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Derrière ce nom pour le moins barbare, se cache une réalité malheureusement assez fréquente. Le terme “anosognosie” nous vient du grec “nosos” (maladie) et “gnosie” (connaissance), initié par un “a” privatif. Il a été décrit pour la première fois en 1914 par le neurologue Joseph Babinski. On parle d’anosognosie lorsqu’un patient atteint d’une maladie ou d’un handicap ne se rend pas compte de sa condition.

Quelle différence entre l’anosognosie et le déni ?

L'anosognosie est un trouble neurologique dû à des lésions cérébrales ou à des perturbations de la communication entre différentes zones du cerveau. Ces atteintes neurologiques empêchent la personne d'avoir conscience de ses troubles. Le déni, quant à lui, est un concept issu de la psychanalyse. Il s'agirait d'un mécanisme de défense inconscient consistant à refuser une réalité potentiellement traumatisante, et n'impliquant pas nécessairement la présence d'une quelconque altération cérébrale”, partage Joanna Peyrache, psychologue et auteure d’un chapitre sur la question de l’anosognosie dans le livre "13 films pour comprendre la neuropsychologie", éd In Press.

Trois types d’anosognosie

Christian Derouesné, médecin spécialisé en neurologie, estime que l’anosognosie se décline en trois types :

  • Anosognosie primaire : Le patient ne formule que les difficultés rencontrées avant la maladie ;
  • Anosognosie mnésique : Le patient voit qu’il fait des erreurs mais ne fait pas le lien avec le fonctionnement de son cerveau ou de sa mémoire ;
  • Anosognosie exécutive : Le patient constate qu’il ne fait pas les choses comme il devrait, mais n’a pas l’impression de faire une erreur.

Diagnostiquer l’anosognosie

Pour savoir si un patient souffre de ce trouble, les médecins réalisent un entretien avec la personne aidante qui en est responsable, et/ou avec l'appui de tests cognitifs réalisés par un psychologue. Voici par exemple ce qui est fait dans le cadre de l'hôpital de jour de neuropsychogériatrie de Bretonneau (Paris): “Nous avons pris en compte spécifiquement le problème de l’anosognosie. Ce service accueille des patients déments ambulatoires sur une durée limitée (environ six mois) avec un objectif d’évaluation et de prise en charge du patient et de ses aidants

Les signes de l’anosognosie

Joanna Peyrache nous indique que l’anosognosie peut se repérer par les signes suivants :

  • L’incapacité à reconnaître ses difficultés, voire les nier (en toute bonne foi)
  • Trouver d'autres raisons qui expliquent les difficultés (comme l'avancée en âge ou la fatigue)
  • Une discordance entre ce que la personne décrit de son quotidien et les difficultés rapportées par les proches
  • La minimisation des difficultés
  • Le refus d’être aidé
  • Le maintien de certains comportements qui représentent désormais
    un danger (comme la conduite automobile)

Cependant, d'autres causes que l'anosognosie peuvent également provoquer ce type de comportement”, nuance l’experte. “Notamment des mécanismes psychologiques de protection. C'est un faisceau d'observations cliniques qui permet de déterminer s'il s'agit là bien d'anosognosie ou d'autre chose.”

Quelles maladies sont liées à l’anosognosie ?

Les maladies concernées sont celles qui affectent le fonctionnement neurologique de façon générale. On retrouve essentiellement les maladies neurodégénératives (maladie d'Alzheimer, dégénérescence lobaire fronto-temporale...), les AVC, ou les troubles psychiatriques tels que la schizophrénie ou la bipolarité (en phase maniaque).

Les risques de l’anosognosie

Comment accepter une médication quand on doute du fait d’être malade ? Un patient qui ne sait pas qu’il est anosognosique est un patient potentiellement plus réfractaire aux soins. “Il est démontré l’intérêt de dépister ces patients car ils sont plus à risque. En effet, le patient anosognosique n’a pas de stratégie de compensation ni d’anticipation de ses déficits du fait qu’il en a une conscience amoindrie ou nulle. Il peut se mettre en insécurité en refusant les aides nécessaires ou en se mettant en danger (la conduite automobile…) Certains sont opposants aux soins”, souligne une étude du Service de neuropsychogériatrie de l’hôpital Bretonneau. En outre, l’anosognosie peut être aussi une source de retard au diagnostic. Or, souvent, plus une maladie, qu’elle soit psychique ou physique, est prise en charge tard, plus il est difficile de la traiter.

Peut-on soigner l’anosognosie ?

Pour notre experte, tout dépend du type de trouble sous-jacent. “Je parlerai ici exclusivement des maladies neurodégénératives car c'est ce que je connais. En ce qui concerne les maladies neurodégénératives c'est très complexe et on peut se questionner sur la pertinence d'un tel soin. L'anosognosie pose problème car elle peut impliquer des mises en danger et des difficultés relationnelles, mais elle peut également avoir une vertu protectrice au niveau du moral. Si on fait le choix de travailler à lever l'anosognosie, il est possible d'utiliser des techniques de feedbacks (faire des retours à la personne concernée sur les difficultés repérées, notamment à l'aide de vidéos).” De son côté, Joanna Peyrache privilégie surtout l'accompagnement des aidants pour les soutenir et les aider à ajuster leur posture face à l'anosognosie de leur proche, et ainsi limiter les difficultés relationnelles, et, en parallèle la mise en place d'adaptations dans le quotidien pour limiter les mises en danger. Du reste, des traitements médicamenteux existent. Ils ne ciblent pas directement l'anosognosie mais peuvent ralentir dans une certaine mesure le déclin cognitif. Ils ne sont pas systématiquement prescrits car ils présentent des contre-indications.