 8 000 hommes en France. À titre comparatif, le cancer du sein, qui fait l’objet de campagnes de dépistage, tue chaque année 12 000 femmes. Les données de ces deux cancers sont donc assez similaires sur ce point. Mais pourquoi le cancer de la prostate ne fait-il pas l’objet de campagnes de dépistage ? Frédéric de Bels explique, dans un premier temps, qu’un dépistage organisé n’est pas mis en place à la seule vue de l’incidence (apparition de nouveaux cas sur une période donnée) et de la mortalité d’un cancer. D’autres paramètres sont pris en compte.

« Plusieurs conditions, décrites par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), doivent être réunies pour la mise en place d’un programme national de dépistage. Il faut par exemple :

  • que la maladie soit fréquente et entraîne une mortalité importante, mais aussi qu’elle soit détectable à un stade auquel elle peut être soignée ;
  • que les tests de dépistage soient performants ;
  • que des moyens de diagnostic et des traitements efficaces pour ce type de cancer existent ;
  • que l’efficacité du programme de dépistage sur la réduction de la mortalité ou la morbidité soit évaluée et établie ;
  • que la balance bénéfices/risques soit favorable.

Pour le cancer de la prostate, l’ensemble de ces critères ne sont pas réunis », détaille l'expert.

Par ailleurs, il précise que « si ce cancer est d’évolution très lente par rapport à d’autres cancers, il apparaît assez tardivement, l’âge médian au diagnostic étant de 69 ans. Les ¾ des décès surviennent après 75 ans. Il n’y a aucune recommandation pour le dépistage au-delà de cet âge. Sauf exception, on considère qu’à cet âge, la personne ne tirera pas de bénéfice du dépistage. »

Frédéric de Bels explique par ailleurs que le cancer de la prostate est un cancer de bon pronostic. À 5 ans après le diagnostic, 93% des hommes sont encore en vie.

Cancer de la prostate : le problème du surdiagnostic

Le cancer de la prostate évolue très lentement : 10 à 15 ans avant que n’apparaissent les premiers symptômes. C'est un cancer qui fait souvent l'objet de surdiagnostic : près de la moitié des cancers de la prostate dépistés sont surdiagnostiqués. Le surdiagnostic est une lésion qui, si elle n'avait pas été détectée, n'aurait jamais impacté la personne de son vivant.

Une fois diagnostiqués (même sans en connaître l’évolution), ces cancers sont traités, on parle alors de surtraitement. « Les risques de séquelles en cas de surtraitement d’un cancer de la prostate sont importants alors que la personne n’en aurait potentiellement pas tiré bénéfice », déclare Frédéric de Bels. « Et quel que soit le traitement, il y a un risque de complication. Le patient peut souffrir de fuites urinaires ou bien d’une dysfonction érectile. À la suite d'un cancer de la prostate et de ses traitements, 1 personne sur 5 a des problèmes d'incontinence urinaire et 1/3 de dysfonction érectile. Les retentissements sur la vie sociale et d’un point de vue psychologique peuvent être conséquents. »

Le rapport bénéfices-risques doit être évalué en cas de mise en place d’un programme de dépistage pour un cancer. En ce qui concerne le cancer de la prostate, cette balance n'est pas équilibrée comme l’explique notre expert : « Lors de la mise en place d’un dépistage organisé, on évalue toujours le rapport bénéfices-risques. Les deux grandes études qui ont été publiées sur le cancer de la prostate sont contradictoires et ne sont pas assez robustes. Il pourrait y avoir des bénéfices à détecter des cancers de la prostate mais à un niveau populationnel la balance bénéfices/risques n’est pas suffisante comme c’est le cas pour le dépistage du cancer du sein ou encore celui du cancer colorectal où il est clairement établi que la balance bénéfices/risques est positive et que ces dépistages sont un réel bénéfice pour les populations concernées. D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’aucun pays n’a mis en place un tel programme, même si dans de rares pays, des recommandations favorables au dépistage ont été publiées (Autriche, Allemagne, États-Unis). La communauté Européenne estime également que des programmes devraient être expérimentés. »

Les Français sont sensibilisés au dépistage du cancer de la prostate mais manquent d’information

Les Français sont bien au courant de l’existence du cancer de la prostate puisqu’ils sont plutôt nombreux à se faire dépister : 4 personnes sur 10 ont fait un dépistage dans l’année et 6 sur 10 dans les 3 ans. « Sa systématisation n’est pas envisagée car comme nous l’avons déjà évoqué, son bénéfice n’a pas été démontré et il n’est pas certain qu’il évite des décès liés à ce cancer. », explique le professionnel.

Cancer de la prostate : des progrès en cours en termes de dépistage

Frédéric de Bels rappelle que les tests aujourd’hui réalisés pour le dépistage du cancer de la prostate, dosage de PSA et le toucher rectal, ne sont pas suffisamment fiables. En ce sens, des recherches sont en cours afin de proposer des tests davantage fiables : « En cas de tests positifs, ils doivent être complétés par une biopsie pour confirmer ou non la présence de cellules cancéreuses dans la prostate. Mais là aussi, cet examen présente des limites car dans 20 % des cas, les hommes ayant un résultat de biopsie négatifs ont en réalité un cancer. Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur d’autres dosages et biomarqueurs qui pourraient être plus pertinents pour détecter ce cancer. À un stade localisé, une « surveillance active » peut être envisagée : cela signifie des contrôles réguliers pour surveiller l’évolution du cancer. Et s’il devient agressif, un traitement pourra être proposé. »

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